Lundimatin #466 | 10 mars

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11 mars 2025

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#466 | 10 mars
Barbares nihilistes ou révolutionnaires de canapé
Un lundisoir avec Chuglu, les artistes du zbeul

Le groupe Chuglu hante Marseille et le monde. Mais il est le contraire d’un spectre. Si vous voyez des gens déménager des meubles sans savoir où ils vont, des clémentines qu’il faut se mettre à dix pour n’en manger qu’une seule, des transhumances urbaines de centaines de ballons de foot rapiécés, des manifestations d’enfants autoritaires, des soupers de pierre servis en pleine rue et des cavernes sur le vieux port où l’on vend pour gratuit des vêtements trop chers, c’est probablement que vous avez été témoins d’une malice de Chuglu, que vous avez été frappé par le Chuglu, qu’il vous a joué une farce impossible et qu’il ne vous est plus possible de discerner le quotidien de la révolte.

Vers une fin effroyable ?
« La fraction la plus abrutie des habitants de cette planète a donné un formidable coup d’accélérateur à la ruée de l’humanité vers son suicide. »

« C’est comme si, en l’espace de dix ans, nous étions revenus à l’âge de pierre. Des types humains que l’on croyait disparus depuis des siècles – Le derviche tourneur, le chef de brigands, le grand inquisiteur, sont soudain réapparus, non pas derrière les murs d’un asile de fous mais à la tête des Etats. »

George Orwell
Time & tide, 6 avril 1940

La justice ne serait-elle plus qu’un mot en Europe ?
Eric Vuillard sur l’affaire « Gino »

Rexhino « Gino » Abazaj est incarcéré à la prison de Fresnes depuis le 12 novembre. Interpelé par la sous-direction anti-terroriste, il s’oppose à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen. Soupçonné de s’être opposé à une manifestation fasciste il y a un an et demi, il encourt 24 ans de prison dans les geôles hongroises. Pour bien comprendre les tenants et aboutissants de cette affaire qui fait grand bruit en Italie, en Allemagne et en Hongrie, lire notre article « Liberez Gino. Le 12 mars, la Cour d’appel de Paris rendra son verdict et nous saurons si les juges français décident de collaborer avec le régime Orban pour réprimer l’antifascisme ou s’ils s’accrochent toujours à quelques valeurs comme l’équité et la dignité. En attendant, nous publions cette brillante intervention de l’écrivain Eric Vuillard qui vient rappeler quelques banalités quant à ce que la République est censée défendre face à la menace fasciste. En bonus, l’intervention du comité de soutien de Gino.

La gestion du kilo de chair humaine en psychiatrie
« Et vous les soignants, vous êtes soignés ? »

Un récit comme une fable pour témoigner d’une expérience professionnelle en tant que travailleur social en psychiatrie publique de secteur. La réalité d’une équipe mobile (extra-hospitalier) accompagnant des personnes sortant de l’hôpital psychiatrique (intra-hospitalier).

La science est-elle attaquée par l’obscurantisme ?
« Ce qui est ciblé aux États-Unis ce sont les programmes de recherches dont les résultats pourraient nuire aux intérêts personnels de Trump, Musk et de leur clique. »

La brutalité, l’inanité et l’ampleur des mesures prises par le régime de Trump à l’encontre de pans entiers de la recherche publique sont stupéfiantes et effrayantes. Si notre soutien à celles et ceux qui les subissent est une évidence, la gravité de la situation oblige au discernement. On a pu lire ou entendre, en réaction à ces événements, que la science était attaquée par l’obscurantisme, ou encore que la science c’est la liberté, ou encore que la science est émancipatrice.

Si tant est que cette entité nommée « la science » existe, il faudrait alors préciser ce qu’elle recouvre.

La « nouvelle perspective » de la lutte ontologico-politique zapatiste
Dení : Cheminements zapatistes vers le Jour d’Après
[Épisode 2]

Après avoir introduit le chemin-de-lutte pour la vie du mouvement zapatiste, les constats partagés par la Déclaration pour la vie (2021) et les horizons planétaires qu’elle déploie pour nos luttes écologiques et antisystémiques [1], nous proposons une esquisse de la « nouvelle perspective » de la lutte pour la vie du mouvement zapatiste.

Dans ce second épisode, nous allons introduire et analyser la perspective ontologico-politique de l’actuelle lutte zapatiste pour la vie à partir de l’étude de Dení, de la temporalité d’au moins 120 ans qu’elle déploie – que nous avons déjà mentionné à plusieurs reprises, et de la conception zapatiste de la liberté responsable. Nous nous concentrerons donc sur les récentes séries de communiqué de l’EZLN (2023-2024), afin de mettre en évidence l’étendue des apports du cheminement zapatiste pour nos recherches-actions.

