Lutte contre l’ouverture du mariage aux personnes LGBT+, propos transphobes, opposition à la constitutionnalisation de l’IVG : le nouveau gouvernement Barnier est marqué par des positions contre l’égalité des droits. Un signal à rebours des quelques rares avancées sociétales portées jusqu’ici par la Macronie.
À tendre l’oreille ces derniers jours, on aurait presque l’impression d’être revenus dix ans en arrière. « Vous avez vu, ça va être le gouvernement de la Manif pour tous en entier ! », a lancé la députée LFI Mathilde Panot ce vendredi sur TF1.
Le nom de ce collectif d’associations, qui a structuré la lutte contre l’ouverture du mariage pour les personnes de même sexe en 2012, est sur toutes les lèvres en cette fin de semaine. Pour cause : le nouveau premier ministre Michel Barnier vient de présenter, dans son gouvernement, plusieurs ministres qui ont battu le pavé au milieu des drapeaux rose et bleu.
« On s’étonne que certains ministres nommés aient des positions qui vont à l’encontre du gouvernement précédent, qui a notamment ouvert la PMA pour toutes », constate Alexandre Urwicz, président d’honneur de l’Association des familles homoparentales (ADFH), interrogé au téléphone.
L’association a publié un communiqué au titre volontairement cinglant : pour le collectif, ce nouveau gouvernement « très à droite, marqué par la présence de plusieurs personnalités opposées à l’égalité des droits » serait tout simplement une « incitation et provocation à la haine anti-LGBT ».
L’engagement contre le mariage pour tous
Avant de se lancer dans les énumérations, rappelons un fait : le centre, la droite et l’extrême droite ont très majoritairement voté contre le mariage pour tous en 2013 (220 sur 232 député·es). Il était à l’époque bien vu, au sein de cette famille politique, de s’opposer à cette proposition de loi au nom de la « défense de la famille » et du « bien-être des enfants ». Cependant, certaines voix se sont fait plus entendre que d’autres dans la lutte contre l’ouverture des droits aux personnes LGBT+.
L’une de ces personnalités marquantes s’appelle Bruno Retailleau. Le patron des sénateurs Les Républicains (LR), nommé à l’Intérieur, s’est illustré par sa constance dans son combat contre le mariage pour tous dès 2012. Cette année-là, il rédige une tribune dans Valeurs actuelles contre la « dénaturation du mariage », qui « donne à une fiction anthropologique les apparences de la réalité » et demande un référendum sur le sujet. En 2014, un an après l’adoption du projet de loi par l’Assemblée nationale, il assure que si l’UMP (à l’époque) revenait au pouvoir, il faudrait « supprimer » la loi Taubira.
Rebelote en octobre 2016. En ce début d’automne, la Manif pour tous tente un dernier tour de force, qui ressemble plus à un chant du cygne. À Paris, 20 000 personnes défilent, mais rares sont les figures de droite qui osent encore se montrer avec le mouvement, qui se rapproche de plus en plus de l’extrême droite, et dont les Français·es partagent de moins en moins les opinions. Mais Bruno Retailleau est là. En première ligne, il brandit la banderole « La famille, patrimoine de l’humanité », floquée du logo de la Manif pour tous.
Patrick Hetzel, nommé à l’Enseignement supérieur, s’est quant à lui illustré pendant les débats contre le mariage pour tous, accusant le gouvernement de l’époque de « jouer aux apprentis sorciers » et d’assurer : « Votre rédaction est dangereuse : elle nie l’évidence et elle nie la véritable altérité. »
La ministre Catherine Vautrin, qui passe des affaires sociales aux territoires, avait aussi montré son soutien à la Manif pour Tous dans la rue et dans l’hémicycle. Ce n’est que dix ans plus tard qu’elle s’est fendue d’un mea-culpa, quelques mois avant d’entrer au gouvernement Attal : « Il y a 10 ans, en ne votant pas le mariage pour tous, j’ai raté ce rendez-vous qui est aujourd’hui devenu une évidence. »
Othman Nasrou, qui devient ministre de la laïcité et de la lutte contre les discriminations, semble aussi regretter des positions passées. Celui qui était jusqu’ici conseiller régional d’Île-de-France a fait un récent ménage. Le 20 septembre 2024, un tweet a disparu de son compte X. Le 4 janvier 2015, il jugeait « courageux et réaliste » la proposition de Valérie Pécresse, dont il est très proche, d’abroger la loi Taubira. Le petit gazouillis a vite été retrouvé par des militants pour les droits des personnes LGBTQI+. Aussitôt exposé, aussitôt supprimé.
Plus difficile à effacer : les positions très à droite de son directeur de cabinet Jens Villumsen, anti-mariage pour tous et soutien du catholique conservateur François-Xavier Bellamy.
