Mali : le pouvoir militaire frappé au cœur

Smoke rises from the international airport that was attacked by insurgents in Bamako, Mali, September 17, 2024, in this screengrab obtained from a social media video. Social Media/via REUTERS THIS IMAGE HAS BEEN SUPPLIED BY A THIRD PARTY. MANDATORY CREDIT. NO RESALES. NO ARCHIVES.

Mali : le pouvoir militaire frappé au cœur après une attaque inédite et spectaculaire

En ciblant la capitale Bamako, les islamistes montrent un pouvoir de nuisance intact face à des autorités militaires qui prétendent avoir réussi à les combattre.

publié aujourd’hui

Des cadavres calcinés au milieu d’un paysage en ruines : des images insoutenables continuaient à être diffusées ce vendredi sur les réseaux sociaux, après l’attaque meurtrière ce mardi 17 septembre qui a saisi Bamako, la capitale, revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), un groupe islamiste affilié à Al-Qaeda. Ce sont souvent les islamistes eux-mêmes qui mettent en ligne ces vidéos macabres, conscients du coup terrible qu’ils viennent de porter à la junte militaire dirigée par le colonel Assimi Goïta, au pouvoir depuis le coup d’Etat de 2020.

29 juil. 2024

Car c’est officiellement pour stopper l’irrésistible dérive sécuritaire du Mali que les militaires ont renversé Ibrahim Boubacar Keïta, le président élu, il y a quatre ans, suivi d’un autre coup d’Etat un an plus tard, qui renforcera leur emprise sur le pouvoir. Lassés d’assister impuissants à l’extension de la crise sécuritaire à travers ce vaste pays, plus de deux fois la taille de la France, les Maliens avaient applaudi l’arrivée au pouvoir des militaires, et la rupture avec la France dont l’opération militaire Barkhane, la plus importante à l’époque dans la région du Sahel, n’a jamais réussi à éradiquer l’hydre islamiste.

Date anniversaire

Mais en frappant pour la première fois au cœur même de Bamako, et à proximité d’installations militaires stratégiques, le GSIM apporte la preuve éclatante que les militaires maliens, désormais au pouvoir, ne font guère mieux. Malgré le soutien de la Russie, et l’appui des mercenaires de l’ex-groupe Wagner. Mardi, au cours d’une double attaque qui aurait duré plusieurs heures, les assaillants du GSIM ont d’abord investi l’école de gendarmerie située à Faladié dans la banlieue de Bamako. Les tirs ont été entendus dans toute la ville, terrorisant les habitants de la capitale. C’est sur ce site désormais réduit en ruines qu’on compterait la majorité des victimes, dont le nombre oscille entre 77 et 81 morts, alors que la junte au pouvoir a d’abord fait état de «quelques pertes en vies humaines».

Dans la foulée, c’est ensuite une base aérienne, jouxtant l’aéroport international de Bamako, pourtant supposée sous haute surveillance, qui est prise d’assaut. Plusieurs avions sont détruits. Notamment ceux affrétés par des ONG dont l’aide reste vitale dans un pays confronté également à une grave crise humanitaire, qui découle de l’insécurité persistante dans le nord et au centre du Mali.

Sur place, les assaillants n’ont par ailleurs pas manqué de mettre le feu au 737 présidentiel, scène abondamment filmée et retransmise sur les réseaux sociaux. Comme pour souligner le camouflet infligé à Assimi Goïta, lequel, deux jours auparavant, s’adressait aux Maliens : «Les succès enregistrés dans le domaine de la défense et de la sécurité sont indéniables», se félicitait-il alors, à l’occasion du premier anniversaire de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), censée consacrer le renforcement de la coopération, notamment sécuritaire, et forcément anti-occidentale, entre le Mali et les deux états voisins, le Burkina Faso et le Niger. Deux pays également dirigés par des juntes militaires, arrivées au pouvoir après un coup d’Etat qui vaut rupture avec les alliés occidentaux traditionnels. Difficile de ne pas supposer que l’attaque spectaculaire du GSIM est liée à cette date anniversaire, comme au discours triomphaliste du dirigeant malien.

«En attaquant l’école de gendarmerie et la base aérienne 101 accolée à l’aéroport, les terroristes ont frappé le cœur du réacteur militaire à Bamako», analyse Mohamed Amara, docteur en sociologie et analyste sécuritaire, cité par France24. «Il n’y a pas de précédent ni en termes d’ampleur ni de vulnérabilité pour le système sécuritaire malien», souligne-t-il.

Echecs sécuritaires minimisés

Jusqu’à présent, les autorités militaires maliennes avaient pu occulter ou minimiser leurs échecs sécuritaires, enregistrés si loin de la capitale, alors même que la censure, voire les menaces frappant les voix critiques, entrave la diffusion des informations. Pourtant, le nombre de décès liés à des attaques terroristes aurait quasi doublé depuis l’arrivée des militaires au pouvoir, passant de 3 500 en 2020-2021 à plus de 6 600 en 2022-2023. Et l’indice global du terrorisme classe en 2024 le Mali à la quatrième position des pays les plus touchés.

Mais tant que Bamako et le cœur du pouvoir étaient épargnés, les attaques meurtrières qui se déroulaient à des milliers de kilomètres de distance n’affectaient pas les autorités en place. Certes, Bamako avait été la cible de plusieurs attentats depuis le début de l’insurrection jihadiste en 2012. Avec notamment, l’attaque, également spectaculaire, de l’hôtel de luxe Radisson Blu en novembre 2015 qui fera 27 morts. Reste que, depuis huit ans, la capitale semblait épargnée par la dérive sécuritaire qui frappe le pays.

Mardi, les assaillants du GSIM ont mis un terme à cette exception. D’autant que parmi les victimes de l’école de gendarmerie, figureraient également des mercenaires russes qui avaient déjà essuyé une lourde défaite en juillet lors d’un affrontement violent contre les rebelles touaregs à Tin Zaouatine, dans le nord du pays, près de la frontière algérienne.

Quel sera l’impact de cette attaque contre des cibles stratégiques au cœur de Bamako ? Difficile à évaluer alors que les Maliens n’ont plus guère de possibilités d’exprimer leurs sentiments. «J’ai eu tellement peur», souligne un rare témoin, mettant également en cause «le relâchement des forces de sécurité». Via WhatsApp, il a réussi ce vendredi 20 septembre à participer, sous couvert d’anonymat, à l’émission Appels sur l’Actualité sur Radio France Internationale (RFI). Une radio dont la diffusion, comme d’autres médias internationaux, a été interrompue au Mali en avril 2022. De leur côté, les autorités maliennes ont organisé une cérémonie funèbre à huis clos et ont ordonné la fermeture de sept marchés à bestiaux, soupçonnés d’avoir permis l’infiltration des assaillants du GSIM dans la capitale. Dans l’immédiat, aucune remise en cause de la stratégie suivie ne semble à l’ordre du jour.

Ce champ est nécessaire.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*