La pandémie de Covid-19 a amené le terme efficacité vaccinale (vaccine efficacy) à l’attention du public. Mais que signifient les chiffres sur l’efficacité ?
Par exemple, à première vue, une efficacité vaccinale de 70 % pourrait suggérer que, dans 30 % des cas, une personne n’est pas protégée par le vaccin et pourrait tomber malade. Est-ce que 30% des vaccinés tombent malades ? Tant que ça ? Ce pourcentage semble semer la confusion.
En tant que professeurs de statistique qui expliquons des concepts techniques à des non-spécialistes, nous nous proposons de faire la lumière sur ces chiffres. Le concept est lié aux essais cliniques randomisés (ECR), comme les essais de phase 3 des vaccins Moderna, Pfizer-BioNTech ou Astra Zeneca.
En général, un ECR suit deux grands groupes, appelés cohortes, qui présentent des similitudes importantes (en termes de répartition par groupes d’âge ou ethniques, par exemple). Une cohorte se voit injecter le nouveau vaccin, l’autre un placebo sans impact sur l’immunité.
Les participants sont répartis au hasard pour recevoir le vaccin ou le placebo (c’est pourquoi on parle d’essai randomisé), mais pas forcément le même jour. À des moments déterminés après la première inoculation, une seconde dose est administrée. Au cours du suivi, les personnes dont le test de dépistage est positif, ainsi que celles qui ont dû être hospitalisées ou qui sont décédées des suites de la maladie, sont comptées et comparées entre les cohortes.
L’efficacité d’un vaccin : une mesure relative
Pour aller à l’essentiel du concept d’efficacité d’un vaccin, nous utilisons des valeurs hypothétiques simples à des fins d’illustration. Cela permet de simplifier les calculs tout en restant proche de ce qui est observé dans les essais cliniques.
Imaginons deux études pour deux vaccins, le vaccin A et le vaccin B et, dans chaque étude, deux cohortes — de vaccinés et de non vaccinés — de 10 000 participants chacune. Vingt jours après l’injection du vaccin, on compte ceux qui ont reçu un test positif pour la maladie et on rapporte les efficacités vaccinales (VE) : VE(A) = 60 % pour le vaccin A et VE(B) = 80 % pour le vaccin B.
Comment ces valeurs ont-elles été calculées ? Que signifient-elles ? La réponse se trouve en comparant vaccinés et non vaccinés.
Pour illustrer, supposons que pendant la durée de l’étude, dans la population générale, l’incidence est d’un cas d’infection sur 10 000 personnes par jour. Ainsi, dans une cohorte de 10 000 personnes non vaccinées, nous avons en moyenne une infection par jour et, après 20 jours, nous nous retrouvons avec 20 personnes infectées parmi les non-vaccinés. Qu’en est-il des vaccinés ?
Supposons que, après 20 jours, il y a huit personnes infectées dans l’étude A et quatre dans l’étude B. En comparant avec les cohortes placebo où il y a 20 personnes infectées, nous pouvons voir que le vaccin a réduit le nombre de personnes infectées de 12 dans l’étude A et de 16 dans l’étude B.
Cet effet protecteur est l’efficacité du vaccin calculée comme suit :
- Étude A : VE(A) = (20-8)/20 = 12/20 = 0.6 = 60 %
- Étude B : VE(B) = (20-4)/20 = 16/20 = 0.8 = 80 %
La formule ci-dessus illustre le fait que la VE quantifie la réduction du risque d’être infecté lorsqu’on compare une personne vaccinée à une personne non vaccinée et non le risque lui-même.
Dans notre exemple numérique, le risque d’infection en l’absence de vaccin est d’un sur 10 000 par jour. Si VE = 80 %, ce risque est réduit de 80 % : les infections chez les vaccinés représentent un cinquième (ou 100-80=20 pour cent) des infections chez les non-vaccinés. Le risque d’infection chez les vaccinés est donc de un sur 50 000 par jour.
Que se passe-t-il si VE = 0 % ? Les vaccinés ont le même risque que les non-vaccinés ! Et si VE = 100 % ? Il n’y a aucune personne infectée parmi les vaccinés.
Pour conclure, la VE n’est ni un pourcentage de cohorte, ni un pourcentage de population ; la VE est le pourcentage de personnes potentiellement infectées qui sont de fait protégées par le vaccin.
Le déroulement dans le temps joue également un rôle clé.
Peut-on comparer les stratégies de vaccination ?
