La folie de la guerre économique de Trump

La folie de la guerre économique de Trump et la réponse socialiste qui s’impose

Le président américain Donald Trump sur un écran de télévision à la bourse de Francfort, en Allemagne, le jeudi 3 avril 2025 [AP Photo/Michael Probst]

Les droits de douane considérables imposés par l’administration Trump au reste du monde – amis et ennemis confondus – ont été largement qualifiés de folie économique. Et c’est effectivement le cas.

Ils ont été appliqués sous la bannière du « fabriqué en Amérique » qui, selon la fiche d’information de la Maison-Blanche accompagnant l’annonce de Trump, n’est pas un « slogan » mais la « priorité de cette administration en matière d’économie et de sécurité nationale ».

Il n’existe cependant aucun produit dont on puisse vraiment dire qu’il est «fabriqué en Amérique » ou dans un seul pays. Chaque article produit aujourd’hui – des plus simples articles de consommation courante aux automobiles et aux développements les plus avancés en matière de technologie informatique et d’intelligence artificielle – est le résultat d’un processus de production mondial au sein d’un système économique intégré à l’échelle internationale.

Cela soulève la question centrale : si c’est de la folie – ce qui est clairement le cas – quelles sont les forces qui poussent l’administration Trump à mener une guerre économique contre le monde ? La réponse superficielle, qui n’explique rien, consiste à dire que tout cela est le produit de la folie de Trump l’individu.

L’histoire répond à cette affirmation. Il ne fait aucun doute qu’Adolf Hitler était fou et dérangé. Mais il a été porté au pouvoir par la classe dirigeante allemande en raison d’une crise profonde de son économie et de son État. Il était l’instrument de la classe dirigeante pour l’expansion impérialiste et l’écrasement de la classe ouvrière, la seule issue possible du point de vue de la bourgeoisie.

De même, l’arrivée au pouvoir de Trump et ses actions sont le produit d’une crise profonde de l’impérialisme américain.

Il est désormais largement reconnu que les actions de Trump ont fait voler en éclats les vestiges du système commercial international d’après-guerre, établi après 1945 principalement sous l’action des États-Unis.

L’ordre d’après-guerre a été créé pour réguler et contenir les contradictions du système capitaliste mondial, qui ont éclaté dans la première moitié du XXe siècle sous la forme de deux guerres mondiales et de la Grande Dépression. La crainte de la classe dirigeante qu’un retour à de telles conditions ne provoque une révolution socialiste sous-tendait sa mise en place.

L’une des principales caractéristiques du système d’après-guerre a été la reconnaissance du fait que les guerres tarifaires et monétaires des années 1930 – illustrées par la loi américaine Smoot-Hawley de 1930 – avaient aggravé la Grande Dépression et joué un rôle important dans la création des conditions de la Seconde Guerre mondiale. Compte tenu de l’évolution de l’économie mondiale, les mesures de Trump vont bien au-delà de celles d’il y a 95 ans.

Sur le plan économique, l’accord d’après-guerre reposait sur la capacité de production dominante des États-Unis. Au cours des 80 dernières années, cette domination s’est progressivement érodée, marquée par une série de tournants.

L’un des tournants les plus importants a été l’abandon des accords monétaires de Bretton Woods en 1971, lorsque le président Nixon a supprimé la garantie-or du dollar américain. L’accumulation des déficits de la balance commerciale et des paiements des États-Unis signifiait que Washington ne pouvait plus honorer son engagement de racheter les dollars contre de l’or au taux de 35 dollars l’once.

Le dollar a continué à servir de base aux relations monétaires et commerciales internationales, mais il s’agissait désormais d’une monnaie fiduciaire, qui n’était plus adossée à une valeur réelle sous la forme d’or, mais uniquement à la puissance de l’État américain.

La crise financière mondiale de 2008 a marqué un autre tournant décisif. Elle a révélé que les fondements de la puissance américaine reposaient sur des sables mouvants : un système financier qui pouvait s’effondrer pratiquement du jour au lendemain, rongé par la pourriture et la décomposition de décennies de parasitisme et de spéculation, qui avaient progressivement remplacé la production industrielle en tant que source principale d’accumulation de profits.

En 1928, à l’époque de l’ascension de l’impérialisme américain, Léon Trotsky expliquait que son hégémonie s’affirmerait le plus pleinement et le plus ouvertement non pas en période de prospérité, mais en période de crise, lorsqu’il chercherait à s’extirper de ses difficultés et de ses maux.

Ces « maux et difficultés » s’expriment par l’explosion du déficit commercial – près de 1000 milliards de dollars l’année dernière, soit 17 % de plus qu’en 2023 –, la dette publique toujours croissante, qui s’élève aujourd’hui à 36 000 milliards de dollars, avec une facture d’intérêts annuelle de 1000 milliards de dollars, et les inquiétudes qui se multiplient concernant la stabilité du dollar, qui se reflètent dans la flambée du prix de l’or, qui continue à atteindre des sommets.

Comme dans les années 1930, la logique de la guerre économique aujourd’hui est le développement d’une nouvelle guerre mondiale. En 1934, alors que les nuages de la guerre s’amoncelaient, Trotsky observait que si les droits de douane étaient économiquement irrationnels, ils avaient une logique bien définie : ils concentraient « toutes les forces économiques de la nation en vue de la préparation d’une nouvelle guerre ».

