Le Hezbollah a condamné les manifestations qu’a connues le Liban depuis octobre 2019, affirmant qu’elles pourraient conduire à une nouvelle guerre civile et qu’elles jouaient le jeu des forces impérialistes. Comment cette force de la résistance, devenue un parti d’opposition porteur de revendications sociales, s’est-elle progressivement intégrée dans la vie politique libanaise, au point de soutenir la classe politique au pouvoir ?
Contre Israël
Le Hezbollah — littéralement « le parti de Dieu » — est un parti islamiste chiite formé par la fusion de plusieurs groupes de résistance chiites, à la suite de l’invasion israélienne du Liban en 1982. À partir de 1975, le Liban a été le théâtre d’une guerre civile, où se sont progressivement immiscés des acteurs géopolitiques régionaux, notamment la Syrie et Israël. Dans l’objectif de créer une zone tampon pour se protéger des attaques de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat, dont le siège était alors à Beyrouth, et convoitant les ressources en eau de la région, Israël a occupé une partie du Sud-Liban en 1977. En 1982, il lance l’opération « Paix en Galilée », envahissant cette fois le territoire libanais jusqu’à Beyrouth. Le triple objectif israélien était d’écraser la résistance palestinienne, de stopper la menace syrienne qui avait déployé son armée jusqu’au Sud-Liban, et d’opérer une jonction avec les Forces libanaises, bras armé du Parti phalangiste qui s’illustrera dans les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila.
Le Hezbollah a alors activement participé à la guérilla menée contre Israël au Sud-Liban, où la communauté chiite est très présente, et contre l’armée du Liban Sud qui combat aux côtés des Israéliens. Ayant fait allégeance à l’ayatollah Rouhollah Khomeiny, Guide de la révolution, le Hezbollah est soutenu par la République islamique d’Iran. En 1984, il a participé à un soulèvement contre l’armée d’Amine Gemayel, président libanais allié avec Israël, à l’issue duquel il est parvenu à contrôler la banlieue sud de Beyrouth.
Entre intégration politique et résistance armée
La fin de la guerre civile libanaise et l’affaiblissement de l’Iran à la suite de la guerre avec l’Irak (1980-1989) ont fortement concouru à un changement d’attitude du Hezbollah au début des années 1990. Le « Parti de Dieu » a renoncé à l’idée d’une République islamique et cherché à s’intégrer au système politique national en participant aux élections législatives et municipales de 1992. Il s’affirme alors comme un parti politique d’opposition, grâce à sa capacité de mobilisation sociale, notamment dans la banlieue sud de Beyrouth, et propose un grand nombre de services sociaux (sanitaires, d’éducation, d’aide à l’emploi…) pour les couches les plus marginalisées. De plus, il verse des pensions aux familles des combattants de la résistance. Il œuvre également à la médiatisation de ses actes de résistance à travers sa chaîne de télévision Al-Manar.
Engagé dans le conflit syrien
L’entrée au gouvernement du Hezbollah à partir de 2005 illustre son pragmatisme politique. Il s’est déjà allié depuis les années 1990 avec l’autre parti chiite Amal à qui il s’était opposé dans les années 1980. En 2006, après une longue période d’instabilité politique, le « Parti de Dieu » décide ainsi de s’allier avec le parti chrétien du président Michel Aoun. Ce choix est avant tout motivé par sa volonté de préserver sa branche armée, condition sine qua non pour rester un acteur majeur de la résistance à Israël.
Cette branche armée s’est engagée aux côtés de Bachar Al-Assad dans le conflit syrien. Elle fait partie d’un front commun au Proche-Orient, aux côtés de l’Iran, de la Syrie et d’une fraction ultra-minoritaire aujourd’hui de la résistance palestinienne. En contrepartie, le Hezbollah a « oublié » ses promesses de lutte contre la corruption qu’il avait pourtant mises au cœur de son programme depuis plusieurs années, devenant au fil des années un défenseur du système politique libanais.
Diplômée en études moyen-orientales à l’Ecole nationale supérieure (ENS) de Lyon.
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