Peut-on aller de l’avant en regardant dans le rétroviseur ?
ou l’impasse d’une décolonisation patriotique

Dans une récente brève de comptoir, nous avons tenté d’approfondir et d’éclaircir les nouvelles propositions politico-stratégiques énoncées par Houria Bouteldja dans son dernier livre et développées dans une récente intervention publique. La semaine dernière, au détour d’un article plus large, nous avons poursuivi notre travail autour de cette drôle d’idée de patriotisme décolonial. Entretemps, Camille Escudero, artiste multidisciplinaire, nous a soumis une réponse au premier article pour publication. Comme nous ne comprenions pas bien où son texte voulait en venir et dans la mesure où nous cherchions d’abord à étayer et affiner les désaccords que nous pouvons avoir avec les propositions avant-gardistes de Mme Bouteldja, nous lui avons proposé de l’amender en ne négligeant pas le nœud de la discussion : les propositions faites, les oppositions formulées. Après nous avoir répondu qu’elle n’avait pas le temps, la tempêtueuse artiste a pu publier sa réaction sur le site du QG décolonial où il est donc facilement accessible. En attendant, nous poursuivons cette semaine avec un détour par Montesquieu autour d’une question à la fois simple et complexe : faut-il, pour se défaire de la domination, tenter de s’accrocher ou de s’approprier ses formes antérieures, par exemple la monarchie ou l’État-nation ? Celles et ceux intéressés pas la discussion en cours, liront avec grand plaisir dans cette même édition une contributions a un débat qui n’a pas eu lieu.

Pour un antifascisme organique
Contribution à un débat qui n’a pas eu lieu
Pierre-Aurélien Delabre

Ni patrie ni exil que les mots,
mais passion du blanc
pour la description des feuilles d’amandier.
Ni neige ni cotons. Qui sont-elles donc
dans leur dédain des choses et des noms ?
Si quelqu’un parvenait
à une brève description des fleurs d’amandier,
la brume se rétracterait des collines
et un peuple dirait à l’unisson :
Les voici, les paroles de notre hymne national !
—Mahmoud Darwich, Anthologie (1992-2005), Acte Sud, p. 261-262.

Échos
Bip Bip Bip Bip

Bip

Bip

Bip

Bip

Sans histoire
Scholies à l’avant-dernière phrase de la quatrième thèse des thèses Sur le concept d’histoire de Walter Benjamin

Thèse IV

Occupez-vous d’abord de vous nourrir et de vous vêtir, ensuite vous écherra de lui-même le royaume de Dieu.
HEGEL, 1807

La lutte des classes, que jamais ne perd de vue un historien instruit à l’école de Marx, est une lutte pour les choses brutes et matérielles, sans lesquelles il n’est rien de raffiné ni de spirituel. Mais, dans la lutte des classes, ce raffiné, ce spirituel se présentent tout autrement que comme butin qui échoit au vainqueur ; ici, c’est comme confiance, comme courage, comme humour, comme ruse, comme inébranlable fermeté, qu’ils vivent et agissent rétrospectivement dans le lointain du temps. Toute victoire qui jamais y a été remportée et fêtée par les puissants — ils n’ont de cesse de la remettre en question. Comme certaines fleurs orientent leur corolle vers le soleil, ainsi le passé, par une secrète sorte d’héliotropisme, tend à se tourner vers le soleil en train de se lever dans le ciel de l’Histoire. Quiconque professe le matérialisme historique ne peut que s’entendre à discerner ce plus imperceptible de tous les changements [2].

Aphatie, les nazis et la France du déni
Yazid Ben Hounet

« Nous avons fait des centaines d’Oradour-sur-Glane en Algérie » ; « Les nazis se sont comportés comme la France en Algérie » a osé dire publiquement, sur RTL, le journaliste Jean-Michel Aphatie (mardi 25 février 2025). En ce moment d’Algérophobie aigue, il n’en a fallu pas moins pour déclencher une vendetta médiatique au pays de la « liberté d’expression ».
Jugeons donc sur pièce en ne prenant, soyons pédagogue, qu’un seul des sanguinaires militaires – Saint Arnaud [3] – qui parmi bien d’autres (Bugeaud, Lamoricière, Cavaillac, Pélissier, etc.) ont mené une « guerre totale » en Algérie.

L’image d’un monde
Dizain
Lire, cinquante ans après, une fille du peuple, féministe de choc, nommée Nicole Bley
Lâche ton cul Camarade et La panthère bleue

Difficile d’anticiper la réception qu’aura, ce temps-ci, la reparution d’un roman aussi cru, banal et provoquant que La panthère bleue. Hymne à la liberté, ce roman l’est sûrement. D’autre parleront d’hymne à la soumission, mais qui sont-ils ? Une sauvagerie au féminin conduite par une femme qui se sert des hommes comme habituellement les hommes se servent des femmes, c’est de la vengeance pure et dure, un fait de justice, sans arguments compliqués, et a priori sans revendication autre qu’individuelle. C’est aussi et surtout un roman de l’après-68, un hymne à la révolte sociale et personnelle, à l’audace de vivre comme on l’entend, sans rendre compte à ses ancêtres, ni à la morale courante. « Jouir sans entrave » s’entend ici comme un mot d’ordre accompli jusqu’à plus soif.

Exi(s)t
Leïla Chaix

Leïla Chaix, dont nous avons publié le premier recueil Ok Chaos, s’apprête à sortir Haïr le monde aux excellentes éditions du Sabot, le 4 avril dans toutes les bonnes librairies. Comme un second avant-goût, elle nous a transmis ce second ciné-tract. Une soirée de présentation aura lieu le 20 mars à la librairie l’Atelier à partir de 19h30 avec performance sono-poétique de Cyberflemme, apéro, discussions et lectures.

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