De la famine à Gaza

Génocides et comparaisons
Le gouvernement israélien vient d’accuser le Hamas d’être à l’origine de la famine qui règne à Gaza. – C’est d’autant plus accablant que, d’abord, il reconnaît que, cette famine, elle existe, alors que ses thuriféraires, dans le monde entier, s’obstinaient à dire qu’elle n’était rien d’autre qu’une mise-en-scène et que l’aide fournie par Israel et les USA était largement suffisante. – Et donc, non, de l’aveu même d’Israel, non seulement cette aide n’est pas suffisante, mais elle laisse la famine s’instaurer, – le mot « famine » étant une citation d’un communiqué officiel. Mais le pire dans cet aveu est peut-être ailleurs : si le Hamas est capable, après plus de vingt mois de guerre, d’organiser une famine, cela signifie qu’Israel avoue lui-même que son opération d’éradication du Hamas est un échec, et un échec sanglant. – Pour organiser une famine, il faut avoir gardé un pouvoir de nuisance sur l’ensemble du territoire, malgré les dizaines et les dizaines de milliers de membres (là, je parle bien de membres du Hamas, – pas des femmes et des enfants), malgré toutes les opérations militaires, malgré tous les bulldozers qui continuent de raser ce que les bombes ont encore laissé debout. Bref, c’est un résultat absolument catastrophique – avoué dans les communiqués officiels israéliens.
Force m’est de faire appel à ma mémoire historique. Je me souviens que les famines organisées par Staline (pas seulement le Holodomor d’Ukraine, mais toutes les autres, simultanées, à travers toute l’URSS) et par Mao pendant son « Grand bond en avant » (combien de dizaines de millions de morts en l’espace de quatre ans ?…), toutes, donc, étaient expliquées officiellement par la résistance des paysans aux justes réformes du gouvernement du peuple. À chaque fois, donc, c’étaient les gens qui mouraient de faim qui étaient déclarés responsables de leur propre mort. Et voir un pays comme Israel, qui jouit encore d’une aura démocratique, – cet « îlot de démocratie » au milieu des dictatures arabes (et je ne cherche pas à dire qu’il existe, au moment où j’écris, dans la région, des démocraties arabes), qu’Israel, donc, recoure à une explication pareil est tout aussi confondant que le reste.
Et si, de fait, le Hamas a ce pouvoir, qu’est-ce que ça coûterait de laisser entrer, ou de faire entrer de force, les immenses convois humanitaires qui attendent aux frontières de Gaza, – des convois de l’ONU dans lesquels les aliments sont aujourd’hui même laissés à pourrir – alors même que la famine, désormais actée, se répand comme une traînée de poudre à travers tout le territoire ? Si, réellement, le but était de contrer la toute-puissance du Hamas et de sauver les gens, qu’est-ce qui empêche Israel de le faire ? – Et pour prouver la bonne foi israélienne, pourquoi ne pas autoriser, avec les convois qui attendent, l’entrée des journalistes internationaux ? – Poser ces questions, c’est y répondre.
Il s’agit bien d’affamer les gens, – de les punir, tous, les 2.000.000 de personnes qui restent, selon les chiffres officiels israéliens (mais, encore une fois, que sont devenues les 400.000 autres ?…), des crimes commis par le Hamas, et, cela, c’est un autre crime contre l’humanité, selon toutes les définitions légales. Je dis « un autre », puisque le premier est la politique de déplacement forcé, et répété, de l’ensemble de la population.
Le crime contre l’humanité est imprescriptible selon les lois internationales, – et il est avéré, indiscutable. Le crime de génocide l’est-il aussi ? Evidemment que oui, puisqu’il s’agit de détruire les fondements mêmes de la société civile, – je ne parle pas ici des massacres contre les civils (qui sont des crimes de guerre, et pas obligatoirement des actes génocidaires). Oui, force est de le constater : Israël commet des crimes de guerre (des attaques contre les civils), des crimes contre l’humanité et un génocide. En même temps.
*
Ce mot, « génocide », appelle une précision. J’ai découvert avec stupeur qu’il existait un projet de loi porté par deux députées françaises pour en interdire l’usage à propos de Gaza par « égard la mémoire de la Shoah ».
Comme si la Shoah était le seul génocide qui ait jamais eu lieu… C’est tellement aberrant, tellement scandaleux que je ne sais même pas quoi dire. Si la Shoah a été le seul génocide, alors, quid du génocide arménien et du génocide tutsi (pourtant reconnus comme tels par la loi française) ? Et quid de la Yougoslavie, et quid de l’Ukraine ? – Et, bien évidemment, je ne parle pas de ce qui se passe en ce moment-même au Congo, au Soudan et ailleurs ? Bref, cette appropriation du mot par le seul génocide juif est une catastrophe supplémentaire – sans parler d’être une stupidité anhistorique et une insulte pour des millions et des millions d’êtres humains qui, au moment où j’écris, y sont soumis – à chaque fois sous des formes particulières.
