Ukraine : Clarifications indispensables par le camarade Pascal Morsu (NPA)

Le camarade Morsu a sollicité la parution à titre de tribune de cette contribution portant sur la réfutation des arguments campistes, pseudo-pacifistes et pseudo-internationalistes mais franchement pro-Poutine qui circulent encore trop dans l’extrême-gauche actuelle.

Sa contribution a attiré notre attention sur certains points sur lesquels nous reviendrons prochainement.

La rédaction

Lire la contribution du camarade Morsu

Ukraine : clarifications indispensables
Les diverses discussions qui ont lieu autour de la question ukrainienne obligent aux
précisions suivantes.
À propos de Maïdan
On peut lire sur Internet de nombreuses contributions présentant les évènement de Maïdan
(21 novembre 2013 – 22 février 2014 ) comme un coup d’État monté par les fascistes
ukrainiens et l’impérialisme (surtout américain) qui aurait renversé le président
« régulièrement élu ». Il faut répondre à ces fables, colportées par divers staliniens, mais
émanant directement des services de Poutine.
Rappelons donc brièvement les faits.
Le président ukrainien Ianoukovitch devait signer le 28-29 novembre 2013 un accord
d’association avec l’Union Européenne. Cet accord impliquait évidemment de se soumettre
aux lois du marché impérialiste – on a vu en Grèce ce dont il s’agissait.
Face à cela, Poutine propose un accord visant à garder l’Ukraine sous orbite russe au sein
de l’Union économique eurasiatique (Russie, Belarus, etc.). Ce plan était moins « douloureux »
économiquement, pour permettre à Ianoukovitch de se rétracter face à l’UE. Le 21
novembre, Ianoukovitch suspend donc la signature de l’accord avec l’UE. La similitude avec
le cas géorgien est évidente.
Pour les masses ukrainiennes, la signature de la proposition du Kremlin signifiait un avenir
fait de la même misère que celle que subissent les travailleurs de Russie, plus la soumission
à un régime de type fasciste. Pas besoin de thèses policières d’un pseudo-complot US pour
comprendre qu’une telle perspective fasse descendre dans la rue. D’autant plus que,
quoiqu’on en pense, l’intégration à l’UE d’un pays comme la Pologne a été tout sauf un
échec :
« Il y a vingt ans, le produit intérieur brut (PIB) par habitant de la Pologne s’élevait
à 48 % de la moyenne de l’UE (à parité de pouvoir d’achat). Il est aujourd’hui de
82 %, soit l’équivalent du Portugal. Le chômage atteignait 20 % ; il plafonne
désormais à 2,9 %. Les quinze premières années, jusqu’à 2,5 millions de
Polonais ont émigré, essentiellement vers le Royaume-Uni, l’Allemagne et
l’Irlande. Depuis 2018, le flux s’est inversé, et le pays enregistre un net retour de
sa population » (Le Monde, 20 mai 2024).
Tout ceci alimente évidemment les illusions envers l’impérialisme et ses institutions (UE,
OTAN) dans un des pays les plus misérables d’Europe. On ne peut qu’en tenir compte.
*
Le 29/30 novembre, 10 000 personnes manifestent donc place Maïdan contre la volte-face
de Ianoukovitch. Puis les manifestations enflent (jusqu’à 500 000 personnes), et le
gouvernement envoie ses flics : il y aura plus de 100 morts.
Ces crimes précipitent la crise politique. Le Parlement ukrainien finit donc par voter la
destitution de Ianoukovitch qui se réfugie chez Poutine (328 voix sur 450 au Parlement).
Ultérieurement, Porochenko, qui affirmait soutenir Maïdan, sera élu président (54 % des
voix) sans que quiconque ne parle d’élections truquées, à la Poutine.
Il n’y a donc jamais eu de coup d’État en Ukraine en 2014 contrairement aux fables crypto-)staliniennes.
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Pour autant, le Maïdan n’a bien sur jamais été une révolution, un mouvement où les masses
cherchent à conquérir le pouvoir pour leur propre compte. En fait, coincées entre deux
camps tout aussi réactionnaires, elles ont choisi le moins inconfortable.
Au final, là encore s’illustre la caractéristique des mouvements de masse de la fin du XX° et
du début du XXI° siècle : les masses peuvent entrer en mouvement, il n’y a aucune « fin de
l’Histoire », mais elles se butent inévitablement à l’absence d’outil politique, de parti ouvrier
leur permettant de résoudre à leur profit la question du pouvoir. Sans un tel outil elles ont
même une extrême difficulté à exister en tant que facteur politique indépendant, à peser
positivement. Et en Ukraine, la situation est particulièrement difficile, car encore plus
qu’ailleurs, le stalinisme y a discrédité la notion même de mouvement ouvrier.
Et l’extrême-droite ?
Les mêmes staliniens dénoncent les « néo-nazis » ukrainiens (Pravy Sektor, Svoboda, etc.),
cherchant à utiliser l’incontestable existence de ce courant pour assimiler les défenseurs du
peuple ukrainien à des soutiens de l’extrême-droite.
Rappelons avant tout que si l’extrême-droite existe dans ce pays (comme dans tant
d’autres), c’est largement en raison du bilan du stalinisme et de ses crimes. Ceci dit, il est
indéniable que des fachos étaient présents à Maïdan, mais sans y avoir jamais eu la
majorité. Et depuis, que représentent-ils vraiment ?
Aux législatives ukrainiennes de 2012, Svoboda représentait 10,45 % (2 129 000) des voix
sur 30 millions d’électeurs. En 2014, après le Maïdan, les voix d’extrême-droite avaient
