
Paysans de tous les pays, ne nous laissons pas diviser Défendons notre droit à la vie contre les capitalistes qui nous exploitent
Plus de deux millions de signatures en France (1) contre la loi Duplomb, véritable machine de guerre contre l´environnement et l´agriculture paysanne au bénefice des industriels et d´une minorité de gros exploitants: la population se mobilise pour exiger le retrait de la loi votée par les partis gouvernementaux et le Rassemblement National. Ce résultat rapide a enthousiasmé les signataires qui ont pris conscience de leur propre force et, au delà des illusions institutionnelles, y on vu la possibilité d´une riposte massive aux attaques du gouvernement. Nous nous réjouissons bien sûr de cette mobilisation en soulignant que nous ne devons pas en rester là et nous préparer à continuer la lutte dans les entreprises et dans la rue. Gagner de nouvelles signatures est utile à condition de s´inscrire dans cette perspective.
Le succés de la pétition a sidéré les politiciens et les prétendus syndicalistes agricoles roulant pour les industries agroalimentaires qui exploitent le travail des paysans. Ils ont été contraint à un premier recul; nous en croyons pas à la spontanéité de la censure partielle de la loi, elle vient à point nommé pour calmer la colère des opposants et gagner du temps avant de revenir à la charge avec une version moins provocatrice du texte, ce que Duplomb lui-même a annoncé.
Un recul partiel et provisoire pour calmer la contestation
Le Conseil Constitutionnel a censuré la partie du texte qui autorisait le retour de l´acétamipride, un insecticide qui impacte la biodiversité et notamment tue les abeilles, et probablement dangereux pour les êtres humains. En revanche les autres dispositions du texte ne sont pas censurées et dans la foulée Emmanuel Macron a promulgué ce qui restait de la loi.
Nous en sommes pas naïfs au point de croire à la conversion écologiste des membres du Conseil Constitutionnel et pas davantage à leur indépendance. En censurant la partie de la loi qui avait été au centre de la contestation les “Sages”(2) ont finalement rendu service à Macron qui ne savait pas coment gérer la situation: passer en force aurait été risqué et le débat parlementaire se serait déroulé sur fond de manifestations.
Dans le même temps ils ont permis la mise en oeuvre des autres volets de la loi, tous aussi graves pour la population et la majorité des paysans mais qui étaient moins en évidence: la pétition exige certes le retrait de toute la loi mais les argumentaires ont presque exclusivement porté sur les dangers des traitements chimiques. Emmanuel Macron a bien compris la possibilité qui lui était offerte de donner satisfaction à la FNSEA sur les autres points.
Une loi pour défendre “nos agriculteurs” ? Mensonge !
Face au rapide succès de la pétition les partisans de la loi ont tout fait pour disqualifier les signataires: des ignorants manipulés par les gauchistes écologistes, qui en se rendent pas compte des difficultés du monde agricole (3). Ils oublient volontairement les prises de position de scientifiques et de professionnels de la santé, pas vraiment ignorants et encore moins gauchistes, qui en appellent au principe de précaution… De quel côté sont les obscurantistes ? Ce sont les mêmes qui nient ou au moins relativisent les conséquence du dérèglement climatique et les indispensables adaptations des politiques agricoles, à commencer par la gestion des resources en eau.
Bien sûr on nous ressort le mythe de la “Ferme France” menacée et de la paysannerie insultée et méprisée, comme si tous les agriculteurs, grands ou petits, faisaient partie de le même famille.
Au service de tous les mégabassines qui permettent à une minorité de monopoliser la ressource en eau ?
Dans le même sens vont les “simplifications” pour agrandir les élevages de volaille ou de cochons. Les entreprises agricoles concernées ont parfaitement les moyens de gérer les questions administratives, en revanche il faut accélerer les procédures pour couper court aux protestations de la population contre les nuisances de ces installations géantes (4). Cette concentration, voulue par le gouvernement et les industriels, va provoquer la disparition de milliers de petits élevages, catastrophique également pour le maillage des territoires, la lutte contre les incendies. Les mêmes qui contribuent á la désertification de zones entières o9nt le cynisme de prétendre défendre la ruralitEt ils appellent cette politique “défense des agriculteurs” !
Le discours du gouvernement et des “syndicats” réactionnaires insiste sur la concurrence déloyale des producteurs des autres pays – y compris européens – qui ne sont pas soumis aux mêmes normes: leur réponse est comme toujours un alignement sur le moins disant environnemental et social. A regarder ce qui se passe ailleurs il ne semble pourtant pas que les agriculteurs soient plus prospères qu´en France, et que tout au moins un usage moins encadré des pesticides ne suffit pas à faire leur bonheur. On a vu comment les mobilisations des paysans de France avaient fait des émules dans toute l´Europe. Il suffit de lire la presse agricole des différents pays pour constater que les difficultés sont partout les même et surtout que la préoccupation centrale est de pouvoir vivre de son travail, donc de garantir un revenu.
Partout la même exigence: pouvoir vivre de son travail
Il est un grand absent du discours des défenseurs de la loi Duplomb: les prix payés aux producteurs. Le revenu était au centre des mobilisations paysannes mais le gouvernement et la FNSEA ont réussi à détourner la colère contre les charges, les “contraintes” et la bureaucratie, et naturellement les agriculteurs en gagnent pas un euro de plus. La loi Duplomb répond à la même logique. Terreos et les 4 autres grands groupes sucriers ne sont pas questionnés, comme s´ils n´avaient aucune responsabilité dans la situation des betteraviers. Oubliée aussi la suppression des quotas qui, en adaptant la production aux débouchés, protégeaient un peu les revenus.
