« La France est le seul pays en Europe à avoir vu son taux de pauvreté fortement augmenter de 2015 à 2023 »

Euro bills flying over tropical beach (Tax havens)

Tribune

Le pouvoir d’achat des Français a suivi celui des Allemands, mais la partie de la population la plus fragile a fortement cru, ce qui justifie une politique d’augmentation du pouvoir d’achat en faveur de cette catégorie, explique l’économiste Pierre-André Buigues, dans une tribune au « Monde ».

Publié hier 

Comment expliquer ce débat politique passionné autour du pouvoir d’achat en France ? La France, par rapport aux autres pays de l’Union européenne et en particulier à l’Allemagne, connaît-elle vraiment une crise du pouvoir d’achat ? Quelle a été l’évolution du pouvoir d’achat des Français par rapport aux Allemands ? Peut-on expliquer cette colère autour du pouvoir d’achat en s’intéressant aux populations les plus vulnérables ?

Selon la définition de l’Insee, « le pouvoir d’achat correspond au volume de biens et services qu’un revenu permet d’acheter ». La question, si on fait des comparaisons internationales, est de savoir si les Français peuvent acheter la même quantité de biens et de services que les Allemands avec le même revenu. Les offices statistiques Eurostat ou l’Insee utilisent une unité monétaire artificielle, le standard de pouvoir d’achat (SPA), qui gomme les différences de prix entre pays. Un SPA permet de se procurer la même quantité de biens et de services dans tous les pays.

Le pouvoir d’achat des Français est moins élevé que celui des Allemands, mais supérieur à celui des Espagnols ou des Italiens. En 2022, le pouvoir d’achat moyen d’un Français était de 24 900 SPA, soit 24,5 % plus que les Espagnols et 7,8 % de plus que les Italiens, mais moins que les Allemands. Celui des Allemands se situait 10 % au-dessus des Français.

Taux de pauvreté

Mais qu’en est-il de l’évolution du pouvoir d’achat des Français par rapport aux Allemands ? Est-ce que nous avons perdu en pouvoir d’achat par rapport à nos voisins d’outre-Rhin, ce qui expliquerait la montée des colères en France ?

Entre 2015 et 2022, l’évolution du pouvoir d’achat dans l’Hexagone est comparable à celle des Allemands sur cette période qui couvre la crise du Covid et le premier quinquennat de Macron. L’augmentation du pouvoir d’achat est de 20 % dans les deux pays. En ce qui concerne 2023 et les années suivantes, la Banque de France précise que « le pouvoir d’achat par habitant progresserait en moyenne de 0,6 % en 2023, de 0,7 % en 2024 et de 0,5 % en 2025, grâce au rétablissement des salaires réels ».

N’y aurait-il donc pas de problème de pouvoir d’achat en France, ou en tout cas pas plus qu’en Allemagne ?


La pauvreté et les inégalités se stabilisent, à leur plus haut niveau des dix dernières années

 

Le niveau de vie des Français a résisté en 2022, malgré la forte inflation. Le taux de pauvreté, celui de privation matérielle et sociale ainsi que les inégalités, qui avaient fortement progressé en 2021, n’ont pas diminué.

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Publié le 11 juillet 2024

Quel a été le niveau de vie des Français en 2022, année marquée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie ? « L’inflation a connu une forte hausse, de 5,2 %, mais le revenu disponible a progressé quasiment au même rythme », répond Michel Duée, chef du département des ressources et des conditions de vie des ménages de l’Insee, qui a publié ses données, jeudi 11 juillet. Le niveau de vie médian est ainsi resté quasi constant (– 0,1 %), pour s’établir à 2 028 euros par mois pour une personne seule.

Quant à la pauvreté et aux inégalités, « elles avaient progressé en 2021, et sont restées élevées en 2022, s’inscrivant parmi les plus hauts niveaux enregistrés depuis 2010, résume Michel Duée. La tendance est la même concernant le taux de privation matérielle et sociale. »

Ainsi, 9,1 millions de personnes vivaient, en 2022, au-dessous du seuil de pauvreté monétaire, fixé à 1 216 euros par mois pour une personne seule, soit 60 % du revenu médian. Elles n’ont jamais été aussi nombreuses depuis 1996. Le taux de pauvreté a, lui, atteint 14,4 %, presque au niveau des records de la période (14,5 %, atteints en 2018 et 2021). L’emploi ne suffit pas à protéger, puisque 7,7 % de ceux qui travaillent sont en situation de pauvreté – ils sont même 18,3 % parmi les indépendants (+ 3,7 points). Les ménages les plus exposés sont les familles nombreuses (24,6 % d’entre elles) et surtout les familles monoparentales (31,4 %), même si le taux de pauvreté de ces dernières recule, du fait d’une revalorisation des aides dont elles bénéficient.

Les inégalités sont demeurées très proches de leur plus haut historique : en 2022, les 20 % les plus aisés ont perçu 4,4 fois plus de revenus que les 20 % les plus modestes. Seules les années 2011, 2012 et 2021 ont été marquées par des écarts un peu supérieurs.

Difficultés de paiement des loyers contenues

Toujours selon l’Insee, le taux de privation matérielle et sociale a, quant à lui, progressé de 0,2 point début 2023, pour atteindre 13,1 %, son niveau le plus élevé en dix ans. Cet indicateur repère les personnes qui n’arrivent pas à faire face à au moins cinq dépenses de la vie courante, parmi treize. La part de celles qui n’ont pas pu manger de la viande, du poisson ou un équivalent végétarien tous les deux jours a progressé de 3 points en un an (à 12,3 %), tandis que celle des personnes qui n’ont pas pu chauffer suffisamment leur logement a augmenté de 2 points (à 11,7 %). Les difficultés de paiement des loyers ont, en revanche, été contenues, la hausse des loyers ayant été limitée en dessous de l’inflation par le gouvernement. Une autre difficulté diminue : l’impossibilité de faire face à une dépense imprévue de 1 000 euros – ce qui s’explique largement par le fait que les revenus ont augmenté avec l’inflation.

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