diminué de moitié. Et en 2019, le même parti ne rassemblait plus que 315 000 voix… On
constate donc que le vote d’extrême-droite en Ukraine est inférieur à ce qui existe en
Allemagne, en France, etc.
La conclusion s’impose : les staliniens et leurs complices, parfois « trotskystes », utilisent un
fantôme pour semer la confusion, pour discréditer la résistance ukrainienne au régime
barbare du Kremlin. Il faut d’ailleurs rappeler qu’en 2022, Poutine prétendait « dénazifier »
l’Ukraine – la convergence est évidente.
La question de la Crimée
Points de repère historiques
• Il existe une présence tatare (peuplade parlant un dialecte turc et de religion
musulmane) en Crimée depuis le XIII° siècle, approximativement. En 1783, la Russie
annexe la Crimée et y mène une politique combinant ségrégation et colonisation. De
nombreux tatars fuient vers l’Empire ottoman et en Crimée même, ce peuple devient
minoritaire face aux colons russe, selon le schéma classique du colonialisme de
peuplement.
• 1917 ouvre un nouveau chapitre. Le pouvoir soviétique crée une République
socialiste soviétique autonome de Crimée (RSSA), avec une Assemblée Nationale.
Les Tatars sont reconnus comme étant l’élément ethnique originel de ce territoire. À
cette époque, les Tatars de Crimée représentent environ le quart de la population de
la péninsule, le total des russes et ukrainiens près de la moitié.
• Mais la détente sera évidemment de courte durée. Le stalinisme s’impose en Russie,
et à la fin des années 1930, toute souveraineté accordée à la RSSA n’existait déjà
plus. Staline encourage la colonisation de la péninsule par des éléments
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russophones ; la politique de russification est réactivée : par exemple, l’alphabet tatar
composé de caractères arabes est remplacé par un alphabet slave…
• En 1941, les nazis envahissent la Crimée. Il est incontestable que, comme en
Ukraine, une importante partie des tatars voit cette occupation d’un bon œil – tant
était forte la haine des oppresseurs staliniens.
• La roue tourne encore en avril 1944, avec la reprise de la Crimée par l’Armée rouge.
Staline règle ses comptes : ordre est donné de « nettoyer » le territoire de ses
éléments hostiles. En pratique, en 3 jours, à partir du 18 mai, l’essentiel de la
population tatare (180 000 personnes) est mis dans des trains décrits comme des
« chambres à gaz mobiles  ». Ils aboutiront en Asie centrale où selon un historien
« ils seront astreints au régime de peuplement spécial, lequel s’apparente
à un système paraconcentrationnaire qui prive les individus de leurs droits
et leur assigne un foyer de résidence dont ils ne peuvent s’éloigner sous
peine d’encourir plusieurs années de travaux forcés ».
Au final, 20 % des tatars périront durant ces années au bas mot – certains historiens
parlent d’« ethnocide » (en quelques années, la Crimée perdra environ 300 000
habitants). Ultérieurement, le pouvoir stalinien conduira une politique de détatarisation
de la Crimée – la RSSA fut abolie en mai 1945, et la colonisation russe de la
péninsule fut fortement réactivée.
• À la mort de Staline, la Crimée est transférée de la Russie à l’Ukraine (1954). On
assiste à un adoucissement du sort réservé aux populations tatares déportées en
Asie Centrale. Pourtant, malgré les demandes répétées, ce n’est qu’en 1990 qu’elles
se virent autorisées à retourner dans la péninsule, sans retrouver terres et maisons.
Depuis l’indépendance ukrainienne (1991)
La suite est plus connue. En 1991, l’URSS implose et le peu qui restait de la révolution de
1917 est liquidé (en premier lieu la propriété d’État). Dans ce processus, l’Ukraine devient
indépendante, suite à un référendum où plus de 90 % des ukrainiens se sont prononcés en
ce sens. A noter cependant qu’ils n’étaient que 54 % en Crimée, ce qui reflète le poids des
colons russes dans la péninsule et à Sébastopol. Selon le recensement de 2001, les
Criméens seraient russes à 58,5%, ukrainiens à 24,4% et tatars à 12,1% (les ordres de
grandeur étaient les mêmes en 1991).
Suite à l’indépendance ukrainienne, en 1992, la Crimée devient donc un territoire autonome
au sein de la république d’Ukraine – Sébastopol jouissant d’un statut spécifique (bail alloué à
la Russie). Ultérieurement, le statut des populations russophones sera garanti. Quant aux
tatars, la république ukrainienne leur alloue des droits spécifiques et une assemblée
régionale. En clair, Kiev avait fait le choix de la pacification et de la coexistence.
Mais en 2014, les évènements du Maïdan aboutissent comme on l’a vu à la chute du
protégé de Moscou, Ianoukovitch. Il devient évident que l’Ukraine ne restera dans le giron de
Moscou que par le recours à la force. Dans ce contexte, Poutine viole la souveraineté
ukrainienne et annexe la Crimée, en s’appuyant évidemment sur la population russophone
(voire russe). Il faut savoir que de tous temps l’accès aux mers chaudes a été une obsession
de l’État russe.
En tous cas, en septembre, un de ces référendums dont le Kremlin a le secret est organisé
pour ratifier l’annexion. Des défenseurs du Kremlin y voient « des votes parfaitement
réguliers ». C’est évidemment une fable qui ne peut que rappeler celles des « amis de