Une autre question qui a fait l’actualité est celle des politiques de vaccination. Nous proposons de comparer deux stratégies de vaccination, en reportant ou non la distribution d’une seconde dose de vaccin dans une fenêtre de temps de 40 jours. Nous supposons :
- le taux d’infection des non-vaccinés : un sur 10 000 ;
- VE1 = 60 % : efficacité après la première dose ;
- VE2 = 80 % : efficacité après la seconde dose ;
- Nous administrons le vaccin à un groupe de 20 000 personnes divisé en deux moitiés, M1 et M2.
Les vaccins contre la Covid-19 n’ont pas d’effet d’immunisation immédiat, car il faut environ 14 jours pour obtenir un résultat notable, mais, pour illustrer, nous supposons que l’immunisation prend effet tout de suite après la vaccination. Dans le scénario 1, nous vaccinons uniquement le groupe M1, au premier jour avec la première dose et au 21e jour avec la deuxième dose ; dans le scénario 2, nous vaccinons M1 et M2, mais avec une seule dose.
Quel est le scénario gagnant ? Lequel mène à moins de personnes infectées après 40 jours ? La réponse est illustrée dans les graphiques ci-dessous :
Il y a 18 % plus de cas dans le scénario 1, mais pourquoi ?
Dans ce scénario, même si les personnes du groupe M1 sont entièrement vaccinées avec deux doses, celles du groupe M2 continuent à s’infecter au taux non réduit, car elles ne reçoivent pas de vaccin. Cet exemple simplifié suggère donc qu’il pourrait être avantageux de reporter la deuxième dose et de continuer à vacciner avec la première dose pendant un certain temps.
Cela étant dit, en pratique, d’autres considérations entrent en jeu, comme la gravité et la mortalité ou les contraintes d’administration du vaccin. En effet, si les personnes du groupe M1 sont plus sujettes aux formes graves de la maladie, au cours des 20 derniers jours, le nombre de ces cas graves double dans le scénario 2 par rapport au scénario 1. On ne peut pas trancher et déclarer qu’un scénario est meilleur, puisque dans le scénario 2 il peut y avoir plus de cas graves, alors que dans le scénario 1 il y a plus de personnes infectées.
Ces illustrations numériques mettent en évidence le défi que représente la recherche des meilleures stratégies de vaccination.
Cas par jour : beaucoup ou peu ?
Pourquoi se préoccuper d’une incidence d’un cas sur 10 000 par jour ? Cela semble faible. Eh bien, c’est élevé selon les normes des Centers for Disease Control des États-Unis. Il suffit de vérifier : dans une population comme celle du Canada, qui compte 38 millions d’habitants, cela revient à 26 600 nouveaux cas par semaine, soit 10 fois plus que le nombre enregistré par le Canada au début de juillet 2021.
L’été dernier, en 2020, dans les cohortes placebo des études vaccinales ECR, l’incidence était de près de deux ou d’environ quatre sur 10 000 par jour.
Finalement : qu’en est-il d’une efficacité vaccinale de 50 % ?
En juin 2020, la FDA (Food and Drug Administration, États-Unis) a placé le seuil d’efficacité vaccinale acceptable à VE = 50 % ou plus. Cet objectif a été largement dépassé, avec des rapports de VE = 95 % ou VE = 94,1 % après deux doses.
Toutefois, même un vaccin efficace à 50 pour cent est très méritant : il peut réduire de moitié le risque d’infection ou d’hospitalisation. En fait, le même vaccin peut présenter des efficacités différentes, selon ce qu’on considère (infectés, hospitalisés, cas légers ou graves…) par exemple, pour les cas graves et les hospitalisations, Astra Zeneca a rapporté une efficacité de 100 %.
Dans les études de terrain en cours on fait des analyses plus complexes qui font intervenir le concept relié de vaccine effectiveness. Nous abordons ces questions dans un récent manuscrit pas encore publié, mais cela nous amène à un autre chapitre du récit des vaccins.
Vous avez une question sur les vaccins Covid-19 ? Envoyez-nous un courriel à l’adresse ca‑vaccination@theconversation.com et des experts répondront à vos questions dans les prochains articles.< !—> http://theconversation.com/republishing-guidelines —>
Sorana Froda, Professeure Associée, Département de mathématiques ; Chercheure émérite, STATQAM, Université du Québec à Montréal (UQAM) et Fabrice Larribe, Professeur de Statistique, Département de Mathématiques, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Poster un Commentaire