LE COMMISSAIRE CHASSAING, RESPONSABLE DE LA NOYADE DE STEVE, EST RELAXÉ

 
SCANDALE : LE COMMISSAIRE CHASSAING, RESPONSABLE DE LA NOYADE DE STEVE, EST RELAXÉ
– Pas de justice pas de paix : 5 ans après la charge policière qui avait fait des dizaines de blessés à Nantes et provoqué la noyade de Steve, le commissaire est blanchi par la justice et promu par le Ministère de l’Intérieur –
Plus de 5 ans ont passé depuis la noyade de Steve dans la Loire, lors d’une charge policière ultra-violente. 5 ans d’attente, de rebondissement, 5 ans que la justice fait traîner l’affaire pour tenter de la faire oublier. Et le verdict, ce vendredi 20 septembre. Le commissaire Grégoire Chassaing, qui était le seul poursuivi pour ces faits, est relaxé.
Le tribunal correctionnel a estimé que le commissaire de 54 ans, qui était mis en cause pour «homicide involontaire», n’avait pas commis de «faute caractérisée» ayant pu aboutir à la chute de Steve dans la Loire. Lors du procès qui était déjà d’une complaisance honteuse étant donné la gravité des faits, le procureur de Rennes avait demandé une «peine de principe» contre le fonctionnaire de police. Il n’a pas été suivi. La police tue, et la justice acquitte.
Le 21 juin 2019, des centaines de jeunes dansaient sur un quai de l’île de Nantes, qui se situe à plusieurs mètres au dessus de la Loire. Sans motif, les forces de l’ordre étaient intervenues au milieu de la nuit. Et avaient chargé après qu’un DJ ait diffusé le morceau «porcherie», une chanson contre le Front National.
Ivre de violence, la police avait tiré des dizaines de grenades lacrymogènes, tabassé des personnes au sol, fracturé des os, envoyé des grenades explosives et tiré des balles en caoutchouc. Et avait provoqué des dizaines de blessés, des centaines de traumatisés, mais surtout, au moins 12 personnes tombées dans l’eau sombre et dangereuse de la Loire. Et un mort noyé, Steve, 24 ans.
L’affaire avait suscité une immense émotion à Nantes et une mobilisation puissante durant des mois. Face aux éléments accablants et à la pression populaire, la justice avait fini par mettre en examen la mairie, le préfet et son adjoint, ainsi que le commissaire qui avait lancé la charge. Après avoir fait traîner la procédure, l’affaire judiciaire s’est dégonflée : la mairie et le préfet ont été mis hors de cause, et le seul à comparaître sera donc le commissaire Grégoire Chassaing.
Qui est ce commissaire qui a marqué Nantes au fer rouge ? Le journal Street Press avait dévoilé son pedigree après la charge mortelle : déguisement raciste, engagement traditionaliste, prises de positions violentes et autoritaires. Sur les réseaux sociaux, ce policier s’affichait, en photo, aux côtés de son épouse, le visage maquillé en noir, une perruque afro sur la tête. Un «blackface», pratique raciste régulièrement dénoncée.
Toujours sur internet, la femme du commissaire dénonçait en vrac la «PMA sans père, le mariage gay et l’avortement». Le soir de la fête de la musique, les témoins parlent d’une charge sans sommation et d’insultes comme «sales gauchistes».
Ce chef de la police était connu depuis de longues années à Nantes pour ses méthodes violentes, notamment contre les cortèges revendicatifs. À la tête de ses hommes, il faisait le coup de poing et déchaînait la répression, blessant de nombreuses personnes. La même méthode a été utilisée contre les fêtards.
Concernant la mort de Steve, «l’Inspection Générale de l’Administration», l’équivalent de l’IGPN pour les hauts fonctionnaires, a mis en cause la responsabilité du commissaire Chassaing : «Les enquêteurs ont établi qu’il aurait décidé d’intervenir, alors même que la consigne inverse lui avait été donnée par sa hiérarchie».
Pourtant, quelques jours avant la fête de la musique, le commissaire était décoré par le Ministre de l’Intérieur : une médaille offerte aux agents qui ont assuré la répression du mouvement des Gilets Jaunes. Le commissaire se targue aussi d’avoir reçu une médaille d’honneur de la police nationale en 2015, une médaille de la sécurité intérieure et une médaille de la défense.
Rappelons également que Grégoire Chassaing a assuré, au début de sa carrière et pendant des années, une «coopération en Égypte et au Cambodge», où il avait enseigné à des Régimes autoritaires les techniques de répression françaises.
En avril 2021, moins de deux ans après la mort de Steve et alors qu’il était mis en cause, Grégoire Chassaing obtenait une première promotion : il était nommé à la direction de la police de Clermont-Ferrand.
Une nouvelle provocation du Ministère de l’Intérieur avait eu lieu quelques jours seulement avant le procès : le 1er juin 2024, Chassaing était nommé nouveau chef de la police nationale de Lyon, à la tête de centaines d’hommes, dans la troisième plus grande ville française. «Une promotion ? Oui, ça y ressemble fortement. C’est un poste plus élevé et le timing est quelque peu étrange, si ce n’est magique» ont expliqué des policiers de Clermont au quotidien Ouest-France. En clair, même au sein de la police, tout le monde a compris que le Ministère envoyait un message avant le procès en récompensant le commissaire.
Ce 20 septembre, ce verdict absolument scandaleux démontre aussi l’échec complet d’une stratégie judiciaire perdante. Depuis 5 ans, les avocats de la famille du défunt, proches du Parti Socialiste local, appellent «au calme», à «laisser faire la justice», ils ont dénoncé les manifestations contre les violences policières et ont tout fait pour obéir et laisser l’affaire entre les mains de l’institution.
Lors du procès, « les avocats de la famille de Steve ont pointé «une succession de défauts de prévision, d’imprudences, de manquements d’anticipation [qui] ont conduit à cette tragédie», estimant que les policiers ont été «d’une certaine façon» livrés à eux-mêmes ce soir-là » écrit le journal Le Monde. Plutôt que de dénoncer avec force l’ultra-violence de policiers radicalisés, ces avocats ont préféré victimiser… les policiers auteurs des violences. Comme si les agents dont les vidéos montrent qu’ils ont frappé, tiré, rigolé en voyant des jeunes tomber dans un fleuve, n’étaient pas responsables de leurs actes. Une stratégie moralement honteuse mais aussi perdante judiciairement.
Voilà le résultat. Quand on «laisse faire la justice» et qu’on baisse la tête, celle-ci relaxe les policiers criminels. Sans rapport de force, c’est l’impunité totale.
La famille de Steve subit ainsi une violence inouïe, une de plus. Et toute la population nantaise, durablement choquée par la noyade de la fête de la musique et qui s’était mobilisée en 2019 avec des fresques, des collages et de nombreuses actions, peut avoir un goût amer ce vendredi.
À présent, la police sait qu’elle peut tuer un jeune qui danse un soir de fête de la musique sans même être inquiétée.
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