Lors d’une interview accordée au Parisien et publiée le 30 mai, le procureur du Parquet de Paris a assuré que les policiers qui auraient fait usage d’une violence illégitime au cours des derniers mois dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre seraient «renvoyés en correctionnelle».
Rémy Heitz a repris le poste du célèbre François Molins au mois de novembre 2018, au tout début de la crise sociale des Gilets jaunes. Six mois après, il souhaite visiblement montrer qu’il n’y aura pas d’impunité pour les membres des forces de l’ordre qui auraient fauté dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre réalisées chaque samedi. Les premiers résultats des enquêtes IGPN et IGGN les plus médiatisées pourraient donc aboutir.
Le procureur assure que ce mouvement social a «considérablement mobilisé [son] parquet» avec, notamment, des weekends au cours desquels il a fallu «réunir jusqu’à 25 magistrats pour faire face à l’afflux de gardes à vue.» Il précise que 2 907 manifestants ont été gardés à vues depuis le mois de novembre 2018, dont 1 304 cas ont donné lieu à un classement sans suite.
Quand le quotidien d’Ile-de-France aborde la question «des dossiers visant les forces de l’ordre», le procureur de Paris se montre intransigeant : «Je veux être très clair : il n’y a aucune volonté de ma part d’éluder ces violences ou de les minimiser. A ce jour, 174 enquêtes ont été ouvertes.» Trois de ces affaires concernent la gendarmerie et donc l’Inspection générale de la gendarmerie nationale et les 171 autres sont traitées par l’Inspection générale de la police nationale. 57 de ces dossiers auraient déjà été clôturés et huit ont déjà justifié l’ouverture d’une information judiciaire à en croire cette interview.
Le procureur assure qu’il ne veut pas «entrer dans les détails», mais il confie que ces dossier concernent notamment «les faits dénoncés par Jérôme Rodrigues le 26 janvier» et «ceux commis dans un restaurant Burger King». Rémy Heitz précise qu’il s’agit notamment des dossier avec les préjudices «les plus lourds», entraînant des «infirmités permanentes» et ajoute que «plusieurs dossiers ont trait à l’usage du lanceur de balle de défense» (LBD40).
Le procureur admet que certains dossiers seront classés sans suite, mais il assure également : «Il y aura aussi des renvois de policiers devant le tribunal correctionnel d’ici la fin de l’année.»
Cette assertion faite par le procureur de Paris peut étonner dans la mesure où il a été récemment annoncé qu’un policier devrait prochainement comparaître aux assises, et pas seulement en correctionnelle, après qu’un militant Sud a perdu l’usage de son œil droit en 2016 dans une manifestation au cours de laquelle il avait été touché par une grenade de désencerclement.
Le procureur vient-il d’envoyer un double message aux policiers ? D’une part, il rappellerait la responsabilité des personnels mis à contribution lors des missions de maintien de l’ordre, mais de l’autre, il leur adresserait une forme d’assurance : les policiers impliqués dans des cas de violence illégitime n’iront pas aux assises, mais seulement en correctionnelle.
Cependant, interrogé par Le Parisien, le procureur de Paris admet qu’«à ce stade, aucun policier ou gendarme n’[avait] été mis en examen.»
Policiers en correctionnelle : «La justice prend une tournure politique», estime un syndicat
« Ils risquent leur vie et se retrouvent au tribunal »
Le représentant syndical défend l’idée d’une mise en place de « magistrats spécialisés pour prendre en compte le contexte sur ces cas d’éventuelles violences illégitimes et disproportionnées ».
Interrogé sur le fait qu’un policier ne serait alors pas un justiciable comme un autre, Grégory Joron accuse le gouvernement : « Aujourd’hui ce n’est plus un justiciable comme un autre, c’est bien cela le problème. Quand on se trompe de dispositif, quand le dispositif n’est pas à la hauteur de l’enjeu, quand mes collègues sont envoyés sans être formés, ni équipés du bon matériel et que, de fait, ils font avec ce qu’ils peuvent et comme ils peuvent, personne ne se pose la question de savoir qui va être le lampiste de l’affaire et se retrouver devant le tribunal. La réponse on l’a aujourd’hui. Ce sont les policiers de terrain qui, sur certaines journées, ont assuré et ont tenu la République à bout de bras. Ces collègues-là, qui ont risqué leur vie, vont se retrouver devant le tribunal correctionnel entre un délinquant de la route et un agresseur sexuel. »
« Je m’interroge sur l’impartialité de la justice »
Pour le syndicaliste, pas de doute, l’interview du procureur de la République est « une réponse à la pression médiatique ». « Je m’interroge très clairement, pas sur l’indépendance de la justice, mais sur son impartialité », accuse-t-il.
Pour autant, Grégory Joron ne demande pas à ce que l’on ferme les yeux sur les éventuels dérapages. « Il y a eu des blessures graves. C’est toujours malheureux. L’échec, il est collectif. Ce n’est pas l’échec d’un seul individu tout seul derrière son LBD. C’est l’échec d’un ministère, d’un dispositif et c’est un échec absolu à chaque fois qu’il y a un blessé de cet ordre-là. »
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