Vider Gaza, ce vieux rêve israélien

« Pendant des mois [en 1971], au sein d’un gouvernement israélien dominé par la « gauche », les ministres échangent sur le sujet, sans aucun tabou. « Nous leur disons de déménager à El Arish [dans le Sinaï] ou ailleurs », explique l’un d’eux… « Nous leur donnons d’abord la possibilité de le faire volontairement. Si la personne ne vient pas prendre ses affaires, nous faisons venir un bulldozer pour démolir la maison. S’il reste des gens, nous les expulsons. Nous leur donnons quarante-huit heures. » Un autre reconnaît : « Si nous voulons que ce territoire fasse partie de l’État d’Israël, nous devons nous débarrasser d’une partie de la population, quel qu’en soit le coût. » Et il ne faut pas hésiter à utiliser la coercition, surenchérit un troisième : « Il s’agit d’une douleur ponctuelle, et on peut expliquer que c’est nécessaire pour des raisons de sécurité. » L’un des ministres, reconnaissant que les conditions ne sont pas réunies pour une telle opération au niveau international, fait cette remarque prémonitoire : l’usage de la force ne serait possible que dans le cadre d’« une grande commotion ». »
Article d’ Alain Gresh à lire dans le « Monde diplomatique » de mars
Vider Gaza, ce vieux rêve israélien

Vider Gaza, ce vieux rêve israélien

La proposition du président américain Donald Trump de déporter plus de deux millions de Palestiniens de Gaza vers l’Égypte et la Jordanie a suscité des réactions très diverses, mais un soutien important en Israël. Elle correspond à d’anciennes velléités de l’establishment israélien, pour qui ce territoire représente depuis 1949 un obstacle au projet ­sioniste.

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Rehaf Al Batniji. – De la série « No Shoes to Choose » (Pas de chaussures à mettre), 2023
© Rehaf Al Batniji – rehafalbatniji.com

«Jaimerais que Gaza sombre dans la mer. » Nous sommes en septembre 1992. L’Union soviétique a disparu et, une à une, les crises internationales qui ont jalonné la guerre froide, de l’Afrique australe à l’Amérique centrale, se dénouent. À Washington, Israël discute avec les pays arabes, mais aussi avec une délégation jordano-palestinienne sur l’avenir de la Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-Est. L’homme qui exprime le vœu de voir disparaître Gaza, alors même qu’il négocie avec les Palestiniens, vient de gagner les élections israéliennes de juin 1992 et de battre la coalition de droite dirigée par Itzhak Shamir. Il s’appelle Itzhak Rabin. Un extrémiste juif l’assassinera trois ans plus tard, pour avoir signé les accords d’Oslo de 1993. Si Rabin précise alors que son rêve de voir Gaza engloutie lui apparaît irréaliste, il sait qu’une large partie de ses compatriotes et de ses opposants politiques partagent son désir d’en finir avec ce territoire où les espoirs de liquider le peuple palestinien se brisent depuis près de cinquante ans.

La ville-port de Gaza a une longue histoire, parfois glorieuse, qui remonte à l’Antiquité. Mais la « bande de Gaza » n’a jamais constitué une entité administrative homogène, ni du temps de l’Empire ottoman ni sous le mandat britannique (1922-1948). La guerre israélo-arabe de 1948-1949 en dessine les contours. À son issue, par rapport à ce qui lui revenait dans le plan de partage de la Palestine voté le 29 novembre 1947 par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU), Israël agrandit son territoire. Seules la Cisjordanie et Jérusalem-Est lui échappent — la Jordanie les annexera —, ainsi que 365 kilomètres carrés, à la frontière du Sinaï. Ce lambeau de terre inclut la ville de Gaza. Son statut restera longtemps incertain, car l’Égypte qui la contrôle entre dans une période de bouleversements avec la chute du roi Farouk, le 23 juillet 1952.

Gaza se caractérise par la forte proportion de réfugiés — aux 80 000 habitants originels se sont ajoutés (…)

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