
13 mars 2025
Alors que les Kurdes de Syrie apparaissaient pris en tenaille entre, au nord, les forces turques ou proturcs et, au sud, le nouveau pouvoir islamiste, le chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), M. Mazloum Abdi, a signé le 10 mars à Damas un accord avec M. Ahmed Al-Charaa, le « président par intérim ». D’ici à la fin de l’année, l’administration de l’État central devrait intégrer les institutions civiles et militaires du Rojava – « l’Ouest » en kurde, qui désigne une région autonome depuis 2013 -, y compris les postes-frontières, l’aéroport de Kamechliyé et les champs d’hydrocarbures. En échange, la communauté kurde se voit reconnue comme « une composante essentielle de l’État » avec le « droit à la citoyenneté et l’ensemble des droits constitutionnels », ce qui signifierait une reconnaissance de leur spécificité culturelle et linguistique, mais pas l’autonomie interne qu’ils revendiquaient. Le retour des Kurdes déplacés ou réfugiés doit également être assuré en sécurité.
Signé au lendemain du massacre de plus d’un millier de civils alaouites par des forces islamistes, cet accord permet au nouveau dirigeant syrien de s’afficher contre les débordements de ses partisans et pour la concorde entre toutes les composantes de la population. Les FDS, qui ont conquis le tiers nord-est du pays depuis 2011, voient légitimer tant leur lutte pour les droits des Kurdes que leur combat contre l’Organisation de l’État islamique (OEI). Ils devraient continuer à tenir les djihadistes de l’OEI en respect dans leurs prisons et sur le terrain. Mais cette fois en coordination avec Hayat Tahrir Al-Cham (HTC, Organisation de libération du Levant) qui a chassé l’armée de M. Bachar Al-Assad – et toujours avec le soutien des États-Unis, très actifs dans ce rapprochement soudain.
Cet accord intervient également deux semaines seulement après l’appel de M. Abdullah Öcalan, le 27 février, depuis sa prison turque. Le chef historique de Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) invite ses partisans à déposer les armes et ouvrir des discussions avec Ankara. Le 1er mars, le PKK s’est dit en accord « avec le contenu de l’appel tel qu’il est » et a déclaré un cessez-le-feu en vue de sa dissolution. Le président turc Recep Tayyip Erdoğan, qui a toujours associé PKK et FDS, a salué une « opportunité historique d’avancer en détruisant le mur de la terreur » et affiché sa volonté de « respecter les sensibilités de chacun ». Mais il n’a pris aucun engagement public sur la libération des détenus politiques, le retour des maires élus dans les villes kurdes de son pays ou l’évacuation des territoires syriens occupés par l’armée turque. L’histoire du peuple kurde, faite de luttes, d’espoir, de trahisons et de cruelles désillusions, invite à la prudence pour la suite à ces gestes d’ouverture.
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