Le fait est que cette proposition de loi, aussi stupide qu’ignoble, me donne raison : la seule défense d’Israel, c’est le rapt que cet état qui se proclame « juif » a fait de la mémoire du génocide perpétré par les nazis. Le jour où l’on arrivera à comprendre qu’il n’y a pas de rapport entre les Juifs en tant que tels et Israël, qu’Israël n’est pas le pays des Juifs, mais de certains Juifs, qui ne sont pas seulement juifs mais israéliens, Israel, la politique d’Israël n’aura plus aucune justification.
*
L’horreur, pourtant, ne s’arrête pas là. – Combien de fois ai-je entendu chez les dénonciateurs des crimes israéliens, – dont je suis – des expressions comme « Israel est en train de commettre une deuxième Shoah » ?… – Souvent, même, en expliquant que celle-ci était pire, parce que la première avait été cachée, alors que celle-ci se déroule sous les yeux du monde entier… Et cela, pour moi, est tout aussi inacceptable que la politique des massacres israéliens en vue des « villes humanitaires » et de « Gaza plage ». Parce que, non, ce n’est pas pareil – et, sans qu’il soit question de mettre des gradations, – non, ce n’est pas pire. Le génocide nazi (que je n’appelle pas Shoah, je le répète une fois encore), c’est autre chose : le but des nazis était d’exterminer toute personne désignée comme juive pour la raison qu’elle était née, sans aucun égard pour rien d’autre, et il n’y a pas à Gaza, quoi qu’on dise, ni einsatzgruppen (je veux dire un million de morts, au minimum, par fusillade), ni, évidemment, camps d’extermination. Employer des expressions comme « deuxième Shoah » est non seulement une insulte, impardonnable, à la mémoire, mais aussi un crime contre la vérité – et le génocide qui se déroule, de fait, sous nos yeux.
Et non, (quelle épouvante de devoir le dire) ce ne sont pas que « les Juifs » font aux Arabes ce que les nazis leur ont fait. Là encore, prétendre une chose pareille est sombrer dans l’antisémitisme le plus vil : ce ne sont pas « les Juifs », mais « des » Juifs, et le fait qu’ils sont juifs est moins important que le fait qu’ils sont des fascistes qui se cachent, eux aussi, sous le bouclier du génocide nazi. Qui profitent du génocide nazi pour commettre leurs propres crimes. – Ils se cachent sous ce bouclier terrifiant, et ils profanent la mémoire, – de leurs ancêtres (pour certains), mais aussi, surtout, la mémoire de l’humanité tout entière.
Israël, au nom de la libération des otages (que le Hamas réussit toujours à cacher au milieu des ruines), commet trois catégories de crimes, – dont deux sont, selon la loi internationale, imprescriptibles, c’est-à-dire qu’ils obèrent l’existence même de l’État qui les commet. Ces crimes, il faut les dénoncer et les combattre : il faut boycotter Israel, de toutes les façons possibles, – chacun comme il le peut ; il faut amener les États européens, scandaleusement lâches (comme toujours, hélas, mais, ici, plus encore – à cause, justement, de ce rapt de la mémoire) à mettre Israël au ban des nations, – tant que les criminels ne seront pas jugés par la justice internationale.
