Choisir comme titre de cet éditorial le célèbre aphorisme de Lichtenberg peut paraître cruel mais comment mieux décrire la sensation de vide qui étreint le militant syndical à l’approche de l’été après pourtant l’acte de décès du conclave sur les retraites et un premier Mai relativement réussi ?
La grève SNCF du mois dernier ? Le choix de son étalement par corps de métier et de la compétition à peine voilée entre la CGT Cheminots et SUD Rail en aura dilué la force. Pire, elle a remis sur la table le projet de limitation du droit de grève à certaines périodes de l’année. Celle unitaire dans la Fonction publique le 13 mai, qui se voulait une puissante réplique de celle du 5 décembre 2024 ? Elle a tout bonnement fait un flop.
C’est dans ce contexte morose qu’aura lieu le 5 juin prochain, à l’appel de la seule CGT, une journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Même si l’objectif est juste, à savoir appuyer le vote par l’Assemblée Nationale le même jour d’une résolution du groupe communiste réaffirmant la nécessite d’abroger la réforme des retraites, à laquelle l’obstruction parlementaire ne peut faire obstacle contrairement aux précédentes tentatives, son caractère significatif serait surprenant car après avoir pâti des journées d’action à répétition, voire par corporation, visant à faire s’échapper la vapeur, voici venu le temps de celles sans même de vapeur à dissiper !
Pourtant, ce ne sont pas les raisons actuelles qui manquent pour se mobiliser entre les plans dit sociaux trois fois plus nombreux qu’il y a un an, les 40 milliards d’économies à venir du budget de l’État − dont le retour du projet de TVA sociale − ou le reniement des quelques engagements écologiques pris par les gouvernements macronistes précédents…
Mieux, ça tangue au cœur même du bloc central entre un Bayrou toujours englué dans l’affaire Bétharram, un Retailleau bien décidé à imposer sa marque suite à son élection à la tête des LR, un Attal qui braconne sur ses terres pour rappeler honteusement qu’il existe et un Philippe qui est déjà en campagne présidentielle.
Les taxis montrent la voie à suivre : il leur aura suffit de quelques jours de mobilisation non seulement large mais déterminée pour obliger l’exécutif à temporiser sur sa réforme de la prise en charge du transport sanitaire, un bougé qui n’est pas sans rappeler celui qui s’est produit au début de l’année suite à l’abaissement du seuil de la TVA pour les autoentrepreneurs en passe d’être définitivement retiré. Dans notre camp social qui s’englue aussi dans ses divisions et plus encore au plan politique obnubilé par les prochaines échéances électorales, il serait salutaire de discuter dès maintenant d’une initiative large et centralisée pour la rentrée, qui défende la nécessité d’un plan d’urgence pour le plus grand nombre donc pose la question du pouvoir, plutôt que de craindre le spectre d’une dissolution rendue constitutionnellement à nouveau possible.
Éditorial du numéro de juin 2025 du bulletin Interventions Syndicales
Poster un Commentaire