
Ce vendredi 21 mars marque un troisième jour de manifestations en Turquie, après l’arrestation mercredi d’Ekrem Imamoğlu, maire d’Istanbul et principal opposant du président Recep Tayyip Erdoğan. Visé par deux enquêtes pour terrorisme et corruption, Ekrem Imamoğlu est toujours en garde à vue avec des dizaines d’autres membres de son parti, le Parti républicain du peuple. Les autorités ont annoncé ce vendredi l’arrestation d’au moins 97 personnes à travers le pays.
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Avec notre envoyée spéciale à Istanbul, Anne Andlauer
Le Parti républicain du peuple, le CHP, a appelé tous les opposants au pouvoir à descendre dans les rues ce vendredi 21 mars au soir, encore. Il revendique même 300 000 manifestants dans les rues d’Istanbul.
Ces manifestations se poursuivent et s’amplifient, malgré les interdictions de rassemblement décrétées dans les trois plus grandes villes de Turquie, Istanbul, Ankara et Izmir, malgré la fermeture à la circulation des ponts et des grands axes qui mènent à la mairie d’Istanbul, l’épicentre de la contestation, et malgré la très forte présence policière dans les rues. Dans ces trois grandes villes, la police a usé de gaz lacrymogènes et de canons à eau contre les manifestants, mais aussi de balles en caoutchouc à Ankara et Istanbul.
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Des étudiants mobilisés
Dans un discours à Istanbul, Özgür Özel, le dirigeant du CHP, a lancé une mise en garde au président Erdogan, qu’il a qualifié de « dictateur ». Il a promis d’appeler à manifester samedi soir sur l’emblématique place Taksim si « ils nous tapent sur les nerfs ».
Parmi les personnes bravant l’interdiction de manifester, on compte de nombreux étudiants dont la protestation va bien au-delà du sort réservé au maire d’Istanbul, Ekrem Imamoğlu. « Imamoğlu, c’est le catalyseur. Mais bien au-delà de sa personne, les jeunes sont dans la rue parce qu’on en a ras-le-bol de vivre dans ce pays où le droit n’existe plus », précise Eren, venu manifester avec des amis.
Ces jeunes, que certains disent « apolitiques », étaient encore enfants à l’époque des manifestations antigouvernementales de Gezi, en 2013. Isil, 22 ans, dénonce un cliché : « Les jeunes ne sont pas apolitiques ! Depuis des années, beaucoup ont peur. Ils sont paralysés, réprimés par le pouvoir… Mais je sens que quelque chose est en train de changer, de se casser, et que ça va continuer. »
Un rare appel à manifester
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Les étudiants sont en première ligne, mais ce qui semble avoir changé la donne, c’est l’appel du CHP, le parti d’Ekrem Imamoğlu, à descendre tous les soirs dans les rues du pays, à ne pas relâcher la pression sur le gouvernement.
Pour Isil, le mouvement de contestation pourrait se généraliser… à une condition : « Si le CHP continue d’appeler les gens à descendre dans la rue ! C’est la seule façon de convaincre ceux qui critiquent le gouvernement, mais qui le font de chez eux, sans passer à l’action. Il faut leur faire sentir que se mobiliser peut réellement changer quelque chose. »
Le premier parti d’opposition turc, malgré toutes les violations de l’État de droit des dernières années, n’osait plus lancer ce type d’appel, par crainte notamment de donner du grain à moudre au pouvoir, prompt à assimiler toute protestation à une tentative de coup d’État ou au terrorisme.
Le président Recep Tayyip Erdoğan a d’ailleurs rapidement réagi à cet appel à manifester. Il a promis que la Turquie ne serait « pas livrée à la terreur de la rue ». Le parquet d’Istanbul a fait savoir qu’Ekrem Imamoğlu sera déféré devant un tribunal samedi 22 mars dans la soirée. La tension pourrait donc se tendre nettement dans la nuit de samedi à dimanche.
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