L’offensive pacifique des Kurdes

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13 mars 2025

Xecê / Khadija Baker. – « Pardon », 2024.
Avec l’aimable autorisation de l’édition kurde du « Monde diplomatique ».

Alors que les Kurdes de Syrie apparaissaient pris en tenaille entre, au nord, les forces turques ou proturcs et, au sud, le nouveau pouvoir islamiste, le chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), M. Mazloum Abdi, a signé le 10 mars à Damas un accord avec M. Ahmed Al-Charaa, le « président par intérim ». D’ici à la fin de l’année, l’administration de l’État central devrait intégrer les institutions civiles et militaires du Rojava – « l’Ouest » en kurde, qui désigne une région autonome depuis 2013 -, y compris les postes-frontières, l’aéroport de Kamechliyé et les champs d’hydrocarbures. En échange, la communauté kurde se voit reconnue comme « une composante essentielle de l’État » avec le « droit à la citoyenneté et l’ensemble des droits constitutionnels », ce qui signifierait une reconnaissance de leur spécificité culturelle et linguistique, mais pas l’autonomie interne qu’ils revendiquaient. Le retour des Kurdes déplacés ou réfugiés doit également être assuré en sécurité.

Signé au lendemain du massacre de plus d’un millier de civils alaouites par des forces islamistes, cet accord permet au nouveau dirigeant syrien de s’afficher contre les débordements de ses partisans et pour la concorde entre toutes les composantes de la population. Les FDS, qui ont conquis le tiers nord-est du pays depuis 2011, voient légitimer tant leur lutte pour les droits des Kurdes que leur combat contre l’Organisation de l’État islamique (OEI). Ils devraient continuer à tenir les djihadistes de l’OEI en respect dans leurs prisons et sur le terrain. Mais cette fois en coordination avec Hayat Tahrir Al-Cham (HTC, Organisation de libération du Levant) qui a chassé l’armée de M. Bachar Al-Assad – et toujours avec le soutien des États-Unis, très actifs dans ce rapprochement soudain.

Cet accord intervient également deux semaines seulement après l’appel de M. Abdullah Öcalan, le 27 février, depuis sa prison turque. Le chef historique de Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) invite ses partisans à déposer les armes et ouvrir des discussions avec Ankara. Le 1er mars, le PKK s’est dit en accord « avec le contenu de l’appel tel qu’il est » et a déclaré un cessez-le-feu en vue de sa dissolution. Le président turc Recep Tayyip Erdoğan, qui a toujours associé PKK et FDS, a salué une « opportunité historique d’avancer en détruisant le mur de la terreur » et affiché sa volonté de « respecter les sensibilités de chacun ». Mais il n’a pris aucun engagement public sur la libération des détenus politiques, le retour des maires élus dans les villes kurdes de son pays ou l’évacuation des territoires syriens occupés par l’armée turque. L’histoire du peuple kurde, faite de luttes, d’espoir, de trahisons et de cruelles désillusions, invite à la prudence pour la suite à ces gestes d’ouverture.

deux archives

Le long chemin de la gauche kurde

Jean Michel Morel, février-mars 2020
Au cours des dernières décennies, les partis prokurdes favorables à une participation au jeu politique en Turquie ont régulièrement été confrontés à la répression des autorités, qui les accusaient de complicité avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Cette démarche légaliste a toutefois mené à des succès, comme l’ont montré les multiples gains électoraux du Parti démocratique des peuples (HDP). ->

Une utopie au coeur du chaos syrien

Mireille Court & Chris Den Hond, septembre 2017
Fers de lance de la bataille de Rakka contre l’Organisation de l’État islamique, les Kurdes du nord de la Syrie tentent de mettre en place au Proche-Orient un projet politique original. Mais leur « confédéralisme démocratique » se construit sur un champ de ruines, dans un contexte d’affrontements ethnicoreligieux et d’alliances avec les grandes puissances qui hypothèque son avenir. ->
Une citation
« La réalisation du socialisme ne sera pas possible à moins que la nouvelle ère ne détruise la culture dominée par les hommes, profondément ancrée dans la société. Le socialisme peut être atteint par la libération des femmes. (…) La question des femmes est un problème plus profond que la question kurde. Nous n’en sommes qu’au début. La culture de la guerre et du conflit reste principalement dirigée contre les femmes. Repousser cette culture dans une certaine mesure doit être le moteur de la lutte. »Message d’Abdullah Öcalan pour la Journée internationale des femmes, ANF News-, 8 mars 2025.
Une carte
Un grand peuple sans État

Un grand peuple sans État

Cécile Marin, février 2020
Une analyse

L’erreur tactique du PKK

En 2015, la rupture des négociations de paix entre les autorités turques et la rébellion kurde débouchait sur la reprise des combats. En optant pour une offensive urbaine, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) escomptait un soulèvement général en Anatolie orientale qui ne vint pas. Plusieurs villes du Kurdistan turc subirent les conséquences de combats féroces et d’une implacable répression.Akram Belkaïd, février 2020 ->
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