Lundimatin #467 | 17 mars

#467 | 17 mars
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Du rêve
« Il paraît que le communisme ne fait plus rêver. »
Natacha Samuel

Dans une récente intervention publique, la militante décoloniale Houria Bouteldjia appelait à rêver ensemble afin de concurrencer l’extrême droite qui serait la seule à rêver, la seule à désirer, la seule à avoir une libido [1]. De cette proposition assumée comme modeste et formulée en tant qu’avant-garde des masses, découle la nécessité, selon la militante et stratège, de déployer un patriotisme révolutionnaire qui réunirait « beaufs » et « barbares » dans une revendication de frexit et un horizon stato-national. Si nous avons déjà abordé cette hypothèse au détour de quelques articles ici et , c’est depuis la question éminemment politique du rêve et de la langue qu’elle est reprise ici.

« En mon nom »
À propos de La lettre aux juifs italiens de Franco Fortini
Catherine Hass

Poète, critique, traducteur, Franco Fortini (1917-1994) a été une figure intellectuelle majeure de l’Italie d’après 1945 [2]. Né Lattes d’un père juif antifasciste et ciblé comme tel, Fortini prend, en 1940, soit deux ans après le vote des lois raciales italiennes, le nom de sa mère. La lettre aux juifs italiens [3] est son seul texte signé du nom de Lattes.

Universités : une cocotte-minute prête à exploser ?
Un lundisoir avec Bruno Andreotti, Romain Huët et l’Union Pirate

« L’université est en crise », c’est ce que l’on dit ou que l’on nous dit depuis maintenant des décennies. En plus d’être en ruines, elle est désormais ruinée et soumise à des mesures d’austérités aux effets toujours plus dévastateurs : réduction des budgets, fermeture de formations, hausse des frais d’inscription, gel des recrutements, abandon des rénovations, etc. Comme nous en discuterons dans ce lundisoir, tout cela était pourtant prévu et programmé avant d’être orchestré.

On a lu « ça va mal finir » le nouveau livre du « Jarl »
et c’est encore pire que prévu

Le 8 mars dernier, Yovan Delourme, tik tokeur d’extrême-droite connu sous le pseudonyme du « Jarl », agressait les participants à une free party organisée à Rennes, près du 1988, boîte de nuit dont il est responsable de la sécurité. Ce soir-là, lui et ses subordonnés ont quitté leur lieu de travail pour intervenir dans l’ancien cinéma désaffecté qui venait d’être investi par les fêtards, gazant le public pendant que la police maintenait les portes fermées. Puis, après avoir pu sortir, de nombreux jeunes furent agressés, menacés et de nouveau gazés à bout portant par Yovan Delourme et sa bande. Celui qui fut candidat suppléant pour le parti d’Eric Zemmour aux législatives de 2022 minimise aujourd’hui ses responsabilités dans ces agressions. Pourtant, le ton adopté dans son livre Ca va mal finir publié ce jeudi 13 mars est radicalement différent. Tout au long des 370 pages, il tient des propos ouvertement racistes et décrit en détail des dizaines d’agressions commises sur plusieurs décennies avec, si l’on en croit ses propos, la complicité de la police et de la gendarmerie.

Aliénation en pédalant
Ou trajectoires nègres sous la pluie

« Chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir »
Frantz Fanon, Les damnés de la terre, 1961 [4]

Des fois, avant de dormir, je demande à Dieu ce qu’il a prévu pour ma race
Si ça changera avant que je m’arrache
La Star Ac’ veulent des tismés, pas de grosses lèvres
Tous les jours je prie pour que mes négros se lèvent.
Despo Rutti, Le silence des macaques, 2006

Chaque soir, après avoir noyé mes heures dans les livres, après avoir joué le jeu, poli mon accent, lissé mes gestes, enfilé l’attitude attendue, je rentre chez moi. Cette chambre universitaire est à la fois une opportunité et un rappel. Une opportunité, me répète-t-on, que je dois justifier par mon acharnement. Alors j’avance, je donne tout, je m’épuise à prouver que j’ai ma place.

Un film, l’exil, la palestine
Un vendredisoir autour de Vers un pays inconnu de Mahdi Fleifel

« Vers un pays inconnu », c’est le titre du dernier film de Mahdi Fleifel, réalisateur palestinien, une fiction qui aurait dû être un documentaire, en salles depuis le 13 mars. Dans les rues d’Athènes, aux côtés de deux cousins palestiniens, le film nous projette dans toute la brutalité et l’humanité que charrie l’expérience de l’exil, par-delà le misérabilisme comme les bons sentiments. L’attente et la débrouille, l’errance et les arrangements avec sa propre conscience, pas de happy end, que des plans serrés, au ras du réel. Le chemin escarpé vers un avenir meilleur ; ce qu’il en coûte dans un monde mauvais.
On en discute avec Frank Barat, producteur exécutif du film, dans ce lundisoir qui se tient exceptionnellement un vendredi. Dépéchez-vous d’aller voir le film si vous souhaitez qu’il reste sur les écrans. Dure loi du marché et du cinéma.

