GAGNER ? UNITE ET DEMOCRATIE ! Récit et réflexion sur Flixecourt par A.M.

Par aplutsoc2 le 9 septembre 2024

Récit et réflexions sur Flixecourt, après la rentrée politique de François Ruffin le 31 août, et les marches du 7 septembre.

À la sortie de l’autoroute, l’entrée à Flixecourt est frappante : les bâtiments de briques rouges dans le lointain annoncent la couleur et les corons racontent l’histoire industrielle de ce qui est aujourd’hui une bourgade. À gauche, l’immense usine qui a accueilli des milliers de salariés déploie encore à son fronton le nom des puissants industriels : « SAINT FRÈRES ». Cette entreprise, rachetée par Bernard Arnault, a fini par être liquidée par celui-ci comme nous l’expliquera plus tard François Ruffin. SAINT FRÈRES apparaît comme le stigmate indélébile de l’exploitation capitaliste et de la désindustrialisation. Désormais, il ne reste plus que quelques salariés …

Il y a pourtant là des commerces, des infrastructures communales (piscine, patinoire, belle salle polyvalente au nom évocateur : « le Chiffon Rouge » …). L’autoroute est proche, et il y a bien encore quelques activités … Mais un jeune sur 2 est privé d’emploi et le taux de chômage global est bien au-dessus de la moyenne nationale.

Arrivés sur place, sur le site de l’événement, beaucoup de militant•e•s (dont un bon nombre semble être du coin) en gilets jaunes Picardie Debout « Ils ont l’argent, on a les gens », pour accueillir et orienter vers les parkings. Dans les hauteurs face à nous, l’un des châteaux des frères SAINT domine la ville.

Alors que les foodtrucks sont un peu débordés par l’affluence, il y a là des jeux gonflables pour enfant, l’éternel chamboule-tout pour que petits et grands fassent tomber les ministres ou Marine Le Pen, un « Qui est-ce ? » politique géant et autres amusements…

Plus loin à côté de la buvette, une petite librairie qui vend du Ruffin entre un livre de Louise Michel sur la Commune, une autobiographie de Kollontaï, ou un recueil de textes sur l’éducation de Kroupskaïa.

On trouve aussi évidemment des stands d’organisations, en rang d’oignon : la GDS avec Gérard Filoche, Ensemble!, la Gauche ÉcoSocialiste, l’Après, Génération•s, les Écologistes (qui décidément, semblent de plus en plus se positionner au cœur de la gauche qui veut changer la vie) et évidemment Picardie Debout.

Ce regroupement occasionne des retrouvailles, des discussions entre les présents, et des échanges croisés avec les visiteurs, pas vraiment de concurrence, tout le monde a l’air d’accord : il y apparaît en effet une évidente volonté de lutter en commun, mais aussi, bien souvent, pour ne pas dire tout le temps, de s’organiser ensemble, chacun avec son histoire, ses spécificités, son journal…

Manquent le PCF (présent par ses élus), le PS (qui avait au même moment ses universités d’été), le NPA, PEPS, et évidemment LFI…

En vérité, les organisations politiques présentes sont de celles qui, autour de l’APRÈS, ont toujours défendu l’unité ou s’engagent désormais dans une volonté de regroupement.

Peu de présence syndicale bien que soit notable la présence de l’Union Étudiante et de Sud Commerces.

Deux tables rondes sont proposées.

La plus importante en nombre de participants, sous le grand boulodrome « législatives, leçons des deux fronts », où Nicolas Sansu, député communiste du Cher, et Clémentine Autain, députée de L’APRÈS de Seine-Saint-Denis, échangent sur leur expérience, les réalités communes et les spécificités de leurs territoires, rural pour l’un, de banlieue pour l’autre, avec la contribution de Xavier Vigna, historien, qui évoque notamment la désindustrialisation.