La concentration nationale des forces économiques est le thème central de la fiche d’information de la Maison-Blanche sur les droits de douane et le décret de Trump. Le document soulève à plusieurs reprises des préoccupations relatives à la « sécurité nationale », soulignant l’incapacité des États-Unis à produire suffisamment de matériel militaire pour justifier l’adoption de mesures protectionnistes radicales.

Dans son décret, Trump a déclaré que « les déficits commerciaux importants et persistants constituent une menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale et l’économie des États-Unis ». Il a affirmé que ces déficits ont « conduit à l’affaiblissement de notre base manufacturière, inhibé notre capacité à augmenter la capacité manufacturière nationale, sapé les chaînes d’approvisionnement essentielles et rendu notre base industrielle de défense dépendante d’adversaires étrangers ».

Soulignant cette question, le décret affirme que le déficit annuel persistant du commerce des biens et la « perte concomitante de capacité industrielle ont compromis l’état de préparation militaire ». Cette « vulnérabilité » ne peut être résolue que par une « action rapide et corrective visant à rééquilibrer le flux des importations aux États-Unis ».

La fiche d’information précise que les « partenaires commerciaux » ne peuvent obtenir une réduction des droits de douane que s’ils prennent des «mesures significatives » pour « s’aligner sur les États-Unis en matière d’économie et de sécurité nationale ». En d’autres termes : Alignez-vous sur les intérêts des États-Unis, ou vous continuerez à être la cible de mesures protectionnistes.

La Chine étant désignée comme la principale menace pour la « sécurité nationale » et considérée par l’ensemble de l’establishment politique américain comme le principal obstacle à l’hégémonie mondiale des États-Unis en raison de son développement technologique rapide, l’un des principaux objectifs des décrets tarifaires est de rassembler les autres puissances dans une offensive économique et militaire contre la Chine.

Le nouveau programme tarifaire porte les droits de douane sur Pékin à un total de 54 %: 34 % sous la bannière des « droits de douane réciproques », en plus d’une augmentation précédente de 20 %. À une époque antérieure, de telles mesures – qui, selon Bloomberg, porteront un coup de 2,3 % à la croissance économique chinoise – auraient été considérées comme un acte de guerre.

La guerre économique est également dirigée contre la classe ouvrière au niveau national, malgré les affirmations de Trump, soutenues par le syndicat United Auto Workers (UAW) et d’autres sections de la bureaucratie syndicale, selon lesquelles elle profite au travailleur américain.

L’un des grands mensonges du régime Trump est que les droits de douane sont payés par les pays étrangers. En réalité, ils constituent un impôt indirect lourd sur les consommateurs, les travailleurs et leurs familles, sous la forme d’une hausse des prix d’une série de biens allant de l’épicerie aux biens de consommation durables.

Toute délocalisation de la production vers les États-Unis ne se traduira pas par une augmentation du nombre d’emplois bien rémunérés. Les nouvelles usines seront hautement automatisées et emploieront le moins de travailleurs possible pour réduire les coûts. Sous la pression de la concurrence, cela ne fera qu’entraîner de nouvelles suppressions d’emplois et une intensification de l’exploitation dans les usines existantes.

La guerre mondiale déclenchée par Trump est sans aucun doute une folie. Mais elle n’est pas le résultat de la folie du « roi Donald ». Elle exprime la folie du système capitaliste, enracinée dans la contradiction entre la production intégrée à l’échelle mondiale et la division du monde en États-nations rivaux, dans laquelle la propriété privée des moyens de production et le profit privé sont enracinés.

Cette contradiction s’exprime nécessairement de la manière la plus nette aux États-Unis, qui cherchent à résoudre leur crise en écrasant leurs rivaux, d’abord par une guerre économique, puis par une nouvelle guerre mondiale.

La classe ouvrière est touchée par la même crise sous la forme d’attaques grandissantes contre les emplois, les salaires, les conditions sociales et la destruction des droits démocratiques fondamentaux, alors que Trump, avec le soutien croissant de puissantes sections de la classe dirigeante, cherche à ériger un régime fasciste.

La classe ouvrière doit entreprendre une lutte politique pour ses propres intérêts indépendants. Les travailleurs des États-Unis et du monde entier doivent commencer ce combat en s’opposant à toutes les formes de nationalisme. Se lier de quelque manière que ce soit à leur « propre » classe dirigeante nationale, quel que soit le côté de la guerre tarifaire où elle se trouve, ne peut, comme l’histoire l’a montré, que conduire à la catastrophe.

La classe ouvrière a la tâche historique de résoudre la crise du système capitaliste de manière progressiste, sous peine de sombrer dans la barbarie. La guerre tarifaire de Trump doit donc devenir le stimulant pour le déclenchement d’une lutte politique, dans toute la classe ouvrière, pour le programme du socialisme international. La rapidité des événements, surtout au cours de la semaine dernière, montre qu’il n’y a pas de temps à perdre.

(Article paru en anglais le 4 avril 2025)

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