- MEDIAPART
- 29 JUIL. 2020
- PAR MAISON DES LANCEURS D’ALERTE
- BLOG : LE BLOG DE MAISON DES LANCEURS D’ALERTE
Le 27 juillet 2020, le site d’informations StreetPress a dévoilé le témoignage accablant du brigadier-chef Amar Benmohamed, officier de police judiciaire, au sujet de cas de maltraitance et de racisme dans les cellules du Tribunal de Paris. Des « centaines de documents internes » permettent aux journalistes d’établir des comportements délictuels, situations de harcèlement et insultes racistes, mais surtout l’impunité qui les a entourés.
En effet, aucun des agents incriminés n’a, à ce jour, été sanctionné. Certains ont été promus. Le brigadier-chef, quant à lui, voit sa « loyauté » mise en cause lorsqu’il alerte, à plusieurs reprises, sa hiérarchie. Il est menacé lorsqu’il annonce qu’il va prévenir les magistrats du Tribunal. Il fait l’objet d’une enquête pour non-respect de la chaîne de commandement, classée sans suite. Il subit des représailles dans l’exercice quotidien de ses missions. Le ministre de l’Intérieur lui-même, Gérald Darmanin, reproche au lanceur d’alerte d’avoir dénoncé ses collègues « avec retard » et évoque la possibilité de « sanctions » à son encontre.
Ces réactions sont monnaie courante lorsque des faits répréhensibles sont signalés : les personnes mises en cause tentent de faire taire les lanceurs d’alerte. À défaut, elles détournent l’attention du public du message en dénigrant son messager.
La protection des lanceurs d’alerte garantie par la loi
Rappelons que les faits énoncés par StreetPress montrent un respect par M. Benmohamed des critères et des procédures ouvrant droit à la protection au titre de lanceur d’alerte énoncés par la loi Sapin 2. Si ce statut ne déroge pas au « devoir de réserve » auquel sont soumis les officiers de police, la directive européenne du 23 octobre 2019 protégeant les lanceurs d’alerte dans tous les pays membres de l’Union Européenne prévoit une immunité intégrale, y compris pour les fonctionnaires, lorsque ces derniers se voient à tort opposer le devoir de réserve. Elle doit être transposée par la France d’ici 2021. En attendant, les officiers de police bénéficient d’un droit de désobéir à un ordre illégal, prévu par l’article 28 de la loi de 1983 sur le statut des fonctionnaires. Refuser d’obéir à un ordre illégal et refuser de se taire en lançant l’alerte constituent le revers et l’avers de la même médaille : celle d’un acte citoyen, de défense de l’intérêt public.
Le silence des policiers témoins de violences policières et le non-respect de leur droit d’alerte est un problème majeur pour mettre un terme à ces abus. Le cas d’Amar Benmohamed est emblématique des représailles dont font l’objet les lanceurs d’alerte, notamment au sein des forces de l’ordre. Comme il le dit lui-même aux journalistes de StreetPress : « À partir du moment où tu dénonces un problème dans la police, tu deviens le problème ».
Témoigner à visage découvert
C’est pourquoi Amar Benmohamed s’est décidé à témoigner publiquement et à visage découvert. Ce choix n’est pas anodin, comme nous l’indique un journaliste de StreetPress auteur de l’enquête : « Au début, on partait sur quelque chose d’anonyme. Puis on s’est rendu compte qu’avec les recoupements possibles, ça nous privait d’une bonne partie des faits. Amar Benmohamed était déjà visé par ses supérieurs, il avait suivi les procédures, donc il a dit « ok, je donne mon nom », mais il ne voulait pas montrer son visage. La veille de l’interview vidéo, il a envoyé un message pour dire qu’il changeait d’avis. Mais ça a mis un mois, la décision a eu le temps de mûrir. »
Depuis deux ans, Amar Benmohamed se défendait seul face aux représailles qu’il subissait de la part de ses collègues et de ses supérieurs. « Il avait déjà une cible dans le dos, précise le journaliste. M. Darmanin dit qu’il a attendu deux ans mais son premier signalement date de 2018 et il a eu besoin de temps pour collecter des informations avant de dénoncer les faits. »
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