*
Force est pourtant de reconnaître l’existence, aujourd’hui, de ghettos à Gaza. Force est de reconnaître les assassinats soi-disant fortuits, pendant les distributions de nourriture, ou juste comme ça, sans aucune raison. Et oui, j’emploie ce mot : le gouvernement fasciste d’Israel a réparti la population civile (à défaut de pouvoir, pour l’instant, la déporter entièrement) en zones impénétrables. Les gens – femmes et enfants compris – sont tués s’ils se retrouvent à l’extérieur de ces limites, ou s’ils essaient de passer de l’une à l’autre sans ordre express. Ce sont bien des ghettos – de tentes. Avec, dedans, deux millions de personnes, soumises à la promiscuité, à la peur quotidienne pour tout, et la faim. Et ces deux millions de personnes, selon les responsables israéliens, sont « toutes » coupables des crimes du Hamas. Selon les ministres d’Israël, et une partie de la population israélienne aujourd’hui (je ne prendrai pas sur moi de dire combien), il n’y a pas, à Gaza, de « civils innocents ». – Cela, ce pourrait être les prémices de quelque chose qui serait bien pire encore que ce que nous voyons
Le gouvernement israélien vient d’accuser le Hamas d’être à l’origine de la famine qui règne à Gaza. – C’est d’autant plus accablant que, d’abord, il reconnaît que, cette famine, elle existe, alors que ses thuriféraires, dans le monde entier, s’obstinaient à dire qu’elle n’était rien d’autre qu’une mise-en-scène et que l’aide fournie par Israel et les USA était largement suffisante. – Et donc, non, de l’aveu même d’Israel, non seulement cette aide n’est pas suffisante, mais elle laisse la famine s’instaurer, – le mot « famine » étant une citation d’un communiqué officiel. Mais le pire dans cet aveu est peut-être ailleurs : si le Hamas est capable, après plus de vingt mois de guerre, d’organiser une famine, cela signifie qu’Israel avoue lui-même que son opération d’éradication du Hamas est un échec, et un échec sanglant. – Pour organiser une famine, il faut avoir gardé un pouvoir de nuisance sur l’ensemble du territoire, malgré les dizaines et les dizaines de milliers de membres (là, je parle bien de membres du Hamas, – pas des femmes et des enfants), malgré toutes les opérations militaires, malgré tous les bulldozers qui continuent de raser ce que les bombes ont encore laissé debout. Bref, c’est un résultat absolument catastrophique – avoué dans les communiqués officiels israéliens.
Force m’est de faire appel à ma mémoire historique. Je me souviens que les famines organisées par Staline (pas seulement le Holodomor d’Ukraine, mais toutes les autres, simultanées, à travers toute l’URSS) et par Mao pendant son « Grand bond en avant » (combien de dizaines de millions de morts en l’espace de quatre ans ?…), toutes, donc, étaient expliquées officiellement par la résistance des paysans aux justes réformes du gouvernement du peuple. À chaque fois, donc, c’étaient les gens qui mouraient de faim qui étaient déclarés responsables de leur propre mort. Et voir un pays comme Israel, qui jouit encore d’une aura démocratique, – cet « îlot de démocratie » au milieu des dictatures arabes (et je ne cherche pas à dire qu’il existe, au moment où j’écris, dans la région, des démocraties arabes), qu’Israel, donc, recoure à une explication pareil est tout aussi confondant que le reste.
Et si, de fait, le Hamas a ce pouvoir, qu’est-ce que ça coûterait de laisser entrer, ou de faire entrer de force, les immenses convois humanitaires qui attendent aux frontières de Gaza, – des convois de l’ONU dans lesquels les aliments sont aujourd’hui même laissés à pourrir – alors même que la famine, désormais actée, se répand comme une traînée de poudre à travers tout le territoire ? Si, réellement, le but était de contrer la toute-puissance du Hamas et de sauver les gens, qu’est-ce qui empêche Israel de le faire ? – Et pour prouver la bonne foi israélienne, pourquoi ne pas autoriser, avec les convois qui attendent, l’entrée des journalistes internationaux ? – Poser ces questions, c’est y répondre.
Il s’agit bien d’affamer les gens, – de les punir, tous, les 2.000.000 de personnes qui restent, selon les chiffres officiels israéliens (mais, encore une fois, que sont devenues les 400.000 autres ?…), des crimes commis par le Hamas, et, cela, c’est un autre crime contre l’humanité, selon toutes les définitions légales. Je dis « un autre », puisque le premier est la politique de déplacement forcé, et répété, de l’ensemble de la population.
Le crime contre l’humanité est imprescriptible selon les lois internationales, – et il est avéré, indiscutable. Le crime de génocide l’est-il aussi ? Evidemment que oui, puisqu’il s’agit de détruire les fondements mêmes de la société civile, – je ne parle pas ici des massacres contre les civils (qui sont des crimes de guerre, et pas obligatoirement des actes génocidaires). Oui, force est de le constater : Israël commet des crimes de guerre (des attaques contre les civils), des crimes contre l’humanité et un génocide. En même temps.
*
Ce mot, « génocide », appelle une précision. J’ai découvert avec stupeur qu’il existait un projet de loi porté par deux députées françaises pour en interdire l’usage à propos de Gaza par « égard la mémoire de la Shoah ».
Comme si la Shoah était le seul génocide qui ait jamais eu lieu… C’est tellement aberrant, tellement scandaleux que je ne sais même pas quoi dire. Si la Shoah a été le seul génocide, alors, quid du génocide arménien et du génocide tutsi (pourtant reconnus comme tels par la loi française) ? Et quid de la Yougoslavie, et quid de l’Ukraine ? – Et, bien évidemment, je ne parle pas de ce qui se passe en ce moment-même au Congo, au Soudan et ailleurs ? Bref, cette appropriation du mot par le seul génocide juif est une catastrophe supplémentaire – sans parler d’être une stupidité anhistorique et une insulte pour des millions et des millions d’êtres humains qui, au moment où j’écris, y sont soumis – à chaque fois sous des formes particulières.