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Moscou » des années 30. En fait, le proposition russe a été gagnée à 96 % – un tel résultat a
de tous temps été l’indice infaillible d’élections truquées.
Il existe en fait d’innombrables témoignages de ce que fut ce référendum. Citons celui du
politologue C. Bret,, qui pointe « la constitution du corps électoral », qui avait subi des
« soustractions très importantes » en étant émaillée « par des fuites, des arrestations, ou
par des obstructions administratives » – ukrainiens et tatars furent donc massivement
interdits de vote. On parle aussi d’électeurs, toujours ukrainiens ou tatars, obligés de voter à
la pointe du fusil… Au-delà, il y avait l’atmosphère de menaces que faisaient régner les
troupes de Poutine et qui interdisent de parler d’élections régulières. Enfin, bien sûr, lors de
ce vote, il n’y eut pas d’observateurs crédibles.
Au final, comme on s’en doute, depuis 2014, c’est la chape de plomb poutinienne qui s’est
abattue sur la péninsule. Il semble exister malgré tout une faible résistance tatare qui agirait
comme supplétive de l’armée ukrainienne.
Le Conseil de l’Europe, dans un rapport de 2021, évoque « homicides, disparitions forcées,
actes de torture », etc. Évidemment, les staliniens et leurs porteurs d’eau dénonceront de la
« propagande impérialiste » – à chacun de se faire son opinion.
Pour l’internationalisme, en soutien au peuple ukrainien
Depuis 2022, toute une frange de la gauche française s’est située en soutien de fait au
régime de Poutine, ce qui ne peut que discréditer le mouvement ouvrier dans les pays
confrontés à la menace de l’impérialisme russe et même au-delà.
Ce fut d’abord l’invention du concept de guerre inter-impérialiste « par procuration ». En
Ukraine, les deux camps impérialistes, l’occidental et le sino-russe, s’affronteraient et le
camp ukrainien ne serait que la marionnette des américains et leurs alliés, de l’OTAN.
Tout ceci ne résiste pas à l’examen. La difficulté que rencontrent les ukrainiens à disposer
d’armements à la hauteur de ceux dont dispose l’armée russe, l’impossibilité d’attaquer le
territoire russe alors que l’Ukraine est quotidiennement l’objet de campagnes de terreur
témoignent de la répugnance des impérialismes occidentaux à aider réellement l’Ukraine. Il
sont d’ailleurs à la recherche d’un accord avec Moscou qui ne pourra se faire que sur le dos
des ukrainiens.
Mais le fait de caractériser la guerre en cours comme « inter-impérialiste » permettait de
refuser tout soutien au peuple ukrainien. L’objectif est de privilégier la dénonciation de
l’OTAN par rapport à la défense des ukrainiens, un peuple opprimé par Moscou depuis des
siècles (c’est en ce sens qu’on est en droit de parler de campisme : on privilégie la logique
des affrontements entre camps impérialistes par rapport aux mouvements des peuples pour
leur libération).
Dans les faits, tout ceci aboutit à relayer la propagande de Poutine. Ainsi, nos soi-disant
pacifistes mènent campagne contre tout envoi d’armements à l’Ukraine, ce qui revient à
« revendiquer » que soit maintenu l’avantage militaire dont dispose le Kremlin face à
l’Ukraine.
Je partage rarement les options de la « Tendance Claire ». La meilleure conclusion qu’on
puisse cependant faire est de citer un texte récent où ils décrivent fort bien ce que doit être
un authentique internationalisme :
« Se battre contre notre propre impérialisme signifie d’abord s’organiser ici pour
apporter notre soutien (…) aux guerres de libération que mènent les peuples
opprimés. Parfois, ces processus ou ces guerres reçoivent le soutien des
puissances impérialistes dominantes ou celui des puissances impérialistes
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secondaires, en fonction de leurs intérêts propres. Notre orientation ne doit pas
être de soutenir les puissances impérialistes secondaires au motif que leur
succès serait un recul de celle des puissances impérialistes dominantes. Au
contraire, il s’agit de conserver une indépendance de classe, qui tranche contre
les intérêts régionaux et nationaux. Dès lors, on se doit de considérer d’abord ce
qui est nécessaire pour les processus révolutionnaires ou les guerres de
libération, y compris en termes de moyens militaires. Cependant, cela ne signifie
pas un soutien politique au camp impérialiste donné ».
En pratique, concernant l’Ukraine, cela signifie défendre l’intégrité territoriale de l’Ukraine et
exiger le retrait des troupes du Kremlin. Concernant la Crimée, la solution réside sans doute
dans le retour à un statut voisin de celui mis en place par l’URSS léniniste, un territoire
autonome où les droits des tatars sont garantis.
C’est aussi reconnaître le droit de l’Ukraine à rejoindre les organisations internationales
qu’elle veut, comme tout pays souverain. Étant entendu que les anticapitalistes présents
dans le pays ne sauraient défendre une adhésion à l’OTAN et l’Union Européenne,
institutions impérialistes.
C’est uniquement sur une telle orientation, répondant aux aspirations des peuples menacés
par le Kremlin, qu’on pourra contribuer à faire renaître à l’Est de l’Europe un authentique
mouvement ouvrier, dont l’absence pèse si lourdement actuellement.
P. Morsu, le 24/12/2024.
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Libres débats entre militants ouvriers

