Mort de Jean-Marie Le Pen : retour sur la fortune de l’ancien chef du FN

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Le fondateur du Front national est mort le 7 janvier à l’âge de 96 ans. Après plus de 50 ans consacrés à son mouvement, lancé en 1972, le natif de La Trinité-sur-Mer (Bretagne), fils de marin-pêcheur, est devenu millionnaire grâce à un héritage reçu en 1976.

À l’âge de 96 ans, celui qui se faisait appeler le «Menhir» est mort. «Jean-Marie Le Pen, entouré des siens, a été rappelé à Dieu ce mardi à midi», a déclaré sa famille dans un communiqué transmis à l’Agence France-Presse, le 7 janvier. Le patriarche de l’extrême droite, dont les outrances lui ont permis de s’immiscer avec fracas dans le paysage politique était depuis février 2024 sous un mandat de protection future, une protection juridique proche de la tutelle. Après un malaise cardiaque en 2023, ses trois filles, Marie-Caroline, Yann et Marine avaient été désignées pour gérer les affaires courantes de l’ancien patron du Front national (FN).

Né le 20 juin 1928, à La Trinité-sur-Mer (Morbihan), le Breton devient pupille de la Nation à 14 ans quand son père, pêcheur, meurt en mer en sautant sur une mine. Celui qui s’appelle alors simplement «Jean» – il n’ajoutera «Marie» que plus tard – entreprend des études de droit. Une fois diplômé, il rejoint en 1954 le premier bataillon étranger de parachutistes en Indochine. De retour à Paris, il devient en 1956, à 27 ans, benjamin de l’Assemblée nationale sur les listes poujadistes, dans une IVe République déclinante. Il repart ensuite, cette fois en Algérie, où il est accusé de tortures, des accusations qu’il nie fermement.

Le Pen, un politique à la tête d’une maison d’édition de disques controversée

Anticommuniste viscéral, Jean-Marie Le Pen dirige en 1965 la campagne présidentielle de l’avocat d’extrême droite Jean-Louis Tixier-Vignancour puis est désigné en 1972 à la tête d’un nouveau parti : le Front national. Il se présente à l’élection présidentielle de 1974 à la tête d’un Front national endetté. Il obtient seulement 0,74% des voix.

Au cours de cette période, le Breton dirige sa maison d’édition de disques, la SERP, lancée en 1963. Il propose des enregistrements variés, allant des chœurs de l’Armée rouge et des chants israéliens aux discours de dirigeants tels qu’Adolf Hitler ou Lénine. Mais aussi des enregistrements des procès de Raoul Salan et de Bastien-Thiry, deux figures de l’OAS, ou encore des chants de l’armée allemande et notamment un disque intitulé Hommes et faits du vingtième siècle. Le IIIe Reich. Voix et chants de la révolution allemande. Pour ce disque, Jean-Marie Le Pen a été condamné pour apologie de crimes de guerre en 1971. Plus tard, sa fille aînée est désignée pour gérer la société.

Pupille de l’État devenu millionnaire après un héritage en 1976

En 1976, la vie de Jean-Marie Le Pen prend un tournant. Le fils de marin-pêcheur devient millionnaire après avoir hérité de la fortune de Hubert Lambert, à la tête des cimenteries éponymes et militant nationaliste. Le montant est estimé à 30 millions de francs. Il lui lègue également la moitié de la SCI possédant l’hôtel particulier du parc de Montretout, à Saint Cloud. Le cousin du riche homme d’affaires, Philippe Lambert, qui résidait à l’époque à Montretout conteste le testament. Les deux familles finissent par trouver un accord à l’amiable. Plus tard, Jean-Maurice Demarquet, un ex-proche de Jean-Marie Le Pen, lui reproche d’avoir profité d’Hubert Lambert, alcoolique et décédé à 42 ans sans enfant. Il a été condamné pour diffamation en 1988.

Au cours de sa carrière politique, Jean-Marie Le Pen est régulièrement accusé d’avoir profité du système pour son enrichissement personnel. Son garde du corps, Thierry Légier, est élu conseiller régional en Haute-Normandie en 2010. Dans Le Testament du diable (Editions du Moment, 2010), le journaliste Azzedine Ahmed-Chaouch a affirmé que Jean-Marie Le Pen «sait faire preuve de malice pour alléger la masse salariale de son personnel». Le garde du corps a par la suite été accusé d’avoir bénéficié d’un emploi fictif en devenant assistant parlementaire entre 2005 et 2009, alors qu’il assurait encore la sécurité du président du FN. Même interrogation pour Gérald Gérin, majordome, maquilleur personnel et proche collaborateur de Jean-Marie Le Pen qui a été employé comme assistant parlementaire entre décembre 2014 et décembre 2015 pour un total de 87 000 euros auprès de l’eurodéputé Marie-Christine Arnautu. Son rôle a lui aussi été interrogé lors du procès des assistants du RN au Parlement européen.

Jean-Marie Le Pen et les casseroles judiciaires

Le majordome est également soupçonné d’avoir dissimulé au fisc, entre 2008 et 2015, un trust basé aux îles Vierges britanniques crédité de 2,2 millions d’euros, dont 1,7 million sous forme de lingots et de pièces d’or et dont il était l’ayant droit. L’existence du trust nommé Balerton Marketing LTP a été révélée en 2015 par Mediapart. Le parquet a requis début décembre 2024 une peine de 18 mois de prison avec sursis contre l’ex assistant personnel de Le Pen. Tracfin, la cellule antiblanchiment de Bercy, et la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) avaient signalé à la justice la possible existence d’un compte bancaire caché à l’étranger et appartenant à Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national (FN) devenu Rassemblement national (RN). Les cas de Jean-Marie Le Pen et de son épouse Jany, cités dans cette affaire, avaient été disjoints et confiés au parquet de Nanterre.

À la fin des années 1990, après la tentative de «pu-putsch», comme l’a qualifié Le Pen, du numéro deux du parti, Bruno Mégret, de prendre le parti, la famille se divise. Le chef du FN renie l’héritage politique promis à sa fille aînée, Marie-Caroline, après son ralliement à Bruno Mégret. Le Breton l’attaque pour récupérer des fonds investis dans sa maison d’édition de disques, qu’elle gère désormais. Sa fille décide alors de vendre l’une de deux maisons familiales de La Trinité-sur-Mer.

Difficile d’évaluer précisément le patrimoine de la famille Le Pen. En 2017, alors que Marine Le Pen est désormais à la tête du parti à la flamme, la présidente du parti est rattrapée par le fisc. La première procédure de redressement fiscal concerne la résidence de Montretout dont la propriété est à l’époque partagée entre le père, Marine et Yann, la deuxième de la famille, rapporte Le Monde. Le fisc reprochait au clan d’avoir sous-estimé la valeur de leurs parts dans la SCI de Montretout. La seconde procédure concernait la maison familiale de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) dont la valeur était contestée. Depuis, les deux résidences ont été vendues.

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© ALAIN JOCARD/AFP
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