Près d’une cinquantaine d’hommes ont passé la nuit de samedi à dimanche dans la cour du centre de Seine-et-Marne pour réclamer leur libération. La police est intervenue. Des protestataires dénoncent des violences, ce que dément la préfecture.
Alors que des associations de soutien aux migrants réclament depuis plusieurs semaines la fermeture des centres de rétention administrative (CRA) dans le contexte de pandémie de Covid-19, plusieurs dizaines de sans-papiers ont investi, samedi soir, la cour de celui du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) pour réclamer leur libération. La police est intervenue dimanche alors que des renforts avaient été dépêchés sur place. Des témoignages recueillis par l’association Soutien ô sans-papiers (SOS) dénoncent des violences à l’encontre des protestataires, ce que dément la préfecture.
Installé tout près des pistes de l’aéroport de Roissy, le plus grand CRA de France héberge d’ordinaire entre 200 et 300 femmes et hommes sans papiers, pour la plupart en attente de leur expulsion. Leurs conditions de vie sont, en temps normal, déjà vivement critiquées par de nombreuses associations. L’an passé, la Cimade s’était même provisoirement retirée du centre, dénonçant des «violences» et des «tentatives de suicide répétées». Accusations alors démenties par la Direction centrale de la police aux frontières (DCPAF), qui gère les CRA.
Conditions sanitaires dégradées
Actuellement, selon les chiffres fournis par la préfecture de Seine-et-Marne à l’AFP, 47 hommes sortant de prison sont retenus au Mesnil-Amelot. Or d’après SOS, depuis le début de la crise et du confinement, le centre a vu ses conditions sanitaires, déjà précaires, se dégrader considérablement : «Il y a très peu de savon, rien n’est lavé à la javel, l’entretien se fait uniquement à l’eau claire, les toilettes sont bouchées et le restent», relate un militant de l’association joint par Libération. Ni masques, ni gel, ni gants, poursuit-il, pas plus pour les personnes retenues que pour les policiers qui les encadrent, dans une promiscuité potentiellement favorable à la transmission du virus Sars-Cov-2.
Pour réclamer leur mise en liberté, début avril, une trentaine de retenus s’étaient lancés dans une grève de la faim. Sans succès. La tension est encore montée en milieu de semaine lorsqu’ils ont appris qu’aucune expulsion n’aurait lieu avant septembre, information qui ne nous a pas été confirmée. Un communiqué de personnes retenues, relayé par SOS, fait par ailleurs état d’une situation de «panique car l’un d’entre nous a été relâché il y a quelques jours suite à une suspicion de Covid-19». Auprès de l’AFP, la préfecture de Seine-et-Marne indique qu’«aucun cas de Covid-19» n’a été détecté au Mesnil-Amelot. Mais un cas a déjà été détecté dans un autre CRA, celui de Paris-Vincennes.
C’est dans ce contexte que, samedi soir, un incident aurait éclaté au moment du repas : l’un des sans-papiers aurait été accusé d’avoir dérobé un morceau de pain et frappé par des policiers, selon deux personnes elles-mêmes retenues au CRA du Mesnil-Amelot et qui ont rapporté la scène au militant de SOS joint par Libération. Des sans-papiers auraient alors investi la cour de l’établissement, située au centre des bâtiments de rétention. Près d’une cinquantaine d’hommes y ont passé la nuit pour dénoncer de «mauvaises conditions sanitaires» et réclamer leur libération, rapporte l’AFP.
Renforts policiers
«La direction du CRA a fermé les portes, les contraignant à passer la nuit dehors sans matelas et sans accès à des toilettes», affirme la compagne de l’une des personnes retenues, qui a pu la joindre jusqu’au début de la matinée de dimanche. «La police a récupéré les matelas car ils avaient peur qu’on y mette le feu», raconte par ailleurs un témoin joint par le Parisien. C’est dimanche, en fin de matinée, que les forces de l’ordre sont intervenues. Des témoignages recueillis par SOS dénoncent des violences et l’usage de gaz lacrymogène. Contactée, la préfecture de Seine-et-Marne confirme avoir envoyé des renforts policiers mais réfute toute violence, indiquant que tous les sans-papiers avaient pu normalement regagner leurs chambres en milieu de journée.
En fin d’après-midi, la jeune femme jointe par Libération a reçu un appel de son compagnon : identifié comme l’un des «meneurs», il serait en cours de transfert vers un autre CRA, à Rouen. Toujours selon sa compagne, il n’a pas eu le temps de récupérer ses affaires au centre du Mesnil-Amelot. Le sort des sans-papiers protestataires n’était pas encore connu dimanche soir : «Nous savons simplement que deux d’entre eux sont aussi en passe d’être conduits au CRA de Rouen, et quatre vers celui de Lille-Lesquin», indique le militant de SOS. La direction du CRA du Mesnil-Amelot s’est refusée à tout commentaire.
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