Comment le changement climatique booste les feux en Californie

14 janvier 2025

La violence des incendies en Californie est surtout attribuable au changement climatique, qui accentue les sécheresses et les pluies extrêmes.

Les incendies qui ravagent la région de Los Angeles, en Californie, sont d’une ampleur « sans précédent »selon le gouverneur de l’État étasunien. Le 13 janvier, le bilan était de 24 morts, plus de 105 000 personnes toujours soumises à des évacuations obligatoires et 15 000 hectares partis en fumée. La puissance de ces feux est liée à la présence de conditions météorologiques très rares, dont l’intensité est renforcée par le changement climatique. C’est la conclusion d’une étude d’attribution rapide, publiée le 10 janvier par la collaboration européenne ClimaMeter.

On savait déjà que la Californie était victime de feux estivaux de plus en plus nombreux, lorsque les conditions sont chaudes et sèches l’été, et que cette évolution était due au changement climatique. Mais ce qui rend la catastrophe actuelle « sans précédent », c’est surtout le fait qu’elle intervienne en hiver.

Entre le 1er et 9 janvier 2025, plus de 60 alertes incendie ont été recensées dans le seul comté de Los Angeles, soit… environ 40 fois plus que la moyenne des 12 dernières années pour cette même période, selon le World Resources Institute.

Un phénomène connu, mais plus intense qu’avant

Le phénomène central qui alimente actuellement les feux californiens est appelé les « vents de Santa Ana » : puissants, chauds et secs, ils favorisent la propagation des incendies. En temps normal, les vents qui soufflent sur la Californie viennent de l’océan Pacifique. Mais lorsqu’une zone de basse pression isolée se fixe au-dessus de la région, et forme ce qu’on appelle une « goutte froide », cela favorise les vents de Santa Ana, qui viennent de l’intérieur des terres et soufflent dans l’autre sens, vers l’océan.

Les conditions météorologiques qui déclenchent ces vents existent depuis longtemps. En comparant les événements analogues du passé (sur la période 1950 à 1986) à ceux du présent (1987-2023), les scientifiques de ClimaMeter ont mis en évidence une évolution : le même phénomène produit aujourd’hui des températures plus élevées de 5 °C, des conditions plus sèches de 15 % et des vents plus violents de 5 km/h que par le passé.

Un bâtiment en cendre à Los Angeles, en Californie, le 12 janvier 2025. © Lokman Vural Elibol / Anadolu / Anadolu via AFP

L’intensification de la température et de la sécheresse sont directement liées au changement climatique. « Les vents qui soufflent depuis les montagnes rocheuses vers la Californie sont moins capables qu’avant de transporter de la fraîcheur, la sécheresse fait qu’on n’a pas la neige habituelle sur ces montagnes. Sans celle-ci, les vents de Santa Ana descendent vers la Californie plus chauds et plus secs qu’avant », explique Davide Faranda, climatologue à l’Institut Pierre-Simon Laplace et coauteur de l’étude d’attribution.

Le troisième facteur identifié à la hausse, la vitesse des vents, est plus délicat à analyser. « On voit que cela augmente, mais on ne peut pas conclure sur le lien avec le changement climatique ; le phénomène dépend beaucoup de chaque vallée, de la topographie. On n’a pas de résultat clair sur l’influence du changement climatique là-dessus », précise le chercheur.

Quand la pluie entraîne le feu

Les vents plus secs, plus chauds et plus violents contribuent quoi qu’il en soit à assécher la végétation, qui forme alors du combustible pour les incendies, et à disperser les braises et les flammes, propageant d’autant plus rapidement ces feux destructeurs.

Sur quelques années, la multiplication et l’intensification des sécheresses, elles aussi favorisées par le changement climatique, nourrissent également ces incendies. Mais, de manière moins évidente, la multiplication des pluies accentue également le problème.

C’est ce que montre une autre étude menée par des chercheurs étasuniens, publiée le 9 janvier dans la revue Nature Reviews Earth & Environment. À chaque fois que l’atmosphère gagne 1 °C, elle peut contenir 7 % d’humidité supplémentaire, rappellent-ils. Conséquence : l’atmosphère devient comme une grosse éponge. Elle peut, d’un côté, absorber plus d’eau, et de l’autre, en relâcher plus lorsqu’elle en est saturée. Autrement dit : le réchauffement de l’atmosphère accentue à la fois les sécheresses et les pluies extrêmes.

« L’éponge grossit de manière exponentielle »

Les phénomènes de transitions rapides entre sécheresse et humidité extrêmes ont déjà vu leur fréquence augmenter sous l’effet du changement climatique (+31 à 66 % depuis le milieu du XXe siècle) et vont encore s’intensifier à l’avenir. Cela va même aller de plus en plus vite, alertent les auteurs : le taux d’occurrence du phénomène pourrait doubler si l’on atteint 3 °C de réchauffement global, comme nous en prenons le chemin.

Or, cela a un effet pervers sur les risques d’incendie : les périodes de forte pluie nourrissent les végétaux, qui poussent davantage. Puis, lorsque la sécheresse survient, cette végétation s’assèche et fournit du combustible à profusion pour les feux.

C’est aussi ce phénomène qui est aujourd’hui à l’œuvre dans la région de Los Angeles : les hivers 2022-2023 puis 2023-2024 ont battu des records de précipitations dans le sud de la Californie, avant que l’été 2024 ne batte des records de chaleur, suivi par un hiver 2024-2025 extrêmement sec, explique l’université de Californie.

« Le problème est que l’éponge grossit de manière exponentiellesouligne Daniel Swain, premier auteur de l’étude étasunienne. Et le taux d’accroissement augmente pour chaque fraction de degré de réchauffement. »

Si les projecteurs sont aujourd’hui braqués sur la Californie, le problème est évidemment loin de s’y cantonner : « En Méditerranée, on a en ce moment un peu les mêmes conditions qu’en Californie en 2023 : beaucoup de précipitations en Sicile, en Tunisie ou sur les côtes espagnoles ou algériennes. En conséquence de quoi une végétation broussailleuse y pousse très vite », note Davide Faranda. Les conditions d’une forte sécheresse finiront ici aussi par revenir, fournissant un combustible idéal et foisonnant pour de nouveaux incendies ravageurs.

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