Reconnaissance de l’État de Palestine par la France… Pour quoi faire ?

Qu’est-ce qu’une reconnaissance d’Etat ?
La reconnaissance a une portée principalement symbolique et politique, car elle constitue un acte déclaratif et non créateur de l’État reconnu. Aucune forme spécifique n’est exigée pour qu’elle soit valable : elle peut résulter d’un acte formel, comme un décret ou l’adoption d’une loi, ou être déduite d’un ensemble de comportements révélant cette intention.
En effet, l’existence d’un État ne dépend pas de sa reconnaissance par d’autres Etats, dès lors que l’Etat remplit les critères constitutifs de l’État (gouvernement, territoire, population et souveraineté). La Palestine a proclamé son indépendance en novembre 1988 et participe depuis activement à la vie internationale : ratification d’une centaine de traités, État membre dans une vingtaine d’organisations internationales, etc.
Néanmoins, l’existence de l’Etat de Palestine est actuellement entravée par un fait internationalement illicite, à savoir l’occupation militaire israélienne, qui s’apparente aujourd’hui à une annexion (Cour internationale de Justice, avis du 19 juillet 2024).
Par ailleurs, si l’annonce d’Emmanuel Macron revêt avant tout une portée symbolique plus que juridique, c’est parce que dans les faits, la France reconnaît déjà l’Etat de Palestine. Cette position se manifeste à travers un ensemble cohérent d’actes officiels, de déclarations, de votes à l’ONU et de relations diplomatiques établies.
La France a constamment soutenu les initiatives visant à consolider le statut juridique de la Palestine à l’ONU : vote en faveur de l’adhésion en tant qu’Etat membre de la Palestine à l’UNESCO en 2011, soutien à la résolution de l’Assemblée générale de novembre 2012 accordant à la Palestine le statut d’Etat non membre observateur, vote positif pour soutenir la demande d’admission comme Etat membre à l’ONU de la Palestine le 10 mai 2024, soutien à la résolution de l’Assemblée générale du 18 septembre 2024 appelant les Etats à favoriser la réalisation du droit à l’autodétermination du peuple palestinien, etc. La France a aussi reconnu le rang d’ambassadeur à la représentante de la Palestine à Paris et entretient des relations diplomatiques et économiques avec l’Autorité palestinienne. De facto, la France reconnaît déjà, juridiquement, l’Etat de Palestine.
La position française sur la reconnaissance de la Palestine
En 2011, trois résolutions distinctes sont déposées en faveur de la reconnaissance de l’État de Palestine : une par Jean-Marc Ayrault (PS), une autre par Hervé de Charette (Centriste), et une troisième par Patrick Braouezec (PCF), puis une en 2012 par André Chassaigne (PCF). Mais aucune n’a été portée au vote. Il faut attendre le 2 décembre 2014 pour que l’Assemblée nationale adopte une résolution invitant la France à reconnaître l’État palestinien « en vue d’obtenir un règlement définitif du conflit ». Le Sénat a suivi avec un vote le 11 décembre 2014.
Sous la présidence Macron, à plusieurs reprises, la diplomatie française laisse entendre son souhait d’acter cette reconnaissance. Outre le manque de courage politique, trois éléments ont jusqu’ici fait obstacle. D’abord, la reconnaissance est perçue par Israël comme un acte de défiance. Deuxièmement, la France souhaite franchir ce pas aux côtés d’autres États du G7 ou G20 (Australie, Canada, Japon ou Royaume-Uni). En vain.
Le contexte actuel peut favoriser une telle décision. Du point de vue de la diplomatie française, l’idée d’élections anticipées en Israël mettant hors du pouvoir Netanyahou ne semble plus à l’ordre du jour et attendre jusqu’aux élections de 2026 n’est pas tenable. L’élection de Trump accélère les choses avec la possibilité faite à Israël d’achever son projet annexionniste de l’intégralité du territoire palestinien historique.
La France souhaiterait ainsi marquer sa différence en soutenant le « plan arabe » pour Gaza et en se rapprochant de l’Arabie saoudite, au détriment des Émirats arabes unis — allié traditionnel de Paris dans la région. Depuis le 7 octobre 2023, la décrédibilisation de la parole diplomatique française dans la région s’est accélérée. D’abord par des prises de position contradictoires – tantôt proposant une « coalition internationale contre le Hamas », tantôt appelant à un cessez-le-feu à Gaza. Ensuite, par la faiblesse voire l’absence de condamnation des crimes commis par Israël, illustrée par le refus d’appliquer le mandat d’arrêt émis par la CPI contre Netanyahou. Enfin, sur la question même de la reconnaissance de l’Etat de Palestine, la France cumule un retard, car 147 des 193 Etats membres des Nations Unies, dont onze Etats de l’UE, reconnaissent déjà l’Etat de Palestine.
En reconnaissant l’État de Palestine, la France pourrait envoyer un signal marquant un attachement à la solution à deux Etats. Toutefois, à l’heure où la politique coloniale et le régime d’apartheid israélien prennent la forme d’un crime de génocide à Gaza et d’un nettoyage ethnique dans toute la Palestine, la reconnaissance doit nécessairement s’accompagner de l’adoption de mesures coercitives et concrètes : embargo sur les armes, suspension de l’accord d’association UE-Israël, sanctions diplomatiques, économiques et commerciales… C’est à cette seule condition que la reconnaissance pourrait dépasser l’acte symbolique.
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