Les grand patrons français feront-ils allégeance à Trump ?

On connaissait déjà la proximité idéologique et financière entre certains grands patrons français et le nouveau président américain, Nombre d’entre eux avaient été invités à assister à se cérémonie d’investiture, comme le PDG de LVMH, Bernard Arnault avec toute sa famille. Celui-ci avait déj investi aux USA durant le 1er mandat de Trump, après avoir acheté le célèbre joaillier Tiffany.

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Jean-François PIN

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Il est clair que les décisions économiques de Trump ne peuvent qu’avoir des conséquences importantes, tant pour les patrons français qui lorgnent de plus en plus vers les USA que pour les investisseurs américains qui montrent une beaucoup plus forte inquiétude vis-à-vis de l’avenir de leurs filiales installées en France.

A ce titre, l’offensive protectionniste de Washington, avec ses tarifs douaniers quasi prohibitifs, n’est pas étrangère à amplifier encore ce double phénomène.
Les raisons en sont multiples, et elles sont au moins de trois sortes.

D’abord certaines régions du Monde ont beaucoup perdu de leur attrait pour les marchés européens.
En premier lieu la Chine, dont l’attractivité pour les multinationales occidentales est aujourd’hui en perte de vitesse en raison des nouvelles incertitudes économiques et des tensions géopolitiques croissantes à propos de Taiwan notamment.
La mainmise politique de plus en plus forte, après la très mauvaise gestion de la crise du Covid s’y ajoute pour décourager les investisseurs, auparavant enthousiastes.
Quant à la Russie, les sanctions internationales prises à la suite de l’invasion de l’Ukraine ont on seulement fermé toute possibilité d’investissement européen, mais elles ont donné lieu au départ forcé de nombreuses entreprises qui y étaient installées depuis plusieurs années, et notamment, parmi les groupes français : Leroy Merlin, Decathlon, Renault, Société Générale, LVMH, Kering, Total énergies, Air liquide, …

Face à ces changements, les grands groupes financiers cherchent naturellement à investir sur des marchés plus prometteurs à leurs yeux, et surtout moins risqués.
La progression du marché domestique américain plus rapide que celle du marché européen, et des perspectives de croissance plus favorables ne peuvent que les attirer.
Mais c’est surtout le faible coût de l’énergie, en raison de l’abondance du gaz de schiste, aux USA qui constitue un atout majeur pour les entreprises qui y sont installées.
Ainsi le gaz est en moyenne 4 fois moins cher aux US qu’en Europe. Quant à l’électricité, elle y est 2 fois moins chère qu’en France, et 3 fois moins chère qu’en Allemagne.
C’est évidemment un avantage important pour les industries énergivores, mais c’est le cas aussi pour toutes les entreprises.

A tout cela s’ajoute les avantages compétitifs acquis par l’Inflation Reduction Act initié sous la mandature Biden,
La mise en œuvre de cette politique publique industrielle induit un vaste plan de subventions et d’incitations fiscales destiné aux entreprises sur le sol américain.
Elle a d’ores et déjà permis de renforcer l’attractivité industrielle des États-Unis en liant des clauses de localisation de la production avec des incitations fiscales, attractivité déjà importante en raison de la flexibilité du marché du travail, de la capacité d’innovation et de soutien à l’investissement dans la R&D.
Résultat : les investissements des entreprises européennes aux États-Unis ont doublé depuis 2022, atteignant plus de 61 milliards de dollars en 2024.

Pour tous ces patrons, l’aubaine semble d’autant plus importante à saisir que la situation économique et sociale, en France et plus globalement en Europe,  ne leur parait pas très propice au développement de leurs entreprises, en dépit des politiques pro busines conduites par la majorité des gouvernements.
L’écart d’attractivité entre la France et les USA , qui était déjà significatif auparavant, s’est encore accru avec les décisions de Trump.

Pour parachever cette analyse, il convient d’ajouter la nouvelle promesse du milliardaire américain d’abaisser l’Impôt sur les sociétés et surtout l’impôt sur les grosses fortunes.
Histoire d’attirer non seulement des entreprises, mais aussi des talents et des dirigeants.

