Engager l’épreuve de force, par Jean Gersin

 

Par aplutsoc le 24 septembre 2025

Vraiment, quelle surprise !

Le 24 septembre, suite à l’entrevue intersyndicale / Lecornu (sic), nous n’avons appris que ce que nous savions déjà depuis les 10 et 18 septembre : bah non, Lecornu, servile macronard, n’entend rompre ni avec le budget Bayrou de destruction sociale ni avec la loi Borne contre nos retraites. Ni avec la dictature de la dette contractée et entretenue par les marchés financiers.

Avions-nous besoin de mettre le mouvement en stand by, d’accorder un délai à ces gens du macronisme crépusculaire ? Voilà qui nourrit cette zone grise de méfiance, alimentée par la désastreuse tactique des manifs contre la retraite à 64 ans, qui n’avaient d’autre fin que d’éviter le conflit majeur et d’épuiser le cheval et le ramener à l’écurie de l’amertume.

À ce stade, il nous faut clarifier le but de l’épreuve de force

La routine n’est pas de mise. Non, le budget Bayrou ne contient pas de simples mesures d’austérité, pas plus qu’il ne veut colmater une embardée budgétaire encadrée par les normes européennes imbéciles des 3% maximum de déficit.

À considérer l’appel du Medef à un super Meeting de colère patronale, les agressions du sublime (du latin « sublimus », qui vole haut dans le ciel) Bernard Arnault contre Zucman, le père de la très modeste taxe 2%, il nous apparaît que l’épreuve de force est la stratégie de la classe d’en face.

Par un concours drôlatique de circonstances, l’impôt Zucman devient le symbole ralliant tous les Croisés du libéralisme qui aspirent au pouvoir pour éradiquer l’État social et se servir des moyens du gouvernement comme outil au service exclusif du capital.

Comme aux USA de Trump, le racisme et le nationalisme de l’extrême droite politique offrent leurs services à ces milliardaires qui autoproclament leur légitimité unique à diriger, dans la perspective de se débarrasser des oripeaux de la démocratie.

C’est ainsi que le RN de Le Pen et Bardella courtisent le Medef pour agir à son côté en défense du libéralisme libertarien, celui qui ne veut d’autre État qu’asservi à ses seuls intérêts de classe. L’extrême droite, de façon historique, se donne comme défenseur du peuple pour mieux le pervertir par le racisme et intégrer l’appareil du parti fasciste à l’État bourgeois.

Le capitalisme a bifurqué vers une exigence de dictature

Trois grands secteurs du Capital se font jour, classés par :

⇒ la dépendance du Capital au soutien de l’État.

L’État français a déjà été mis très largement au service du capital durant les années néolibérales. Des transferts massifs ont été organisés vers le secteur privé dès les années 1990. Au début des années 2020, le mouvement s’accélère et s’amplifie avec de grands plans de relance et de nouvelles exonérations fiscales. Certains secteurs deviennent hautement dépendants de ces aides comme l’industrie et le commerce.

⇒ la dépendance aux exportations.

Certains secteurs, les plus grandes entreprises, profitent de leur exposition aux marchés internationaux. Ils n’ont aucun intérêt à une politique de défense du marché intérieur, comme le patron de LVMH, Bernard Arnault.

⇒ la mise en place de rentes.

Ces rentes sont diverses : oligopoles classiques, dans la finance, la distribution ou l’énergie, formes plus modernes fondées sur l’abonnement qui permet d’imposer une vente indépendamment de la consommation réelle de biens et de services.

Pourquoi l’épreuve de force se cristallise sur le budget de l’État ?

L’État doit soutenir massivement des secteurs entiers dépendants, alors que la fin du soutien des banques centrales aux marchés conduit le secteur financier à demander des garanties aux États pour assurer sa rente.

  • Les secteurs rentiers appellent à réduire le rôle de l’État parce qu’ils prétendent à le remplacer et qu’ils font de la baisse des impôts leur priorité. Le secteur financier réclame une réduction rapide du déficit pour garantir les actifs.
  • Plusieurs secteurs, du commerce à l’industrie, réclament, eux, la poursuite des aides massives et gratuites d’État.

Ces pôles entrent en contradiction.

Quelle stratégie unitaire du capital ?

La cohérence interne du capital en France va se fonder sur l’ajustement du monde du Travail et de l’État social aux besoins du capital.

L’accord intracapitaliste proposé : maintien du transfert des fonds publics de l’État vers le secteur privé, réduction des déficits par une contribution croissante du Travail et des services publics.

Soit une austérité ciblée sur le Travail, ennemi commun des deux camps opposés du capital.

C’est sur ce principe que les budgets ont été construits depuis 2022.

  • Cette politique n’a pas pour fonction d’augmenter les recettes fiscales ou la croissance, mais de maintenir à flot une partie du capitalisme français.
  • Dans ces conditions, le déficit public ne peut que rester très élevé et le « rendement » de la dépense publique, c’est-à-dire son impact sur la croissance, doit rester très faible.
  • au fil du temps, la pression pour réduire le déficit par la destruction de l’État social ne peut que croître. Et plus on détruit l’hôpital, l’école, les transports, l’assurance-chômage, plus il faut aller loin.

La situation des ménages ne cesse de se dégrader et rend la pression de cette politique intenable.

  • Les inégalités se creusent, la pauvreté progresse et les salaires stagnent. Selon la Dares et l’Insee, les salaires nominaux ont ainsi progressé de 13 % entre mars 2021 et mars 2025, soit un peu moins que les prix sur la même période (+ 13,7 %).
  • En quatre ans, la rémunération réelle des travailleurs a stagné. Cela signifie que, depuis quatre ans, leur niveau de vie est resté dégradé.
  • Les ménages, et en particulier les plus modestes, sont les principales victimes de la stagnation de l’économie française.

Si le PIB stagne et qu’il faut continuer, par l’intermédiaire de l’État, de soutenir le taux de rendement du capital, la conséquence inévitable est que la masse de la population doit voir sa part du gâteau se réduire.

  • L’Insee avait souligné en 2021 combien l’accès aux services publics et la sécurité sociale participaient à la baisse des inégalités réelles dans le pays. Les attaquer de front, c’est donc mener une guerre sociale pour le compte du capital.

Ce sont les contradictions du libéralisme qui ouvrent une crise démocratique.

Le régime institutionnel est incapable de régler la réalisation politique de la crise économique, c’est-à-dire l’opposition radicale entre la stratégie d’unité du capital et les vœux de la population.

Le capital français peut alors faire un choix cynique : puisqu’il existe une opposition entre démocratie et capitalisme, il faut sacrifier la démocratie.

D’où, comme aux USA, en Italie, et bientôt en Grande-Bretagne, les noces de sang du Capital et du racisme organisé en parti d’extrême droite.

Nous savons ainsi que l’épreuve de force est engagée par le Capital : la simple lecture du budget Bayrou nous montre que l’action de l’État relève de Terminator contre la sécurité sociale et les services publics.

Les moyens de notre mouvement devront donc être choisis en conséquence…. (à suivre)

Jean Gersin, le 24/09/2025.

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