Elections européennes : les partis europhobes ont renoncé à sortir de l’UE

[ad_1] 2019-05-26  Europe solidaire

Le retournement est spectaculaire. Dans la plupart des pays qui s’apprêtent à élire le Parlement européen du 23 au 26 mai, les partis europhobes – de droite ou de gauche – ont renoncé pour ce scrutin à en finir avec l’Union européenne (UE). Si ces formations gardent souvent une ligne eurosceptique, la plupart ont retiré de leur programme l’idée d’organiser un référendum sur l’appartenance de leur pays à l’UE en cas de victoire, à l’image du Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen.

Le changement est certes souvent mal assumé. Mme Le Pen continue de blâmer l’UE de la plus grande partie des maux français, mais celle qui expliquait, durant la campagne présidentielle de 2017, qu’« à peu près 70 % » de son programme n’était pas applicable sans sortir de l’euro, a aujourd’hui clairement abandonné tant l’idée de « Frexit » que celle de changer de monnaie. « Les Français ont montré qu’ils restent attachés à la monnaie unique », justifie le « manifeste » du RN défendant une « Europe des nations ».

 « En attendant le Brexit »

Pour des raisons différentes, l’euroscepticisme de gauche est aussi en recul. La France insoumise (LFI) entretient par exemple un flou volontaire sur l’UE. Alors qu’une partie de sa campagne présidentielle de 2017 s’est faite autour du slogan « L’UE, on la change ou on la quitte », deux ans plus tard cette formule n’est plus de mise. Les stratèges des « insoumis » lui préfèrent désormais la proposition plus floue de « sortie des traités européens ».
Le sujet était sensible pour les partenaires européens de LFI, notamment les Espagnols de Podemos et les Portugais du Bloco. Une divergence que Jean-Luc Mélenchon a longtemps niée mais qu’il a finalement reconnue dans un entretien à la presse européenne publié samedi 11 mai, admettant que ses camarades sont « dans une situation différente de la [sienne] : eux sont derrière les sociaux-démocrates. Ici, c’est nous qui sommes devant ».

Cette évolution des deux faces de l’euroscepticisme français n’a rien d’unique au niveau européen. Le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) avait par exemple d’abord prévu de faire une campagne, cette année, sur le thème du « Dexit » – l’équivalent allemand du Brexit. Après avoir envisagé de le planifier pour 2024, la formation a ensuite renoncé, en janvier, à fixer une échéance.

Depuis, elle a encore reculé : dans le Wahl-O-Mat, l’outil en ligne de l’Agence fédérale pour l’éducation civique qui permet aux électeurs de déterminer leur vote, l’AfD a changé sa position, le 6 mai, quant à la sortie de l’Allemagne de l’UE. Jusque-là, la réponse était « oui ». Depuis, elle est « neutre ».

« Nous ne soutenons plus un référendum [sur une sortie de l’UE], car c’est irréaliste. En ce moment, nos citoyens sont favorables à l’UE. »

En Scandinavie, l’extrême droite suédoise a été la première à annoncer son changement de stratégie. Jimmie Akesson, le patron des Démocrates de Suède, a fait marche arrière dans une tribune publiée le 31 janvier dans le journal Aftonbladet, pour défendre une position « pragmatique » en « attendant l’issue du Brexit ». Le 17 février, c’est au tour du très eurosceptique Parti de gauche de retirer le « Swexit » de son programme.
Idem pour l’extrême droite finlandaise, arrivée en deuxième position aux législatives du 14 avril. « Nous sommes toujours très critiques à l’égard de l’UE, assure Riikka Purra, conseillère politique du parti des Vrais Finlandais. Mais nous ne soutenons plus un référendum, car c’est irréaliste. En ce moment, nos citoyens sont favorables à l’UE. »

 « Le Jobbik brûlait le drapeau européen »

Au Danemark, Kristian Thulesen Dahl, le chef de file du Parti populaire danois, formation de droite souverainiste, explique : « On veut toujours un référendum sur le long terme. Mais il faut d’abord qu’il y ait une alternative, car nous ne souhaitons pas prendre le risque qu’un petit pays comme le Danemark, qui est dépendant de l’accès au marché des autres pays, se retrouve sans accord de libre-échange. »

En Italie, malgré l’arrivée aux affaires d’une coalition eurosceptique, formée de la Ligue (extrême droite) et du Mouvement 5 étoiles (M5S, « antisystème »), l’affrontement avec Bruxelles, implicite dans le contrat de gouvernement signé par les deux formations, reste contenu, et l’idée d’un référendum sur l’euro a été abandonnée.