C’est que semble avoir bien compris l’armateur milliardaire marseillais Rodolphe Saadé, qui est à la tête du groupe CMA-CGM, le numéro 3 mondial du secteur des porte-conteneurs.
Il vient de présenter, dans le bureau ovale de la Maison Blanche, son plan d’investissement de 20 milliards de dollars aux USA (18,5 milliards d’euros) suros sur quatre ans, pour développer ses activités de transporteur et de logisticien outre-Atlantique et permettre ainsi d’y créer plus de 10 000 emplois.

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Les photos prises à cette occasion donnent l’image d’une véritable allégeance au maître des USA, tant ce grand PDG donne l’impression de se comporter comme un bon élève récitant sa leçon au tableau devant son professeur assis derrière son bureau.
Pour illustrer encore plus sa soumission, il fit part de son enthousiasme pour accroître ces investissements « dans les prochaines semaines ».
Jusqu’à évoquer la perspective d’y construire des porte-conteneurs alors que les Américains ont depuis longtemps abandonné l’activité des chantiers navals à la Chine et à la Corée du Sud.
« Nous voudrions, M. le président, qu’il y ait plus de navires battant pavillon américain, a-t-il avancé. Nous allons passer des dix que nous opérons aujourd’hui à trente navires sous pavillon américain, et espérons faire plus dans les mois à venir », alors que son groupe exploite une flotte de 650 navires.
On peut difficilement faire plus « lèche-bottes ».

Cette attitude est d’autant plus honteuse que, si le groupe CMA CGM a les moyens d’un tel investissement, c’est qu’il a pu dégager, entre 2020 et 2024, plus de 50 milliards d’euros de profits – profits très peu taxés (environ 2 %), en vertu d’un régime fiscal avantageux qui bénéficie depuis plus de 20 ans à tous les armateurs européens.
En 2024, son résultat net est de 5,7 milliards de dollars, les tensions en mer Rouge ayant maintenu des taux de fret élevés dans un commerce maritime en progression.

On attendrait d’un tel grand patron, réputé pour être proche du président Macron, notamment dans le cadre de ses projets de développement de la métropole marseillaise, un peu plus de « patriotisme économique » en investissant dans l’hexagone une partie substantielle des profits obtenus grâce aux avantages fiscaux décidés par les gouvernements français successifs.
Plutôt que d’aller renforcer l’appareil productif des USA alors que ceux-ci engagent une guerre économique tous azimuts, et notamment vis-à-vis de la France !
En temps de guerre, cela serait considéré comme de la haute trahison.

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Qu’il puisse y avoir un intérêt économique, industriel et/ou financier à investir aux USA pourquoi pas ?
Mais de là à y investir à un tel niveau alors que d’importants efforts sont demandés à l’ensemble de la population française pour assurer ce que nos élites définissent comme une « économie de guerre », c’est plus qu’indécent : c’est immoral et méprisant.

L’exemple de Monsieur Saadé sera-t-il suivi par d’autres grands patrons ?
On peut le craindre, tant certains d’entre eux semblent fascinés par la « méthode Trump »

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Jean-François PIN

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Val d’Oise

Sa biographie

Animateur du réseau des lecteurs du Monde Diplomatique depuis 1998, je suis engagé dans les combats anticolonialistes, antiracistes et pacifistes depuis 1967 : guerre du Vietnam, mouvement pour les droits civiques et contre l’apartheid, solidarité avec le peuple chilien, soutien au peuple palestinien,1 lutte contre le néocolonialisme, … Ces engagements ont trouvé leur traduction naturelle dans l’exercice de responsabilités politiques dans plusieurs formations successives, dont notamment le PCF entre 1970 et 1984 et, plus récemment, depuis 2016 au sein de la France Insoumise (notamment comme élu local). Je suis à présent totalement libre de mon expression puisque quelques députés de la FI ont jugé nécessaire de faire taire mes désaccords sur leur manière d’exercer leur mandat en provoquant mon exclusion de ce mouvement. Pour mémoire, ingénieur diplômé de l’École Polytechnique (X68), j’ai exercé plusieurs responsabilités pendant ma carrière professionnelle (1971- 2014) dont notamment – directeur général des services techniques de la ville de Sarcelles – professeur des universités (UFR de sociologie à Toulouse Jean-Jaurès) – directeur de l’Institut national des études territoriales (Fontainebleau) – conseiller scientifique du centre national de la fonction publique territoriale – rapporteur général du conseil scientifique de la fonction publique territoriale – directeur général de l’Institut national du développement local (Agen – GIP ESR
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