
Pour celles et ceux qui ont lu « Les structures sociales fondamentales des sociétés humaines » (pres de 1000 pages!), ce livre d’entretien avec Bernard Lahire apporte des éclairages utiles sur les motivations de l’auteur et des compléments issus des débats sur l’ouvrage. Pour les autres, ce sera une invitation à en savoir plus.
En tant que biologiste, je ne peux que partager le fond de la démonstration materialiste de Bernard Lahire. J’irais même plus loin, en ce sens qu’il y a bien selon moi une « nature humaine »… qui inclut la capacité symbolique, donc culturelle, donc le développement historique de formes sociales variées. Lahire évite l’expression mais dit la même chose en parlant des « propriétés biologiques spécifiques » qui contraignent et limitent les possibilités humaines. Dans ces limites, nous « produisons socialement notre propre existence » (Marx).
Je suis convaincu que tout ce qui existe chez Homo sapiens existe au moins embryonnairement dans le regne animal. Ce n’est pas un developpement lineaire: certaines especes sont plus avancées que la notre a certains égards (la vue, l’ouïe, l’odorat sont des exemples flagrants). Le danger de la démarche est evidemment celui de la « naturalisation des rapports sociaux », qui implique toujours des conclusions politiques réactionnaires. A cet égard, je m’interroge: dans sa volonté justifiée de contrer le relativisme et le constructivisme qui dominent les sciences sociales, l’auteur ne tord-il pas le bâton dans l’autre sens?
En particulier, son insistance a pointer les rapports de domination comme une « ligne de force » des societes humaines n’est-elle pas trop rigide? La nature humaine inclut aussi la capacité culturelle/politique de lutter pour l’émancipation. Je ne doute pas que l’auteur serait d’accord avec cette affirmation, mais son schéma (« faits anthropologiques, lignes de force et lois des societes ») ne l’inclut pas explicitement.
Dans une note de bas de page des « Structures fondamentales », Lahire refere à une étude d’où il ressort que les relations particulières entre les sexes, chez les bonobos, pourraient être le produit de la lutte commune des femelles contre la violence des mâles. C’est un point clé. Il ne me semble pas absurde de penser que notre espece a développé cette capacité de lutter (qui depasse la simple « defense » instinctive) contre la domination « naturelle », au point que la culture de l’emancipation est aussi une caractéristique des « Structures fondamentales des sociétés humaines ». Cela se traduit non seulement dans la lutte des femmes mais aussi dans celle des personnes LGBT+ ( et dans la lutte de classe en general). Or, cette caractéristique, me semble-t-il, n’apparait pas explicitement dans le système de Lahire. Elle n’est pas vraiment couverte par sa « loi Marx (2) de la lutte entre groupes et individus »).
Mais bon, je ne suis pas sociologue…
vvvvvvvvv
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