Balkans : Tout le pouvoir aux plénums !
Depuis maintenant 4 mois, à la suite de l’effondrement du auvent de la gare de Belgrade, les serbes manifestent et occupent contre la corruption et donc le gouvernement. Samedi 15 mars, ils étaient plus de 300 000 à tenir les rues de Belgrade. Il y a deux semaines, nous évoquions et analysions ce printemps Serbe, dans cet article, l’auteur explore la forme bien particulière d’organisation adoptée par le mouvement : les plénums, assemblées locales, horizontales, autonomes et auto-organisées. (…)

Depuis maintenant 4 mois, à la suite de l’effondrement du auvent de la gare de Belgrade, les serbes manifestent et occupent contre la corruption et donc le gouvernement. Samedi 15 mars, ils étaient plus de 300 000 à tenir les rues de Belgrade. Il y a deux semaines, nous évoquions et analysions ce printemps Serbe, dans cet article, l’auteur explore la forme bien particulière d’organisation adoptée par le mouvement : les plénums, assemblées locales, horizontales, autonomes et auto-organisées.

Retour mosaïque sur la « Nouvelle Droite »
Regard et regards sur un courant intellectuel anti-égalitaire

« L’idée que la séparation entre la droite et la gauche ne serait qu’une vue de l’esprit
est, elle-même, une idée de droite. »
Dominique de Roux  [5]

Sauf ceux qui baignaient dans un milieu franchement réactionnaire, la plupart des anciens d’entre nous ont grandi dans l’idée que l’intelligence était plutôt moderniste et sociale. Les intellectuels étaient généralement dits « de gauche », et, à part celui de Raymond Aron, on peinait à retenir le nom des penseurs contemporains classés à droite.

Nos yeux
« en ces temps de consentement à un génocide »
Ghassan Salhab

Du 22 au 29 mars, l’ami Ghassan Salhab ouvrira son atelier au cinéma du réel, festival international du film documentaire, qui se tient chaque année à Paris. Le programme détaillé est disponible sur le site du festival. En attendant, il nous a transmis ce texte en guise d’introduction et d’invitation, « en ces temps de consentement à un génocide ».

Guerre : entre bellicisme et pacifisme, une voie est-elle encore possible ?
ou comment s’orienter dans le brouillard

Nous vivons des temps héraclitéens. La guerre est le père de toute chose. Le sel d’une époque sans sel. L’horizon d’un monde sans horizon. Depuis que le Président parle de la guerre, il est de nouveau populaire. Pour toutes celles et ceux qui ont fait le choix de la destitution et de l’expérimentation, une recette clef en main de la guerre sur un ton révolutionnaire ne peut servir que d’éclairage, d’exercice intellectuel, pour s’orienter dans son brouillard. Entre le bellicisme et le pacifisme, une autre voie est encore possible : non pas préparer la guerre pour la conjurer, non pas chercher la paix à tout prix. Entre la défense et l’attaque, il y a encore tout un monde de pratiques possibles. Ce monde, c’est celui de la dissuasion.

Renard & hérisson : la zoologie politique
« Pour être un bon tacticien, quel animal faut-il être ? »

J’ai une question pour vous : à votre avis, pour être un bon tacticien, quel animal faut-il être ? Un lion ? Un loup ? Un chien ? Un renard ? ou… un hérisson ?
Vous avez choisi ? Eh bien, il ne fallait pas.

Être un bon tacticien, c’est répondre comme Machiavel. Si on lui avait posé la question, ce théoricien politique du XV° siècle aurait dit : sachez être à la fois Lion et Renard, fort et rusé, direct et indirect, ne soyez – aurait-il poursuivi – ni seulement un homme, ni seulement une bête, sachez vous faire parfois à la fois homme et bête, c’est-à-dire Centaure.

Lundi Bon Sang de Bonsoir Cinéma
Épisode 3 : Jean-Luc Godard
Avec Alexia Roux, Saad Chakali, Mehdi Benallal & Guillermo Kozlowski

Jean-Luc Godard ne sera jamais le nom propre d’un auteur consacré, mais le nom commun d’une pensée partagée, sésame ou schibboleth pour le cinéma qui vient et dont nous avons besoin : le partage au nom du commun et ce qu’il départage au nom de l’égalité. Quand il eût fini les Histoire(s) du cinéma, Godard disait qu’il n’avait aucun public, sinon des spectateurs, peut-être 100.000 dans le monde, ses amis : l’amitié pour ce qui se pense sous ce nom. Avec ce cinéaste, c’est comme avec les communistes selon le bon mot de José Bergamin, on ira jusqu’à la mort sans faire un pas de plus.

Munich 2025
Carnet de guerre #21
Jean-Marc Royer

Tout mouvement ou toute guerre anticoloniale doit se préparer à une résistance de long terme.

En février 2022, alors que Poutine avait amassé des dizaines de milliers d’hommes aux frontières de l’Ukraine depuis des mois, quelles étaient les « analyses » qui prévalaient ? Certains ne croyaient pas à l’invasion ou tentaient de séduire Poutine, tandis que la plupart des services et gouvernements occidentaux prévoyaient la chute rapide de Kyiv. C’est dire que les points de vue fantasmatiques sur l’ex-Urss traversent les âges, dans tous les esprits, et plus profondément qu’on ne le pense généralement.