Le fait est que cette proposition de loi, aussi stupide qu’ignoble, me donne raison : la seule défense d’Israel, c’est le rapt que cet état qui se proclame « juif » a fait de la mémoire du génocide perpétré par les nazis. Le jour où l’on arrivera à comprendre qu’il n’y a pas de rapport entre les Juifs en tant que tels et Israël, qu’Israël n’est pas le pays des Juifs, mais de certains Juifs, qui ne sont pas seulement juifs mais israéliens, Israel, la politique d’Israël n’aura plus aucune justification.
*
L’horreur, pourtant, ne s’arrête pas là. – Combien de fois ai-je entendu chez les dénonciateurs des crimes israéliens, – dont je suis – des expressions comme « Israel est en train de commettre une deuxième Shoah » ?… – Souvent, même, en expliquant que celle-ci était pire, parce que la première avait été cachée, alors que celle-ci se déroule sous les yeux du monde entier… Et cela, pour moi, est tout aussi inacceptable que la politique des massacres israéliens en vue des « villes humanitaires » et de « Gaza plage ». Parce que, non, ce n’est pas pareil – et, sans qu’il soit question de mettre des gradations, – non, ce n’est pas pire. Le génocide nazi (que je n’appelle pas Shoah, je le répète une fois encore), c’est autre chose : le but des nazis était d’exterminer toute personne désignée comme juive pour la raison qu’elle était née, sans aucun égard pour rien d’autre, et il n’y a pas à Gaza, quoi qu’on dise, ni einsatzgruppen (je veux dire un million de morts, au minimum, par fusillade), ni, évidemment, camps d’extermination. Employer des expressions comme « deuxième Shoah » est non seulement une insulte, impardonnable, à la mémoire, mais aussi un crime contre la vérité – et le génocide qui se déroule, de fait, sous nos yeux.
Et non, (quelle épouvante de devoir le dire) ce ne sont pas que « les Juifs » font aux Arabes ce que les nazis leur ont fait. Là encore, prétendre une chose pareille est sombrer dans l’antisémitisme le plus vil : ce ne sont pas « les Juifs », mais « des » Juifs, et le fait qu’ils sont juifs est moins important que le fait qu’ils sont des fascistes qui se cachent, eux aussi, sous le bouclier du génocide nazi. Qui profitent du génocide nazi pour commettre leurs propres crimes. – Ils se cachent sous ce bouclier terrifiant, et ils profanent la mémoire, – de leurs ancêtres (pour certains), mais aussi, surtout, la mémoire de l’humanité tout entière.
Israël, au nom de la libération des otages (que le Hamas réussit toujours à cacher au milieu des ruines), commet trois catégories de crimes, – dont deux sont, selon la loi internationale, imprescriptibles, c’est-à-dire qu’ils obèrent l’existence même de l’État qui les commet. Ces crimes, il faut les dénoncer et les combattre : il faut boycotter Israel, de toutes les façons possibles, – chacun comme il le peut ; il faut amener les États européens, scandaleusement lâches (comme toujours, hélas, mais, ici, plus encore – à cause, justement, de ce rapt de la mémoire) à mettre Israël au ban des nations, – tant que les criminels ne seront pas jugés par la justice internationale.
*
Force est pourtant de reconnaître l’existence, aujourd’hui, de ghettos à Gaza. Force est de reconnaître les assassinats soi-disant fortuits, pendant les distributions de nourriture, ou juste comme ça, sans aucune raison. Et oui, j’emploie ce mot : le gouvernement fasciste d’Israel a réparti la population civile (à défaut de pouvoir, pour l’instant, la déporter entièrement) en zones impénétrables. Les gens – femmes et enfants compris – sont tués s’ils se retrouvent à l’extérieur de ces limites, ou s’ils essaient de passer de l’une à l’autre sans ordre express. Ce sont bien des ghettos – de tentes. Avec, dedans, deux millions de personnes, soumises à la promiscuité, à la peur quotidienne pour tout, et la faim. Et ces deux millions de personnes, selon les responsables israéliens, sont « toutes » coupables des crimes du Hamas. Selon les ministres d’Israël, et une partie de la population israélienne aujourd’hui (je ne prendrai pas sur moi de dire combien), il n’y a pas, à Gaza, de « civils innocents ». – Cela, ce pourrait être les prémices de quelque chose qui serait bien pire encore que ce que nous voyons

Ce champ est nécessaire.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*