[ad_1] 2021-10-14 00:10:40 Revolution Permanente
(Photo by Yoan VALAT / POOL / AFP)
La majorité présidentielle s’est gargarisé du dernier rapport de la direction générale du Trésor sur l’évolution du niveau de vie des ménages, qui présente, dans uneannexe au Projet de loi Finances dur RESF (Rapport économique, social et financier), un chapitre intitulé “Bilan redistributif 2017-2022”. Il conclut notamment que « les réformes mises en œuvre par le Gouvernement ont notamment permis de soutenir le niveau de vie de l’ensemble des ménages et ont réduit les inégalités » et que « le pouvoir d’achat des Français a progressé deux fois plus vite entre 2017 et 2022 que sous les deux quinquennats précédents. »
Avec ce bilan, le Trésor s’est attelé à mesurer l’impact sur les ménages, répartis en 10 quartiles, de 40 mesures mises en place par le gouvernement Macron depuis 2017, pour un total de 38,7 milliards d’euros de dépenses pour les finances publiques, et de 14,8 milliards de recettes soit un total de 24 milliards d’euros supplémentaires sur l’ensemble des ménages.
Selon l’Élysée qui souhaite « rétablir la vérité des chiffres », ce rapport témoignerait d’une hausse du niveau de vie des plus précaires ces 5 dernières années.
D’après ce dernier, les 10% des ménages les plus pauvres auraient vu une augmentation de leur niveau de vie de 4% (ligne rouge) grâce aux mesures combinées du gouvernement depuis 2017. Tandis que les ménages les plus aisés auraient, eux, connu une augmentation moins importante, de l’ordre de 2%.
Ce graphique présenté par l’Élysée dans son rapport officiel a déjà fait l’objet de plusieurs fact-checking, notamment de la part de CheckNews qui soulève un paradoxe important : si on prend les mêmes données, mais en valeur absolue et non en pourcentage d’augmentation, la courbe s’inverse. Et Pierre Madec, économiste de l’OFCE confirme : « il y a effectivement plusieurs façons de voir les choses. En pourcentage du niveau de vie ou en répartition de l’ensemble, en milliards, des mesures. Or on voit bien que lorsque l’on privilégie la seconde, ça raconte une autre histoire, avec un quinquennat marqué par l’allègement de la fiscalité du capital, qui a naturellement bénéficié davantage aux classes les plus aisées. ». Ainsi, les 10% des ménages aux revenus les plus élevés ont en fait bénéficié en valeur absolue d’une augmentation très largement supérieure de leur niveau de vie depuis 2017, quasiment 4 fois plus par unité de consommation (UC) que pour les 30% les plus pauvres.
De nombreuses autres incohérences ont été soulevées depuis la publication du rapport. Comme le fait que « le gouvernement considère que [la] hausse des taxes sur le tabac a entraîné une forte baisse de la consommation », toujours selon Pierre Madec. « Ce qui l’amène à réduire l’impact de cette mesure fiscale qui touche plus sévèrement les catégories les plus modestes. » Ou encore sur le maillage de la population en 10 tranches de 10% seulement. Ce choix permet de masquer les grandes disparités aux extrémités, et selon France-Info, masque notamment le fait que pour les 1% les plus pauvres, le niveau de vie à baissé depuis 2018.
Mais si les choix statiques sont effectivement biaisés, en fin de compte, ils seraient presque négligeables face aux macro-manipulations qu’a orchestrées le gouvernement dans sa tentative de construction de l’image du président du pouvoir d’achat.
Les vrais ressorts de la hausse des niveaux de vie des foyers modestes
Parmi les mesures listées dans la hausse du niveau de vie des ménages des classes moyennes et précaires, certaines sont tronquées et gonflent artificiellement leur aspect social, tandis que d’autres ne sont tout simplement pas dues au gouvernement.
Ci-dessus un graphique illustrant les chiffres de l’Institut des Politiques Publiques (IPP) relatifs à l’impact sur les ménages des mesures économiques prises par le gouvernement entre 2018 et 2020
C’est le cas notamment de l’exonération pour la quasi-totalité des ménages de la taxe d’habitation. Une mesure phare du quinquennat, qui pèse à elle seule pour près de 15,2 milliards dans le calcul des 23 milliards « rendus aux ménages ». Pourtant, bien qu’elle contribue pour la très grande majorité de l’augmentation des revenus des ménages modestes depuis 2018, comme en atteste la courbe orange du graphique de l’IPP ci-dessus, la mesure n’a pas encore été déployée pour les foyers les plus riches. Pourtant à terme, cette mesure aura donc au moins autant participé à l’augmentation du niveau de vie des classes moyennes que des foyers aisés, qui en seront eux-aussi complètement exonérés en 2023, mais n’aura en aucun cas bénéficié aux foyers précaires qui étaient déjà exemptés de taxe d’habitation.
Quant à l’augmentation du niveau de vie des foyers les plus pauvres, du premier décile en particulier, dont le gouvernement se targue d’avoir permis 4% de hausse, sa part la plus importante réside dans des mesures de revalorisations des prestations sociales, notamment de la hausse de la prime d’activité. Une « hausse » qui est cependant à mettre en rapport avec l’inflation sur l’ensemble des biens de première nécessité qui de facto plombe toute soit disant augmentation de « pouvoir d’achat ».