L’histoire de Lastivska, activist anarcho-féministe ukrainienne sur le front
Un reportage de Solidarity Collective

Lastivka est ukrainienne, activiste, squatteuse, anarchiste, féministe et pratique la samba. Depuis 2022, elle a rejoint le front et est aujourd’hui commandante d’une unité drone.

Les fantômes du roman noir dans la si douce apocalypse
Serge Quadruppani

Révélation à l’intention des lecteurs (et des rédactrices) de lundimatin qui, en raison de leur jeune âge (moins de 70 ans), négligent la fiction au profit exclusif des théorisations ultragauches deleuzo-spinoziennes, ou quand elles et ils condescendent à lire des romans, se cantonnent aux récits dystopiques : la vie est un polar, et le plus souvent un mauvais polar.

La tragédie de l’adaptation
« Se préparer au pire devient le discours officiel »
Olivier Fournout

10 Mars 2025. En même temps que le 3e plan d’adaptation au réchauffement climatique gagne en vigueur en France, claironnant que ce sera 4°C de hausse, des publicités vendent des grosses voitures à des joueurs de golf. On va dans le mur, on le sait et on y va quand même. Telle est la tragédie du monde occidental : une tragédie de l’adaptation.

Antilles : Chyen maré sé pou lapidé
Mireille Pierre-Louis

Exposé des motifs : La « vie est chère » en Martinique, nul ne saurait le contester, mais les prix des produits alimentaires ne sont pas responsables du marasme dans lequel les Antilles s’enfoncent inexorablement depuis une quinzaine d’années. Et, justement, en imposant la « vie chère » comme l’alpha et l’oméga des difficultés de la Martinique aujourd’hui, et même de l’Outremer, l’Etat réussit à détourner l’attention de ses propres manquements dans ces territoires, et plus grave, instrumentalise la misère sociale pour in fine appauvrir les populations, avec la prise de l’Octroi de mer des collectivités locales et sa refonte dans une TVA nationale inflationniste.
La lutte contre la « vie chère » de l’Etat : une « promesse » qui n’engage que ceux qui y croient. Une « promesse » qui fait des émules.
D’où cette nouvelle alerte sur les ressorts d’un désastre social aux Antilles qui n’appelle pas un choc régalien, comme il se prépare, mais un plan d’urgence.

Thèses sur le concept de compétence (Suite 2/3)
Jacques-Alain Marie

Jacques-Alain Marie, dans ces Thèses, établit la nécessité de prendre la compétence très au sérieux : il la traite comme un concept. Après la publication en novembre 2023 des thèses n° 1, 3, 4, 5, 6 et 7 (voir ici et ici), des thèses n° 8, 9, 10 et 11 en janvier 2024 (voir ici) et de la thèse n° 16 récemment (voir ), nous publions aujourd’hui, après un petit rappel de la « situation », la thèse n° 18 – dite « thèse de la menschenlenkung » ou « thèse de Leipzig ».

Des enseignantes et enseignants du supérieur, suite aux avis récents prononcés par l’organisme « indépendant » Hcéres, commencent à prendre conscience de ce qu’impliquerait pour l’université la déclaration d’objectifs de compétences intégrés à des référentiels pilotés gouvernementalement (capture)  [6].

Si comme nous vous pensez que lundimatin est le meilleur journal du monde…
Si, comme nous, vous vous demandez comment il est possible de publier la même semaine dans le même journal une analyse pointilleuse des mesures managériales qui ruinent l’université, une bouleversante lettre aux juifs italiens, le décryptage du plus grand mouvement social des Balkans depuis 30 ans, une ode à la langue et au communisme ici et maintenant, la note de lecture de l’ouvrage d’un absurde videur de boite de nuit fasciste, le récit d’une rencontre racisée avec Fanon et Despo Rutti (…)

Si, comme nous, vous vous demandez comment il est possible de publier la même semaine dans le même journal une analyse pointilleuse des mesures managériales qui ruinent l’université, une bouleversante lettre aux juifs italiens, le décryptage du plus grand mouvement social des Balkans depuis 30 ans, une ode à la langue et au communisme ici et maintenant, la note de lecture de l’ouvrage d’un absurde videur de boite de nuit fasciste, le récit d’une rencontre racisée avec Fanon et Despo Rutti en musique de fond, un poème cinématographie libanais, une longue discussion sur ce qu’il reste de Godard, le témoignage d’une danseuse de Samba ukrainienne qui pilote des drones sur le front, un tour d’horizon de l’état du polar, d’érudites thèses sur le concept de compétence qui ruine la vie de nos enfants, une contre-analyse de l’effet des dispositifs gouvernementaux aux Antilles, une proposition expérimentale de n’être ni belliciste ni pacifiste en temps de guerre, une histoire de renard et de hérisson pour repenser la stratégie avec Machiavel et Sun-Tzu.
Si, comme nous, vous en arrivez à la conclusion logique que lundimatin est le journal qui rend le plus intelligent de France voir du monde, ça tombe bien, nous avons besoin d’argent !

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