La seconde, « se faire aimer, une gauche populaire », fait aussi le plein, avec entre autres le maire PCF de Dieppe, Nicolas Langlois ; Remi Lefebvre, professeur de Sciences politiques ; Hayat Matboua, AESH et suppléante de Ruffin ; le tout animé par Nora Hamadi de France Culture.

Ces deux forums expriment une véritable volonté de construire des réponses à la crise d’hégémonie du pouvoir en place tout en tirant le bilan des échecs de la gauche historique et de la menace du RN.

Enfin, un « quizz politique de rentrée » est animé par les député•e•s LFI Damien Maudet et Leïla Chaibi (députée européenne), rejoints par la suite par Danièle Simonnet (députée de L’APRÈS).

Au milieu de l’après-midi, la pluie s’invite, et ce n’était pas du tout prévu … On voyait beaucoup de bonne volonté de la part des militantes et des militants de l’organisation, toutefois un peu dépassés par l’ampleur visiblement inhabituelle de l’événement. Finalement, regroupés sous les trop petits barnums ou le hangar du centre technique municipal, les visiteurs sont informés que le meeting qui devait avoir lieu en extérieur est déplacé salle du Chiffon Rouge, et que c’est la fanfare qui donnera le top départ pour s’y rendre.

C’est un peu humides et serrés comme des sardines (tout le monde n’a pas pu entrer : selon le site de la Mairie, la capacité d’accueil est de 440 personnes, le Maire et le Président de Picardie Debout ont eu un mot sur la sécurité, constatant que nous étions largement au-delà de la jauge, ce qui était le cas, sans doute possible …) que nous nous sommes retrouvés pour les prises de parole.

Après Bella Ciao joué par la fanfare, place aux interventions et à un premier constat : le principal temps de ce meeting a été donné à l’expression de militant•e•s, syndicaux, associatifs, travailleurs/euses…

Cela a débuté par une Gilet jaune de Flixecourt et un travailleur des autoroutes, syndicaliste, qui a connu la privatisation, les baisses d’effectifs…

Cela a continué avec Louisa, aide à domicile, en larmes mais pleine de dignité et de fierté de son travail, qui se bat pour ses collègues, mais aussi les usagers, et qui s’inquiète de les retrouver après des congés où les remplacements sont assurés sans formation… Elle a commencé à se battre seule, elle est désormais syndicaliste CNT-SO.

Et puis il y a eu Dylan Ayssi, originaire du 92, il préside « Une Voie Pour Tous », qui se bat pour une réforme du lycée professionnel, contre les injustices du système scolaire, contre l’orientation imposée aux enfants des milieux défavorisés.

Hervé Souprayen, DJ de manif pendant le mouvement des retraites, syndicaliste CGT Cheminots, a, lui, parlé des violences policières, de son ami de Stains qui a pris 7 balles dans le corps de la part de la BAC, de Sarcelles d’où il vient, du colonialisme et des morts Kanaks, du chlordécone et de l’accès à l’eau potable aux Antilles et de la responsabilité de la France…

La dirigeante et les dirigeants du club de foot d’Amiens Sud-Est, relégués sur un terrain loin du quartier où ils vivent, font avec une colère froide, le récit du racisme et du mépris d’un maire qui traite de « mongols » les membres de la nouvelle section handifoot, et qui injurie de « racaille » les joueurs du club, qui coupe l’eau et l’électricité … Récit d’un racisme et d’une haine du quotidien, mais aussi d’un engagement bénévole au grand cœur.

Les interventions des politiques, très brèves, sont celles de Sebastien Jumel, ancien maire de Dieppe, ancien député communiste, qui se place aux côtés des premiers de corvée, de ceux qui ont « tenu le pays à bout de bras » durant le Covid ; de Sébastien Peytavie, député Génération•s, contre le validisme et pour le droit des personnes en situation de handicap ; de Karima Delli, conseillère régionale des Hauts-de-France, ancienne députée européenne écologiste, en défense de la transformation du lycée pro et contre le financement des écoles privées, en soutien à la jeunesse ; de Sophie Taillé-Polian, députée Génération•s, pour la démocratie et le Nouveau Front Populaire face au Patronat … Alexis Corbière est aussi en tribune.