Aussi, il faut d’ailleurs remarquer que cette mesure, déjà présente dans le programme de Macron, a été mise en œuvre de manière accélérée uniquement face à la pression du mouvement des Gilets Jaunes avec 100€ de prime supplémentaire en janvier 2019. Et c’est également le cas pour d’autres mesures qui ont permis de préserver, dans une certaine mesure, le niveau de vie des classes populaires depuis l’élection de Macron. Comme le rappelle Pierre Madec, économiste de l’OFCE, à Libération : « s’il n’y avait pas eu la crise des gilets jaunes, on peut penser que les perdants auraient été plus nombreux : la taxe carbone aurait poursuivi sa trajectoire, les salariés n’auraient pas bénéficié si vite des hausses de prime d’activité, il n’y aurait peut-être pas eu d’annulation des hausses de CSG et de défiscalisation des heures supplémentaires… Les 24 milliards d’euros calculés par le gouvernement ne sont pas tous issus de mesures du programme présidentiel. »
De plus, la quasi-totalité des mesures citées par le rapport dans l’augmentation du niveau de vie des classes populaires, sont en réalité des aides ponctuelles accordées en pleine crise sanitaire (barre orange du graphique), comme la prime exceptionnelle de novembre 2020 pour les bénéficiaires du RSA. Elles constituent l’unique différence qui puissent expliquer l’écart entre le rapport de l’IPP publié en 2020, dans lequel les premiers centiles n’ont vu aucune augmentation de leur niveau de vie, et celui du Trésor, qui les qualifie de grands bénéficiaires des mesures économiques en 2021. Pourtant, toutes ces mesures exceptionnelles ne traduisent pas une augmentation durable du niveau de vie, mais une compensation temporaire et superficielle aux conséquences sociales de la crise. Tandis que les mesures décomptées dans le calcul de l’augmentation du niveau de vie des riches, elles, sont bien réelles et durables.
Des offrandes durables à la bourgeoisie
En effet, en face, on cumule les cadeaux aux foyers les plus aisés. Et en premier lieu, l’autre mesure économique phare du gouvernement se retrouve dans ces deux graphiques : la suppression de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF), qui avait révolté les Gilets Jaunes tandis que les ménages modestes et les services publics subissaient les politiques d’austérité. Une mesure qui ne vise qu’à enrichir les très riches, et largement relativisée par la moyenne faite par le Trésor sur les 10% les plus riches, puisqu’elle ne bénéficie en réalité qu’aux 1% les plus riches dans des proportions faramineuses, comme on peut le voir sur le second graphique grâce au découpage plus fin de l’IPP.
Même chose pour la baisse de l’impôt sur le revenu mis en place en 2020, qui, comme on le voit sur les deux graphiques, n’a un effet notable sur le niveau de vie que pour les 50% des foyers les plus riches, et leur rapportera chaque année.
Mais ce qui est le plus remarquable avec ces graphiques, c’est ce qu’ils cachent des mesures pour les plus riches. Parmi les réformes économiques de Macron, bien au-delà des seuls 24 milliards “rendus aux ménages », il y a eu de nombreux allègements fiscaux et des dizaines de milliards d’euros offerts aux entreprises annuellement, notamment à celles qui font le plus de profits. Ainsi, les entreprises qui font plus de 500 000€ de profit annuel ont vu leur taux d’imposition sur les sociétés passer de 33,33% en 2018 à 25% en 2021. Au total, c’est près de 11 milliards d’euros offerts aux grands patrons et aux actionnaires avec cette simple mesure – évidemment sans contrainte d’embauche ni d’augmentation de salaire -, qui n’est pourtant pas comptés dans les mesures qui profitent aux ménages les plus riches dans le RESF. Tout comme la baisse des impôts de production (CVAE et CFE) à partir de 2021 qui bénéficie aux entreprises à hauteur de 10 milliards par an, comme l’avait annoncé Castex en 2020.
C’est donc plusieurs dizaines de milliards par an de cadeaux aux patrons et aux actionnaires (sans compter les “aides exceptionnelles” qu’ils ont reçu de l’État pendant le Covid), qui rendraient bien ridicules les seuls 24 milliards de mesures économiques pour les ménages s’ils étaient comptabilisés dans le rapport de la direction du Trésor.
Macron, président de la casse sociale
Le gouvernement s’acharne donc à démontrer à 6 mois de la présidentielle, qu’il est le président qui a soutenu les plus précaires, et ce par tous les moyens fallacieux possibles. Des tentatives de manier l’opinion publique qui ne suffiront probablement pas à effacer les cinq ans de réformes anti-sociales qu’il a mis en œuvre. Déjà en 2016, en tant que ministre des Finances sous Hollande, Macron était responsable de la loi Travail, qui a donné encore plus de pouvoir au patronat pour baisser les salaires, les conditions de travail, et supprimer des emplois. Une fois élu, il a réveillé la colère des Gilets Jaunes, puis tenté d’imposer la réforme des retraites, celles de l’assurance chômage en s’attaquant profondément à nos acquis sociaux et aux classes populaires. Et déjà pour 2022, il propose, Macron a déjà annoncé vouloir remettre ses réformes sur la table, et parle de s’attaquer à la semaine de 35h.
Pour défendre les questions sociales, seule la perspective de l’organisation des travailleurs et des classes populaires pourra nous permettre de faire face à l’offensive de la bourgeoisie et du gouvernement, qui continuent de nous faire payer leur crise.
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