Les hôpitaux libanais surchargés et la population sous le choc après les explosions meurtrières des derniers jours

Attaqué ces derniers jours sur ses moyens de communication, avec des pertes humaines importantes à la clé, le Hezbollah a subi un « coup dur », estime Karim Bittar jeudi dans La Matinale. Mais selon le chercheur, la milice chiite conserve une grande force de frappe.

« Sa capacité d’infliger des dégâts demeure considérable. Si Israël devait poursuivre dans cette fuite en avant, il dispose certainement d’un avantage technologique, mais le Hezbollah pourrait tout à fait empêcher une invasion terrestre au Liban, ou en tout cas lancer des missiles de longue portée qui pourraient viser des villes israéliennes. »

Selon l’expert, c’est précisément parce que la milice chiite est forte au niveau terrestre qu’Israël a opté pour une attaque par la voie technologique. « Israël profite des faiblesses du Hezbollah, qui a été infiltré. Ses services de renseignements sont particulièrement présents sur la scène libanaise et ils ont plusieurs longueurs d’avance en matière de technologie. Cela ne veut pas dire pour autant que leurs objectifs de guerre sont atteints », explique-t-il.

>> Pour plus d’informations : Karim Bitar: « La capacité du Hezbollah d’infliger des dégâts demeure considérable »

Le Hezbollah libanais a annoncé la mort de 20 de ses membres entre mercredi soir et jeudi matin, tués selon une source proche de la formation pro-iranienne dans les explosions de talkie-walkies attribuées à Israël.

Une nouvelle vague d’explosions d’appareils de transmission du Hezbollah a fait mercredi 20 morts et plus de 450 blessés à travers le Liban, selon les autorités. Elle est intervenue au lendemain d’une première vague d’explosions de bipeurs, un système de radiomessagerie utilisé par le mouvement islamiste pro-iranien, qui avait fait douze morts et près de 2800 blessés.

Il reste encore beaucoup d’inconnues après les explosions de bipeurs et de talkie-walkies ces derniers jours au Liban. Les services secrets israéliens sont pointés du doigt, sans confirmation, et la trace des appareils va de Taïwan à la Hongrie en passant par le Japon. Et une question est sur toutes les lèvres: comment peut-on pirater de tels appareils?

Pour Baptiste Robert, « hacker » éthique et président de PredictLab, c’est une attaque sophistiquée qui demande de la technicité et beaucoup de moyens, une attaque sans précédent à ses yeux. Interrogé dans La Matinale, cet expert en cybersécurité explique que de l’explosif a été ajouté au sein des bipeurs, « à peu près 20 grammes pour que cela passe inaperçu », ainsi qu’un détonateur pour pouvoir déclencher l’explosif. Il évoque également une augmentation de la chaleur due à la batterie.

Baptiste Robert relève en outre que le logiciel interne du bipeur a également dû être modifié pour que l’explosion se déclenche quand il reçoit un certain message.

>> L’interview de Baptiste Robert dans La Matinale :

Keystone – Hussein Malla

Comment pirate-t-on un bipeur? Interview de Baptiste Robert, expert en sécurité / La Matinale / 1 min. / aujourd’hui à 06:23

Les explosions des derniers jours au Liban, qui ont fait une trentaine de morts selon les derniers bilans, suscitent la sidération dans le pays, alors que les hôpitaux sont surchargés, notamment à Beyrouth.

Devant l’hôpital universitaire Mont Liban, en lisière de la capitale, des familles attendent des nouvelles de leurs proches blessés. Une soixantaine de patients, pour la plupart membres du Hezbollah, sont hospitalisés dans l’établissement.

Malgré les divisions politiques dans le pays, nombre de Libanais sont venus donner leur sang, à l’image de Dima, interrogée dans La Matinale: « Nous devons être les uns aux côtés des autres, laisser la politique de côté, considérer l’humain, laisser nos différends de côté. Nous sommes un même pays. Quand j’ai appris les attaques, j’ai été stupéfaite. C’est une guerre, une guerre électronique, une situation dangereuse. »

Dans la banlieue sud de Beyrouth, un quartier densément peuplé qui est aussi un bastion du Hezbollah, la vie a eu des airs de normalité jusqu’à ces explosions. Mais désormais, l’angoisse domine, confie Mohamed, qui habite là: « Ce qui s’est passé sort de la normalité, c’est inédit. Ceux qui ont mené les attaques n’ont pas de sens moral. Les gens ont repris le travail comme d’ordinaire, mais il y a une fatigue psychologique, surtout chez ceux qui ont des proches blessés. Mais au Liban, nous sommes habitués à ce genre d’événements. »

>> Le reportage de La Matinale :

KEYSTONE – EPA/WAEL HAMZEH

Le fabricant japonais Icom a fait savoir qu’il avait cessé de produire depuis longtemps le modèle de talkie-walkie soupçonné d’avoir explosé mercredi au Liban, tuant des membres du Hezbollah.

« Le IC-V82 est une radio portable qui a été produite et exportée, y compris au Moyen-Orient, de 2004 à octobre 2014. Elle a été abandonnée il y a environ 10 ans, et depuis lors, elle n’a pas été expédiée par notre société », a-t-il détaillé, réagissant à des informations du New York Times et de médias israéliens qui ont évoqué ce modèle.

« La production des piles nécessaires au fonctionnement de l’unité principale a également été interrompue, et le sceau holographique permettant de distinguer les produits contrefaits n’a pas été identifié, de sorte qu’il n’est pas possible de confirmer si le produit a été expédié par notre société », a déclaré l’entreprise.

« Toutes nos radios sont fabriquées dans notre filiale de production, Wakayama Icom Inc. dans la préfecture de Wakayama, dans le cadre d’un système de gestion strict, de sorte qu’aucune pièce autre que celles spécifiées par notre société n’est utilisée dans un autre produit. En outre, toutes nos radios sont fabriquées dans la même usine, et nous ne les fabriquons pas à l’étranger », a complété Icom.

Un porte-parole de la Maison Blanche a mis en garde mercredi contre toute « escalade » après la vague d’explosions d’appareils de transmission du Hezbollah mardi et mercredi.

Les Etats-Unis ne sont « pas impliqués » dans ces opérations, a dit John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, qui n’a pas voulu faire plus de commentaire sur l’origine de ces explosions.

>> A Lire : Au moins 20 morts dans de nouvelles explosions d’appareils de communication du Hezbollah au Liban