La tendance a été la même en Autriche, où le parti d’extrême droite FPÖ avait dû signer un accord gouvernemental en 2017 lui interdisant de nuire à l’image proeuropéenne que le chancelier conservateur Sebastian Kurz et le président écologiste Alexander Van der Bellen entendaient donner à l’exécutif. L’explosion de la coalition, samedi 18 mai, n’a pas remis en cause cette tendance.

En Hongrie, le très extrémiste Jobbik ne veut plus sortir de l’UE depuis 2013. « Il y a quelques années, le Jobbik brûlait publiquement le drapeau européen », rappelle pourtant le politologue Zoltan Kiszelly.
Aux Pays-Bas, Geert Wilders, le dirigeant du Parti pour la liberté (PVV), plaidait pour une sortie de son pays de l’UE, mais il ne l’évoque plus qu’à mots couverts.

 « Travailler de l’intérieur »

Cette tendance lourde s’explique bien sûr par le mauvais exemple donné par le Royaume-Uni et le fait que l’UE, bien que fragile, n’a pas été aussi populaire depuis vingt-cinq ans ; 61 % des Européens estiment ainsi que leur appartenance à l’UE est une « bonne chose », selon le dernier Eurobaromètre conduit en février et mars.

En Allemagne, « cette discussion sur le “Dexit” avant les Européennes nous a évidemment affaiblis », a reconnu Alice Weidel, coprésidente du groupe AfD au Bundestag, le 11 mai, alors que son parti s’est tassé à 11 %-12 % dans les sondages.

Le Brexit, « s’il a montré qu’il est extrêmement compliqué de sortir de l’UE, n’explique pas tout », avertit toutefois Yves Bertoncini, président du Mouvement européen en France. Ces retournements ont aussi souvent leurs propres causes nationales : en Grèce, avec Alexis Tsipras qui refuse de quitter l’euro pendant l’été 2015 ; en France, où Marine Le Pen perd le débat présidentiel sur ce point en 2017.

Selon lui, « il y a aussi un contexte géopolitique », avec « Poutine et Trump qui tous deux mettent la pression sur l’UE ». Sans compter la montée des thèmes plus fédérateurs de la lutte contre l’immigration illégale ou le réchauffement climatique, dont les Européens se rendent bien compte qu’ils ne sont abordables qu’au niveau du continent.

S’ils ont renoncé à demander la fin de l’UE, la plupart de ces partis restent malgré tout en réalité profondément souverainistes. « Nous restons dans l’UE, mais nous allons travailler de l’intérieur pour que l’UE décide moins », prévient ainsi M. Dahl, à la tête du Parti populaire danois – lutter « de l’intérieur de la citadelle européenne » pour « rétablir le pouvoir de décision en Suède », abonde Jimmie Akesson.

Pour cela, une partie des formations de droite europhobe essaient de s’allier derrière l’alliance de « L’Europe du bon sens » de Matteo Salvini et de Marine Le Pen. Le programme commun de ces souverainistes reste imprécis, mais il ne fait guère de doute qu’une victoire se traduirait par un profond affaiblissement de l’UE telle qu’on la connaît, pour rétablir une « Europe des nations ».

 « Contre l’euro et toutes ces choses »

Cela serait probablement aussi le cas si les propositions de la gauche radicale étaient suivies. Manon Aubry, la tête de liste de LFI, assure que la stratégie reste celle du « plan A-plan B » :

« Le plan A, c’est renégocier tous ensemble pour tenir les promesses de l’UE. Si ça ne marche pas, le plan B, c’est avancer à plusieurs avec les pays qui le souhaitent et désobéir aux dispositions qui posent problème, comme la règle des 3 % de déficit, le travail détaché, etc. »

Cette rhétorique conduirait mécaniquement à sortir des traités, ou « à demander des dérogations, à l’instar des Britanniques avant leur sortie », plaide un cadre de LFI.

Certains à l’extrême droite, intraitables, continuent de demander le démantèlement de l’UE. C’est le cas du Néerlandais Thierry Baudet, le dirigeant du Forum pour la démocratie (FvD), qui a obtenu trois sièges au Parlement européen selon les estimations sortie des urnes publiées jeudi 23 mai au soir du scrutin dans le pays.

Alors que son principal représentant au Sénat confiait ses doutes, M. Baudet s’est voulu clair : « Je suis idéologiquement contre l’UE, le marché intérieur, les frontières ouvertes, l’euro et toutes ces choses. » En Hongrie, des dissidents du Jobbik regroupés dans le parti Notre patrie sont sur la même ligne, tout comme le parti néonazi slovaque L’SNS de Marian Kotleba, et l’allié tchèque de Marine Le Pen, Tomio Okamura (SPD).

Thomas Wieder , Jérôme Gautheret , Jean-Baptiste Chastand , Jean-Pierre Stroobants , Lucie Soullier , Abel Mestre , Blaise Gauquelin et Anne-Françoise Hivert


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