Gregory Tobeilem

Pour ceux qui reprennent de manière plus ou moins nuancée la propagande et les mots même des défenseurs de l’impérialisme du camp impérialiste occidental États-Unis en tête.
Ceux-ci ont toujours œuvré au nom du droit des peuples à disposer de même au nom du droit à choisir son régime démocratique…
Pour la bande à Presumey la renaissance du mouvement ouvrier ukrainien passe donc par le soutien à son propre Etat, État de même nature que la Russie et qui on le rappelle est indépendant depuis 1991.
Soutien social chauvine à sa propre oligarchie à son propre nationalisme vendu à l’impérialisme et puisqu’ils militent ici et pas là-bas c’est un alignement sur la propagande et sur le camp de son propre impérialisme.
Et bien les gens qui veulent faire renaître sur cette base le mouvement ouvrier sont évidemment des adversaires pour ne pas dire plus.
Le révisionnisme et le négationnisme qui consiste à expliquer que l’ordre impérialiste que les manœuvres des puissances impérialistes États-Unis en tête depuis 1991 et depuis 2014 n’ont rien à voir dans la guerre. Honte !
Que le maïdan n’a jamais été récupéré mis sous tutelle des puissances impérialistes et d’un gouvernement oligarchique au service de l’impérialisme…honte !
Tout cela relève de quelque chose de pire que pitoyable.
Continuer à défendre cela au moment où des dizaines de milliers de jeunes prolétaires ukrainien cherche à échapper à la barbarie nationaliste de la défense de la patrie c’est en réalité défendre la répression la chasse à tous les contestataires à tous ceux qui refusent de marcher au service de leur propre oligarchie et de l’ordre impérialiste c’est véritablement être un ennemi.
Le mouvement ouvrier ne peut renaître quand chassant de ses rangs ce qui n’est pas très difficile ce genre de margoulin.
Pour revenir sur la seule ligne prolétarienne le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne peut être aujourd’hui mise en œuvre que par une lutte du prolétariat contre sa propre oligarchie et contre l’impérialisme une lutte qui doit inclure la fraternisation avec les frères du prolétariat russe…
Une ligne pour dire que l’ennemi principal c’est toujours dans son propre camp dans son propre pays et qu’il faut défendre l’indépendance politique économique militaire organisationnel du prolétariat pour la transformation de la guerre fratricide mise en œuvre par les manœuvres de l’impérialisme et de l’oligarchie mafieuse russe pour transformer la guerre fratricide en une guerre de classe pour le renversement de l’oligarchie et de l’impérialisme
Ce champ est nécessaire.

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