
10 octobre 2025
Plus de 200 personnes ont manifesté à Mâcon contre l’oubli de l’affaire Jérôme Laronze, tué par un gendarme en 2017. Ses proches redoutent la destruction des pièces à conviction et un classement du dossier.
Mâcon (Saône-et-Loire), reportage
Les drapeaux jaunes de la Confédération paysanne et ceux, blancs et rouges, de la Ligue des droits de l’homme flottaient jeudi 9 octobre boulevard Henri Dunant à Mâcon. Plus de 200 personnes étaient au rassemblement organisé par la Confédération paysanne afin de demander justice pour Jérôme Laronze, un peu plus de 100 mois après son décès. Ce paysan de Saône-et-Loire, éleveur de vaches, a été tué par un gendarme le 20 mai 2017, mais aucun procès n’a encore eu lieu et les proches craignent un classement de l’affaire.
« Ça fait 8 ans et demi que ça dure, on voit clairement que la justice n’a pas le courage de condamner la gendarmerie », dénonce Philippe Fournier, porte-parole du Comité Vérité et Justice pour Jérôme Laronze, corne de brume autour du cou.
Symboliquement, l’action a démarré devant la Direction départementale de la protection des populations (DDPP), service administratif responsable des contrôles abusifs dont l’éleveur s’estimait victime, ce qui a été officiellement reconnu par la justice en 2020.

Le cortège a quitté la DDPP pour rejoindre la préfecture en longeant les quais de Saône. De nombreux membres de la Confédération paysanne, de toute la Saône-et-Loire, mais aussi d’autres départements, étaient là en soutien, ainsi que des militants de la LDH, d’Attac et de simples citoyens. Deux chevaux de trait ont ouvert la marche, suivis de plusieurs tracteurs. Sur une remorque, la fanfare faisait vibrer les tambours.
Dans la foule, Liliane Goyard, 69 ans, a fait le déplacement depuis Paray-le-Monial à une soixantaine de kilomètres de Mâcon. Petite-fille de paysans, elle est très touchée par l’histoire de Jérôme Laronze. « Je ne peux pas admettre qu’on écrase les agriculteurs. Ce sont eux qui nous nourrissent », dit-elle en essuyant des larmes.

Devant la préfecture, les manifestants ont accroché leurs banderoles aux grilles. Adèle Trueblood, paysanne à Torpes et ancienne porte-parole de la Confédération paysanne à l’époque du drame, se souvient de Jérôme : « Grand et imposant, mais hyper gentil et doux. » Elle s’indigne : « Ça me sidère, il y a eu la mort d’un homme. Il y a un gendarme clairement fautif, et il n’y a même pas de procès. »
« C’est inacceptable, la justice doit rendre des comptes »
Nicolas Maillet, co-porte-parole de la Confédération paysanne 71, ajoute : « Ce silence est une insulte à la famille et à notre profession. Cela veut dire qu’en France, en 2025, un paysan du Charolais ne mérite pas justice. C’est inacceptable, la justice doit rendre des comptes. »
Le 11 mai 2017, lors d’un contrôle administratif mené par la DDPP et la gendarmerie, Jérôme Laronze avait pris la fuite. Recherché, il fut abattu neuf jours plus tard à quelques kilomètres de chez lui. Alors qu’il tentait de s’échapper au volant de sa voiture, il a été atteint de trois tirs, deux dans le dos et un au genou.
Depuis, les gendarmes plaident la légitime défense. « Jérôme Laronze n’a pas obtempéré aux injonctions des gendarmes et il a foncé délibérément », sur eux, affirmait à Reporterre en octobre 2017 Me Gabriel Versini, l’avocat du gendarme mis en examen pour « violence avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».
Une version contestée par les proches et par une autorité administrative indépendante. Dans un rapport publié en janvier 2025, la rapporteuse des droits a dénoncé un usage disproportionné de la force et un manquement à l’obligation de porter secours.

Le 19 mai dernier, lorsque l’instruction a été close, le procureur disposait d’un délai de trois mois pour formuler ses observations avant que le juge décide d’un procès ou de l’abandon des poursuites envers le gendarme mis en examen. Mais les parties civiles sont restées sans nouvelles.
Elles ont en revanche reçu début septembre un avis d’audience fixée au 13 novembre à Dijon pour décider ou non de la destruction des scellés, qui regroupent toutes les pièces à conviction saisies pendant l’instruction, notamment les douilles des balles tirées par le gendarme. « Ces douilles sont fondamentales pour comprendre la scène de crime, savoir où se trouvaient Jérôme et le gendarme », explique Marie-Pierre Laronze, la sœur du défunt qui craint un classement de l’affaire.
« Justice pour Jérôme Laronze ! »
Pour Catherine Amaro, présidente de la section mâconnaise et sud Bourgogne de la LDH, cette affaire est « lourde d’enjeux politiques ». Elle pose la question de la sûreté, c’est-à-dire la garantie pour chaque citoyen de ne pas subir l’arbitraire du pouvoir. « Si la mort de Jérôme Laronze continue à être traitée par le silence, ce sont toutes nos institutions qui s’en trouvent discréditées », dit-elle.
À Mâcon, la journée se termine devant la gendarmerie, rue des Cordiers, avec une détermination intacte : « Justice pour Jérôme Laronze ! » clament les manifestants.
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