Loin de se satisfaire de leur situation les producteurs espagnols de betterave sucrière (5) déplorent une diminution des surfaces et une baisse des prix. Sur ce point ils ne dénoncent pas les écologistes mais les industriels et notent au passage que ces derniers importent du sucre depuis… la France. En France ce sont les importations venues d´Allemagne qui sont dénoncées.
Les éleveurs suisses se battent avec le syndicat Uniterre pour un prix minimum de 1 franc le litre de lait. On peut trouver partout des exemples semblables qui montrent comment le négoce, les industriels, les exportateurs et la grande distribution pressurent les paysans et engrangent des bénéfices énormes sur le dos des producteurs, des consommateurs et de leurs propres salariés.
Ce n´est pas propre à l´Europe. La culture du soja, de la canne à sucre, des fruits exotiques repose sur la surexploitation de travailleuses et de travailleurs, soumis de plus aux conséquences pour leur santé et leur vie des traitements chimiques interdits dans les pays imperialistes, sachant que ce sont souvent des sociétés de ces pays qui possèdent les terres (on se souvient de la United Fruit et on peut lire ou relire “Week-end au Guatemala” de Miguel Angel Asturias).
Lutter tous ensemble au delà des frontières
Une grande partie des agriculteurs européens, au delà des dénonciations des pratiques des pays voisins, redoutent la concurrence du Brésil suite aux accords UE – MERCOSUR. On trouve toujours de nouveaux “concurrents déloyaux”.
Il existe une version “progressiste” des demandes de protectionnisme national ou européen. Elle diffère peu de la version réactionnaire sauf au niveau de la violence. Les réformistes en cassent pas de bouteilles et ne vident pas les rayons des supermarchés, ils ne bloquent pas les camions à la frontière espagnole. En revanche ils reprennent le refrain sur la “concurrence déloyale” en oubliant que les règles sociales et environnementales sont régulièrement bafouées en France, que des travailleurs précarisés, souvent immigrés, sont surexploités, comme cela a été révelé pour les vins de Champagne et du Bordelais, et que la fraude en concerne pas que le “bio espagnol”.
Ce que la prétendue gauche en veut pas voir est que la concurence ne vient pas des petits paysans des pays pauvres, que ce sont des sociétés occidentales qui ont investi dans les plaines céréalières en Ukraine, dans la production des tomates cerises au Maroc, des légumes au Maghreb et en Afrique noire (6). A la limite elle voie dans les initiatives de “nos capitalistes” une preuve du rayonnement de la France !
Ce qui ressort pour toutes les productions agricoles est le contrôle des marchés par quelques grands groupes (comme les 5 géants du grain pour le blé) qui imposent leur loi et leurs prix en mettant en concurrence les paysans du monde entier. Exportateurs, industriels et géants du commerce ne se soucient guère du sort des producteurs: leurs profits avant nos vies ! (7)
Ce dont ils ont besoin: de gigantesques usines à lait, à viande, à oeufs pour produire à moindre coût de la nourriture industrielle. Les gouvernements à leur botte leur facilitent le travail: On le voit en France avec les “simplifications” offertes aux méga-élevages qui ont montré leur nocivité dans les pays qui ont une “avance”: pollutions, nuisances et ruine des petits paysans. Et puis on présentera en Europe une nouvelle phase de concentration pour “sauver nos agricultures” face à la concurrence du Brésil ou de la Chine.
Seule la lutte commune des travailleuses et des travailleurs pourra changer le monde
Paysans de tous les pays, nous avons un ennemi commun, les grands groupes qui nous exploitent, nous réduisent à la misère, et plus généralement le système capitaliste qui détruit nos vies comme la planète. Ce sont les mêmes qui exploitent leurs salariés et qui paient des sicaires pour chasser et assassiner les petits paysans qui, comme en Amazonie, défendent leurs terres. Nous pouvons obtenir des victoires partielles, mais tant que ce système ne sera pas mis á bas la déforestation, les exodes de population, la crise climatique ne pourront pas être vraiment combattues.
Refusons le piège de la division. Nos intérêts sont liés à ceux des paysans des autres pays et á ceux de tous les travailleurs, dans une lutte commune contre les exploiteurs et les oppresseurs.
Les paysans, les salariés du monde entier, les peuples en lutte pour leur survie qui luttent contre la destruction du milieu naturel, les victimes des catastrophes climatiques doivent affronter ensemble le système.
- Et on enregistre chaque jour de nouvelles On en signe pas sur une table dans la rue, pour signer il faut aller sur le site de l´Assemblée Nationale en utilisant des codes officiels, cela donne la mesure du résultat.
- Le Conseil Constitutionnel a été créé par De Gaulle en 1959 pour brider toute réforme un peu sérieuse dans le cas ou la gauche deviendrait majoritaire au Parlement. Cette institution est au service de l´exécutif.
- Combien parmi les ministres et parlementaires partisans de la loi Duplomb connaissent-ils le prix à la production des betteraves sucrières ?
- Lire sur le site du MODEF, syndicat marqué à gauche: https://modef.fr/2025/06/27/non-a-la-loi-duplomb- oui-a-lagriculture-familiale/
- Le point de vue des betteraviers espagnols: https://share.google/c79OciXCUAqTYJJ1y
- Rien ne peut échapper à leur voracité: une société “de chez nous” veut mettre la main sur l´huile d´argan, produite traditionnellement par des petites coopératives de femmes marocaines.
- Ainsi DOUX, le premier groupe volailler de France, a investi au Brésil pour exporter à moindre coût sur le Moyen Orient. Demain il pourra sans doute exporter du Brésil… vers la France.
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