JOHNSON, DRAGHI, TRUMP, BOLSONARO, MACRON… CEUX D’EN HAUT NE PEUVENT PLUS ET CEUX D’EN BAS NE VEULENT PLUS

Jacques Chastaing a partagé une publication.

8 h 
JOHNSON, DRAGHI, TRUMP, BOLSONARO, MACRON…
CEUX D’EN HAUT NE PEUVENT PLUS
ET CEUX D’EN BAS NE VEULENT PLUS
Une épidémie semble frapper les grands de ce monde.
Après la démission de Johnson, celle de Draghi. Après la chute de Trump celle annoncée de Bolsonaro. Et puis encore la claque électorale subie par Macron et tellement dans le monde de régimes autoritaires ébranlés ou qui tombent. Aussi, beaucoup se demandent s’il n’y aurait pas un lien souterrain entre tous ces événements.
La réponse ne se trouve pas dans la grande presse bourgeoise qui n’effleure que la surface des chose mais dans un rapport de l’Acled du 30 juin 2022.
Selon ce rapport établi sur la montée des luttes et résistances populaires en France – mais la tendance est la même partout, de l’Inde au Sri Lanka, de l’Equateur au Panama, du Soudan à la résistance populaire ukrainienne – le nombre de luttes a bondi en France métropolitaine de 61 % en 2021 par rapport à 2020, et de 257 % dans les DOM-TOM et la Corse. Les Antilles, la Guyane, la Polynésie, ont connu des grèves générales. Les manifestations se sont poursuivies à des niveaux encore accrus dans les mois précédant l’élection présidentielle d’avril 2022. Ainsi, au cours du premier trimestre de 2022, on enregistre près de la moitié – 45% – du nombre total de manifestations et luttes enregistrés en 2020. C’est-à-dire que si on projette ce taux sur toute l’année 2022, on aura le double de luttes en 2022 qu’en 2021 où déjà la progression avait été de 61% par rapport à 2020 ! Or l’intensité inédite des luttes qu’on peut constater en ce mois de juillet 2022 témoigne qu’on est bien sur cette trajectoire ascendante.
Par ailleurs, en 2021 comparé à 2 020, les manifestations « violentes » (selon les termes du rapport, mais il vaudrait mieux dire « déterminées » ou encore mieux, « conscientes ») ont également augmenté de 1120 % dans les DOM-TOM et en Corse. Depuis le début de l’année 2021, 29 % de toutes les manifestations dans les territoires français d’outre-mer et en Corse — soit 256 événements — sont devenues « violentes ». C’est également dans ces territoires de « violence » que les candidats Nupes ont eu le plus d’élus et ceux de l’extrême droite le moins.
Il n’y a pas eu la même détermination dans l’Hexagone, mais la tendance est la même, juste avec un peu de retard. Les territoires d’Outre-mer ont toujours été un terrain d’expérimentation pour les classes dirigeantes.en matière d’oppression et d’exploitation… et, en retour, de ripostes.
Au quotidien, on ne se rend pas compte de ces tendances profondes parce que notre perception est limitée à notre expérience proche. Et si on agrandit notre perception avec la presse et les réseaux militants, on trouve rarement des éléments et réflexion étayant cette montée ( avec toutefois un léger infléchissement ces dernier mois) mais mais au contraire la reproduction de l’idéologie dominante sur les classes populaires incapables de luttes réellement émancipatrices, qualifiant de fascistes leurs tentatives en ce sens, des gilets Jaunes au mouvement anti-pass. Les directions syndicales ou politiques de gauche ou d’extrême gauche ne cherchent pas à mesurer les taux de conflictualité. Elles laissent ainsi se perpétuer un climat de pessimisme dans les rangs ouvriers rendant difficile l’expression d’une politique indépendante pour la classe ouvrière en mouvement. Or tout le sens général des luttes actuelles est justement la marche de la classe ouvrière vers son indépendance politique. Et c’est ce qui préoccupe la bourgeoisie et agite ses représentants politiques.
La presse bourgeoise nous explique que les chutes de Johnson ou Draghi ont été causées par un scandale sexuel et des querelles sur l’Ukraine, tout en ajoutant que c’est la crainte de perdre les prochaines élections qui ont amené les conservateurs en Grande Bretagne à se débarrasser de Johnson et que l’extrême droite italienne a lâché Draghi. Il y a bien sûr du vrai dans ces manière de voir mais qu’en surface.
