L’ONG Foodwatch met en cause six marques de la grande distribution qui ont modifié la taille de leurs produits-phares ces dernières années pour ne pas trop augmenter les prix.
Nestlé, Lindt & Sprüngli ou encore Danone ont trouvé la solution pour ne pas trop augmenter les prix en rayons et risquer de faire fuir des clients inquiets pour leur portefeuille : ils réduisent discrètement la quantité, voire la qualité, de certains de leurs produits, dénonce l’association Foodwatch dans une étude reprise par l’émission « Complément d’enquête », diffusée jeudi 1er septembre sur France 2.
Foodwatch met en cause six marques – Kiri, St Hubert, Saint Louis, La Salvetat, Lindt et Teisseire – « qui ont modifié la taille de leurs produits-phares ces dernières années ». L’association, qui « milite pour la transparence dans le secteur agroalimentaire », dénonce la shrinkflation (du verbe anglais to shrink, « rétrécir », traduite en « réduflation »), stratégie commerciale par laquelle, alors que la quantité de produit contenue dans un bien diminue, le prix du bien est stable ou augmente.
“Qui arrive à voir qu’il manque 2g à son Kiri ?”
🔴Ces produits qui rétrécissent en douce et qui gonflent votre ticket de caisse sans que vous vous en rendiez compte.@foodwatch_fr pic.twitter.com/kxJiva0GzS
— Complément d'enquête (@Cdenquete) September 1, 2022
Dans le détail, les boîtes de chocolats Pyrénéens au lait de Lindt ont été amputées de six bouchées, passant de trente à vingt-quatre et réduisant le poids global de 20 %. Alors que le prix au kilo, relevé chez le distributeur Carrefour, a bondi de 30 % depuis 2020, la hausse du prix de la boîte a été limitée à 4 %… Pour se justifier, Lindt France explique que « le prix au kilogramme a augmenté, reflétant la volatilité et la hausse des coûts de [ses] opérations », selon un courrier adressé à Foodwatch. Les coûts de production des industriels ont flambé ces derniers mois (énergie, transport, emballage), comme ceux des matières premières agricoles, par exemple le cacao.
La Salvetat, propriété de Danone, a réduit la taille de ses bouteilles d’eau de 1,25 litre à 1,15 litre en 2020. Finalement, le prix de la bouteille augmente peu (+ 5 %), tandis que le prix au litre a grimpé de 15 % à Intermarché. Foodwatch souligne que la mention « Format généreux comme les gens du Sud » a disparu de l’étiquette.
Sur Twitter, Olivia Grégoire, ministre déléguée au commerce, a réagi, demandant à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) « de mener immédiatement une série de contrôles afin de constater s’il y a des pratiques commerciales trompeuses ».
Le phénomène concernerait 2 % des produits alimentaires vendus en grande surface
Concernant les prix, certains se défaussent sur les grandes surfaces : « Nous ne pouvons que conseiller un prix de vente que le distributeur est libre d’appliquer ou non », écrit le service consommateur de Danone France. Les informations sur l’emballage sont toutefois de leur fait.
En cette période de forte inflation, les clients des supermarchés sont très sensibles aux prix affichés et il peut s’avérer périlleux de trop les augmenter, au risque que le client se tourne vers la concurrence. Réduire les quantités permet de rester « compétitif » tout en préservant les marges, commentait récemment l’analyste financier John Plassard, du gestionnaire de fonds Mirabaud. Selon lui, environ 2 % des produits alimentaires vendus en grande surface pourraient être concernés par la shrinkflation, céréales et tablettes de chocolat en tête.
« C’est une pratique tout à fait légale, à condition d’indiquer le poids du produit de manière claire sur l’emballage pour ne pas tromper le consommateur », explique Guillaume Forbin, avocat spécialisé en droit de la consommation chez Kramer Levin.
Foodwatch regrette « l’opacité » du procédé et réclame une meilleure transparence dans l’information aux consommateurs, par l’intermédiaire d’une pétition. La shrinkflation ne se cantonne pas à la France. De nombreux usagers du réseau social TikTok aux Etats-Unis ont épinglé une tendance à emballer plus de vide dans le même contenant.
Dans son étude, M. Plassard met également le doigt sur un autre phénomène, la cheapflation (de l’anglais cheap, « bon marché »). Il consiste à « remplacer certains produits ou aliments par des substituts (alimentaires ou non) moins chers ». Il donne l’exemple, aux Etats-Unis, d’une crème glacée devenue « dessert glacé », car « on lui a retiré tellement de produits laitiers (…) qu’elle ne peut plus être légalement appelée crème glacée ».
Autre procédé : le spécialiste de la consommation Olivier Dauvers pointe sur son blog l’exemple d’une boîte de nourriture pour bébé de Nestlé, dont la taille a… augmenté, de 400 à 415 grammes. Elle est vendue bien plus cher que le modèle précédent (+ 23 % du prix au kilo). Mais la pilule passe grâce au nouvel emballage vantant un mélange contenant désormais « cinq céréales », un produit supposé de meilleure qualité.
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