Ardisson, derrière (et à travers) le rebelle, le réac…

Antoine Montpellier

Ardisson, derrière (et à travers) le rebelle, le réac…
Je ne suis pas sûr qu’il faille consacrer beaucoup de lignes à Thierry Ardisson qui vient de mourir. Je vais cependant, vu le traitement médiatique de sa disparition, partager le post qui suit : il me semble taper (c’est le mot) juste car ce personnage incarne bien un trait majeur de notre époque : le confusionnisme politique, TA, se revendiquait royaliste et, à la fois, dans son parcours d’homme de télé, incarnait une forme de rébellion contre les codes dominants du système médiatique. Ce paradoxe se résout, à mon avis, et c’est bien exprimé dans les lignes ci-dessous, par le fait qu’il ne suffit pas d’être provocateur pour échapper au système dont au demeurant on ne repère jamais l’essentiel de ce qui le caractérise comme domination, inégalitarisme structurel… TA était un divertisseur, un amuseur, certes plus sophistiqué – cultivant un certain dandysme (aristocratisme rebelle à la modernité mais raccord avec son royalisme) – ce n’est pas très difficile, qu’un Cyrille Hanouna, vulgaire (et bête) homme de paille de l’empire Bolloré. Il était un provocateur par le divertissement en tant qu’effacement, par là faussement radical, des pistes aidant à donner forme à des prises de conscience de l’inacceptablilité du monde, de ses dangers, dont, en particulier, celui de l’avènement du fascisme. Confusionniste donc était le provocateur, ne lui accordons aucune circonstance atténuante, il a contribué de longue date à la montée exponentielle du chaos du monde et des consciences… On voit ce que cela donne en ce moment trumpisé, poutinisé, nétanyahouïsé, etc. où il disparaît.
Note : je ne comprends pas bien le sens de la mention qui est faite de Muray, Philippe, je suppose, au début du post : cet écrivain et polémiste est, idéologiquement, de la trempe réac, sur le mode de l’écriture, de TA; si c’est ce que veut dire l’auteur du post, pas de problème. Voici ce que nous en dit Le Monde, dans la notice nécrologique qu’il lui consacre : « Philippe Muray était proche d’écrivains comme Michel Houellebecq et Maurice G. Dantec. En 2002, avec notamment Alain Finkielkraut, Marcel Gauchet, Pierre Manent et Pierre-André Taguieff, il signa un « manifeste pour une pensée libre » contre le livre de Daniel Lindenberg, Le Rappel à l’ordre (Seuil), qui le rangeait dans la catégorie des « nouveaux réactionnaires ».
De fait, dans deux livres récents – Chers djihadistes… (Mille et Une Nuits-Fondation du 2 mars, 2002) et surtout Festivus festivus, conversations avec Elisabeth Lévy (Fayard, mars 2005), il radicalise sa détestation du monde moderne et de tous ses représentants, des altermondialistes au maire de Paris, du Tribunal pénal international au journal Le Monde. » (https://www.lemonde.fr/…/philippe-muray-ecrivain-et…).
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Plus que Muray, que je n’ai jamais vu chez Ardisson (mais peut-être que les archives ne sont juste plus dispos), c’est surtout Nabe effectivement, mais surtout Soral, Camus, Millet, etc… qui ont été légitimés par lui. Sans parler de son rôle avec Dieudonné (le très bon livre de Birnbaum l’explique bien) et son interview de Messian qui a permis une brève hallucination collective complotiste en France au lendemain du 11 septembre.
Il n’était pas vraiment sur la ligne de la Nouvelle Droite, qui n’est pas royaliste et encore moins légitimiste (ce qu’Ardisson était, je crois), mais néopaïenne _même si certains de ses membres ont fricoté avec les royalistes ou étaient royalistes mais ça n’est vraiment pas le centre de gravité du mouvement. Mais oui, il a activement participé à la fascisation du débat, plutôt sur une ligne confusionniste, où son royalisme tenait lieu de posture dandy anti-moderne et superficielle (et aux affects antidémocratiques).
Ce qu’il a vraiment construit (et qui a aujourd’hui totalement infusé dans le débat public), c’est l’idée selon laquelle la digue face à l’extrême droite n’avait pas lieu d’être, en tant qu’elle était une entorse au pluralisme et à la liberté d’expression, piliers de la démocratie.
Zemmour est arrivé chez Ruquier grâce à cette fumisterie intellectuelle. Taddeï a monté Ce soir (ou jamais!) sur cette conviction. Et Stéphane Simon, proche parmi les proches du présentateur, a co-fondé Front Populaire avec Onfray (ami d’Ardisson également) sur une ligne appelant à la jonction des deux rives du souverainisme (gauche et extrême droite) avec cette même volonté de faire sauter les digues entre le champ politique républicain et l’extrême droite.
Enfin CNews et Hanouna (malgré la brouille finale d’Ardisson avec Bolloré) ont encore radicalisé et systématisé cette vision d’un débat public totalement dérégulé où toutes les idées sont légitimes, où la parole n’a pas à être contextualisée, ni les idées de l’extrême-droite systématiquement contredites par des gens ayant les compétences intellectuelles pour le faire. Vingt plus tard, la « révolution Ardisson » (ironie) a gagné. J’ai tendance à croire que le sentimentalisme un peu écœurant dans lequel il versait depuis quelques années a peut-être à voir avec une conscience, partielle, de ce qui restera son héritage médiatique… Même si son refus de s’excuser pour son interminable misogynie ou même de la reconnaître _à contrario de Baffie_ dit bien la radicalité du personnage, jusqu’à la fin. Via Hadrien Alvarez
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