Le gouvernement du banquier Draghi – unifiant les forces de la gauche à l’extrême droite- n’était pas menacé par la défection de l’extrême droite. Mais Draghi a choisi la démission et des élections anticipées immédiates parce que les élections législatives prévues normalement au printemps pouvaient amener une longue campagne électorale où les forces politiques bourgeoises aujourd’hui unies pouvaient se déchirer pour des places même si elle sont d’accord sur le fond et paralyser ainsi les violentes attaques anti-sociales promises par les autorités à l’automne et attendues par la bourgeoisie dont les attaques contre le droit de grève et les syndicats de base de cette fin juillet sont un avant-goût avec en opposition, une grève générale et manifestation nationale les 22 et 23 juillet. Comme toutes ses concurrentes, la bourgeoisie italienne est engagée dans une guerre économique mondiale de plus en plus dure, exigeant que l’argent de l’État leur soit réservé et que les travailleurs leur soient soumis.
En choisissant de lancer la campagne électorale maintenant en plein été pour un scrutin en septembre, Draghi amoindrit les possibilités d’expression démocratique qui peuvent profiter à la conscience du prolétariat et libère l’automne pour l’offensive patronale.
Macron n’a lui aussi quasiment pas fait campagne dans les élections présidentielles pour que l’espace démocratique ouvert laisse le moins de place possible au débat et aux prises de conscience. De plus, bien que se présentant comme un rempart à l’extrême droite, il a quasi ouvertement appelé à voter pour les candidats du Rassemblement National au deuxième tour des législatives afin de faire barrage à ceux de la Nupes. Ce n’est pas que les candidats Nupes gagnent qui gênaient la bourgeoisie française – ils savent qu’ils ne la menacent pas réellement – mais qu’au travers de ce succès, la classe ouvrière gagne plus de confiance en elle et par là, d’indépendance politique..
C’est là où est le véritable problème. La bourgeoisie cherche à freiner mais surtout la combattre cette marche de la classe ouvrière vers la conscience politique.
Les frasques sexuelles autour de Johnson ne gênent pas les conservateurs. Ce qui les gêne c’est que la démagogie populiste du Brexit par Johnson afin de détourner les travailleurs des luttes dans des impasses nationalistes, soit en train de faire long feu. La Grande-Bretagne s’enfonce dans une crise encore plus importante qu’ailleurs du fait du Brexit et les luttes sociales reprennent de plus belle cet été additionnées d’une forte défaite électorale des conservateurs dans des élections partielles et des sondages indiquant que les Travaillistes seraient gagnant en cas d’élection. Là aussi, la bourgeoisie ne craint pas les Travaillistes qui dénoncent actuellement les grèves et dont leurs amis à la tête des syndicats émiettent tant qu’ils peuvent la montée ouvrière. Ce qu’ils craignent ce que l’ambiance de scandales et de succès travaillistes aux élections partielles, contribuent à éveiller politiquement la classe ouvrière.
Trump de son côté a aussi tout fait pour minimiser les élections et en cacher leur sens, qui n’était pas tant le succès de Biden, que le succès de la plus grande mobilisation de l’histoire des USA, celle de Black Live Matters. Aussi pour que ne se répande pas cette l’idée, il a prétendu à grand bruit qu’il y avait eu fraude et a aider à la tentative de prise du Capitole jetant un écran de fumée sur la montée populaire et préparant en même temps un embryon de milices fascisantes anti-ouvrières.
Bolsonaro, le clone brésilien de Trump, qui va être battu aux élections par Lula en octobre est déjà en train d’argumenter de la même manière autour de la supposée fraude électorale et de préparer la mobilisation de l’extrême droite. Il ne vise pas vraiment Lula dont on a pu mesurer sa capacité à mener une politique d’austérité dans ses précédents gouvernements, mais à travers lui il veut cacher ce que signifie le succès de la gauche tout en préparant des milices contre la classe ouvrière brésilienne et sud-américaine toute entière, qu’on succès brésilien pourrait encore renforcer, elle qui a déjà ébranlé quelques régimes ces derniers temps et continue à le faire.
Alors oui, les chutes de Johnson, Draghi, Trump et demain Bolsonaro comme la demi défaite de Macron, sont des succès indirects des mobilisations populaires.
Nous pouvons les fêter comme telles, à condition d’en faire des étapes de prise de conscience et de construction d’une politique indépendante pour les classes populaires en lutte actuellement en France et dans le monde.
Jacques Chastaing, 24 juillet 2022.
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