À la suite de ces prises de parole entrecoupées d’animations musicales de Valentin Vander, goguettier, qui, sur l’air de « On lâche rien » ou de « Sans la nommer », chante avec humour le patronat, Macron et ses amis qui refusent de lâcher le pouvoir … C’est le discours de François Ruffin.

Avec certains accents protectionnistes pour dénoncer les délocalisations, et des envolées sur la « France en entier et pas à moitié », la « France des quartiers et des clochers », le député de la Somme semblait s’adresser particulièrement à son électorat (il faut dire qu’il s’agissait de sa rentrée politique …), avec un langage au cœur de sa rhétorique « force tranquille », « France réconciliée ». Au début du meeting d’ailleurs, on avait remarqué des drapeaux tricolores distribués par les militants, souvent tenus par des locaux, à côtés des drapeaux rouges « Picardie Debout » et des pancartes « Gagner ! ».

Plus généralement, l’intervention abordait avec pertinence de nombreux thèmes.

Ainsi, ses mots contre le racisme étaient fermes, tout comme sa dénonciation de 40 ans de libéralisme destructeur.

L’horizon projeté, en n’abordant pas les marches du 7 septembre et la bataille qui s’ouvre, avait d’évidentes faiblesses, mais en se plaçant dans une perspective plus longue, Ruffin appelait à réinvestir les associations, à s’engager dans son milieu, dans le quotidien, et dessinait de façon intéressante la nécessité d’un ancrage social et populaire (celui qu’ont connu villes et campagne lorsque l’éducation populaire et les organisations de masse issues du PCF et du Front populaire étaient partout) pour faire face au macronisme et à l’extrême-droite pied à pied et sans concession. Il pointait, peut-être malgré lui, le besoin de s’organiser par en bas, dans le réel.

La limite du discours était, bien-sûr, de se placer dans la préparation de nouvelles législatives anticipées « dans un an » ou des présidentielles, mais en donnant tout de même des perspectives immédiates : le Front Populaire – c’est lui qui a lancé le mot d’ordre – partout il faut le construire à la base (évoquant au passage, mais rapidement, de construire des « Picardie Debout » partout, corrigé par Peytavie, de son fauteuil roulant : « et Assis ! »), comme outil de lutte.

La parole portée par Ruffin, sa capacité d’agitateur, sa capacité à construire un récit mobilisateur partant de la vie réelle pourraient compter dans les mois qui viennent, s’il ne sombre pas dans la prétention de se substituer au bonapartisme mélenchoniste dans le but de le remplacer.

La création de l’APRÈS, issue de la purge commise par la direction de LFI, et l’attente démocratique de nombreux militants, dont une grande part de présents à Flixecourt, en recherche d’une perspective unitaire et combative, peut en cela être salutaire.

Nous sommes à un tournant : si les militantes et les militants, si les citoyens qui se sont engagés dans la campagne du Nouveau Front Populaire, les syndicalistes, les associatifs, les jeunes et les précaires, posent des cadres démocratiques partout, si celles et ceux qui cherchent à s’organiser se saisissent des brèches ouvertes notamment par la création de L’APRÈS, si les dirigeants nationaux, Ruffin y compris, sont placés en porte voix plutôt qu’imposés comme grands manitous, la victoire est possible. Tous ces « si » peuvent se réaliser rapidement alors que la situation politique se développe rapidement.

GAGNER ! C’était le mot d’ordre partout dans la rentrée politique de Ruffin. 

GAGNER ? Pour gagner, UNITÉ ET DÉMOCRATIE ! Le Front Populaire par en-bas, dans la France des tours et la France des bourgs ! À bas Macron, Le Pen, la Ve République et le présidentialisme ! 

AM.

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