Laurence Garnier cristallise les tensions
Quelques jours avant l’annonce officielle du nouveau gouvernement, un nom a particulièrement fait réagir : Laurence Garnier, sénatrice LR, pressentie pour récupérer le ministère de la famille – elle obtient finalement un secrétariat d’État à la consommation. Ses faits d’armes en matière de recul des droits des femmes et minorités de genre sont si nombreux qu’ils feraient presque passer sa participation à la Manif pour tous en 2013 pour un moindre mal.
En 2016, elle juge « inadaptée » une campagne d’affichage publique de prévention contre le VIH qui met en scène des hommes gays, affirmant : « Exposer ainsi le sujet de la sexualité et des choix de vie de chacun, quels qu’ils soient, à tous et en particulier aux plus jeunes sans qu’ils en aient les clés de compréhension, n’est absolument pas pertinent. »
En 2021, elle fait partie des rares 28 sénateurs et sénatrices à voter contre l’interdiction des thérapies de conversion, par lesquelles on force les personnes LGBTQI+ à devenir hétérosexuelles. Plus récemment encore, elle s’est opposée à la constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en 2024, estimant qu’il s’agissait là d’« un problème qui n’existe pas ».
Selon l’AFP, l’Élysée aurait ainsi pourtant « alerté » Michel Barnier sur le profil de la sénatrice, qui provoquait des remous à gauche, mais aussi chez les macronistes. Auprès de Mediapart, un proche de l’exécutif s’étouffe : « Je ne comprends pas. N’importe quel junior a comme réflexe de vérifier les positions sur Google ou Wikipedia. Si ce n’est pas de l’inadvertance, c’est quoi ? Une volonté de provoc’ délibérée ? Pour nous, c’est inacceptable. »
« C’est quand même terrible ce que l’on vit ! Le NFP [Nouveau Front populaire] a raison de crier au hold-up », s’indigne Suzy Rojtman, porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes, qui appelle à la mobilisation le 21 septembre « contre le gouvernement Barnier ».
Le collectif féministe rappelle au passage que « Michel Barnier, vieux routier de la politique, est bien connu des militantes féministes. En décembre 1981, il s’oppose au fait de fixer la majorité sexuelle au même âge entre hétérosexuel·les et homosexuel·les. Le 6 décembre 1982, il s’abstenait sur la loi Roudy sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Quatre jours plus tard, il votait contre le remboursement de l’IVG par la Sécurité sociale ».
L’arbre qui cache la forêt
Derrière l’arbre Garnier, la forêt du gouvernement Barnier regorge d’autres positions contre l’égalité des droits et l’inclusion des minorités. Ainsi, Astrid Panosyan-Bouvet, nouvelle ministre du travail, s’est ainsi fendue d’un tweet ouvertement transphobe en août 2022. « Là où on veut rendre invisibles les femmes, où on nie des réalités scientifiques, c’est la société tout entière qui recule », a-t-elle tweeté en soutien à Dora Moutot et Marguerite Stern, figures de la lutte contre les droits des personnes trans.
Patrick Hetzel est quant à lui connu comme figure de la lutte contre les avancées sociétales, qui ne s’est pas arrêté au mariage pour tous. Le député LR du Bas-Rhin qui « revendique être conservateur », a lui aussi voté contre la constitutionnalisation de l’IVG – tout comme Bruno Retailleau, de son côté, au Sénat.
Au-delà des indignations de circonstance, les positions du nouveau gouvernement effraient très concrètement les associations, qui craignent un violent changement de paradigme. « Avant, nous étions dans une logique de construction pour l’égalité des droits, alerte Alexandre Urwicz de l’ADFH. Avec un gouvernement comme ça, on serait uniquement dans le maintien des droits. On va devoir se battre pour garder ce qu’on a acquis. »
Le collectif #5JoursPourGagner, emmené par Caroline de Haas, qui s’était fortement mobilisé pendant les élections législatives pour convaincre les électeurs et électrices de voter contre l’extrême droite, a lancé dans la semaine une nouvelle petite initiative populaire. Intitulée « Pas de fachos au gouvernement », elle encourageait à alerter les députés Renaissance, « élus pour beaucoup d’entre eux grâce au barrage républicain, pour leur dire de refuser ces nominations » problématiques.
À l’annonce du gouvernement, et de l’arrivée d’Annie Genevard à l’Agriculture – cette député LR a voté contre la constitutionnalisation de l’avortement, contre la PMA et contre le mariage pour tous au cours de deux derniers mandats –, la féministe se désespérait sur X : « On a la Manif pour tous à l’Intérieur, à l’Agriculture, à l’Enseignement supérieur, à la Lutte contre les discriminations et à la Consommation. 5 ministres ou secrétaires d’État. C’est sidérant. »
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