Conseil constitutionnel : les Sages s’en mettent plein les poches

Paris, France, 14-02-2024 : former French Prime Minister Laurent Fabius during the national tribute to Robert Babinter, on Place Vendôme.

Nos confrères de Challenges tapent de nouveau dans la fourmilière. Alors que l’État demande aux citoyens de se serrer la ceinture, les membres du Conseil constitutionnel, surnommés les « Sages », continuent de toucher des rémunérations exorbitantes, et… sans base légale !

Par Axelle KerModifié le 10 janvier 2025 

Nos confrères se sont en effet fait le relais d’un rapport de l’Assemblée nationale, rapporté par la députée La France Insoumise Marianne Maximi, dans le cadre de la Commission des Finances, de l’Économie générale et du Contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2025, publié en octobre 2024.

15 000 euros par membre du Conseil constitutionnel

Comme le relaye Challenges, les neuf membres du Conseil constitutionnel perçoivent environ 15 000 euros bruts par mois, ce qui équivaut à un dépassement de 8 500 euros du salaire prévu par l’ordonnance organique en vigueur. Une situation qui a provoqué l’ire de la députée Marianne Maximi, qui dénonce une rémunération qui : « ne respecte pas les règles fixées par le législateur organique », autrement dit, qui est illégale.

Ce n’est pas la première fois que le montant des rémunérations des membres du Conseil constitutionnel, ou plutôt leur absence de base légale, est pointé du doigt par les médias. L’ordonnance organique en question remonte à 2001, lorsque Florence Parly, alors secrétaire d’État au budget, a adressé une lettre autorisant cette augmentation afin de compenser la suppression d’un avantage fiscal pour les Sages… Petit hic : cette lettre n’a jamais été rendue publique, et rien ne garantit qu’elle ait une valeur légale. Résultat : les Sages continuent de s’empiffrer, sans que l’on sache vraiment à quoi cette institution s’affaire la journée, sauf lorsqu’elle recadre les Français, en leur imposant sa vision du droit, souvent, contre l’avis général, en témoigne la loi immigration , ou encore la préférence nationale, jugée anticonstitutionnelle par les Sages.

Une avarice sans complexe 

Un autre point soulevé par Challenges concerne les indemnités touchées par les anciens présidents de la République siégeant de droit au Conseil constitutionnel à vie, ceux que l’on appelle les « membres de droit » (refusé par Nicolas Sarkozy et François Hollande). Valéry Giscard d’Estaing, dernier ancien président à avoir accepté cette fonction, aurait perçu 165 992 euros en 2020 pour un seul acte de présence, c’est-à-dire à une réunion… à l’âge de 94 ans ! L’année précédente, il avait empoché 179 991 euros pour cinq réunions seulement, soit plus de 35 000 euros par acte de présence… tout cela aux frais du contribuable, bien sûr !

Qu’est-ce qui justifie de telles sommes ? On peut d’autant plus se poser la question que les membres du Conseil constitutionnel ne sont aucunement étrangers aux affaires publiques. Ils cumulent tous des mandats. Laurent Fabius, par exemple, 79 ans, une des principales figures socialistes françaises, a été par quatre fois ministre, une fois Premier ministre, maire, député, président de l’Assemblée nationale… et il est depuis 2016, président du Conseil constitutionnel. René Dosière, président de l’Observatoire de l’éthique publique, fustige ces pratiques qu’il qualifie de « véritable aberration » et rappelle que les membres du Conseil constitutionnel continuent de cumuler leurs pensions de retraite avec leurs indemnités, sans aucun plafond. Et comme si cela n’était pas suffisant, et le souligne Challenges,  contrairement aux magistrats judiciaires et administratifs, les Sages ne sont pas soumis aux obligations de déclaration de patrimoine et d’intérêts. 

Un budget des institutions

Le rapport de l’Assemblée nationale examine également le budget global des pouvoirs publics pour 2024 et 2025. Voici les dotations prévues pour chaque institution et leur évolution  :

Institution Dotation 2024 (en millions d’euros) Dotation 2025 (en millions d’euros) Variation (%)
Présidence de la République 123 126 +3 %
Assemblée nationale 608 618 +2 %
Sénat 353 359 +2 %
Conseil constitutionnel 18 17 – 6 %
Cour de justice de la République 1 1 0 %
Total des pouvoirs publics 1 138 1 157 +2 %

On peut noter une baisse de 6 % du budget alloué au Conseil constitutionnel pour l’année 2025, mais celui-ci s’élève tout de même à 17 millions d’euros pour cette seule année. Un montant particulièrement élevé, d’autant plus que l’on ne connaît pas les besoins réels de cette institution.

Des réformes toujours enterrées

L’opacité des rémunérations du Conseil constitutionnel aurait pu être réglée en 2021, lorsque la députée Cécile Untermaier avait fait une proposition de loi visant à encadrer cesdites rémunérations. Mais celle-ci est restée lettre morte. Aucun gouvernement, depuis, n’a osé s’attaquer à ce tabou, alors qu’il est demandé aux Français de se serrer la ceinture. Après tout, « la collecte de l’impôt consiste à plumer l’oie sans qu’elle crie », disait Colbert.

Quoi qu’il en soit, le Conseil constitutionnel changera bientôt de président, le mandat de Laurent Fabius étant prévu pour s’achever d’ici à mars 2025. Celui-ci a tenu à donner son conseil de « sage » au président Emmanuel Macron, lors de la cérémonie des vœux à l’Élysée, le 8 janvier 2025 : « Avec d’autres, j’ai depuis longtemps appelé l’attention sur ce qu’il était convenu d’appeler un malaise démocratique français » (…) « Ce n’est pas parce que certaines pratiques institutionnelles sont contestées, voire contestables, qu’on doit mettre en cause les institutions elles-mêmes. » « La stabilité n’est pas le contraire du mouvement, mais la condition de sa possibilité. », a-t-il conclu.

Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin.


« 165 992 euros la réunion » : les rémunérations astronomiques et opaques du Conseil constitutionnel

Les Sages de l’institution gardienne de la Constitution perçoivent une rémunération qui n’a aucune base légale, dénonce un rapport de la députée LFI Marianne Maximi dans lequel elle révèle l’indemnité astronomique versée à l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing lorsqu’il siégeait au Conseil.

Laurent Fabius, l'actuel président du Conseil constitutionnel

C’est un rapport de 80 pages passé sous silence, publié en catimini sur le site de l’Assemblée nationale, le 17 décembre dernier. Il contient pourtant des informations inédites sur le Conseil constitutionnel. Réalisé par Marianne Maximi, députée LFI – rapporteure spéciale des crédits « Pouvoirs Publics » – il détaille les fonds affectés aux grandes institutions de la République dans le budget 2025 (rejeté par l’Assemblée mais à nouveau examiné par le Sénat, à partir du 15 janvier), fixés à 1,13 milliard d’euros. L’Assemblée nationale recevrait 608 millions, le Sénat 353 millions, l’Elysée 123 millions et le Conseil constitutionnel 17 millions. Mais la parlementaire s’attache aussi à évaluer la gestion et l’exécution du budget de ces institutions.

Et c’est au Conseil constitutionnel, présidé par Laurent Fabius – le 8 janvier ce dernier a mis en garde le Président sur le risque d’une « véritable crise démocratique » – qu’elle a déniché les pratiques les plus étranges, notamment sur les rémunérations. Le premier poste de dépenses de l’institution du Palais Royal porte sur les charges de personnel (9,8 millions prévus en 2025) dont 2,16 millions pour les neuf Sages (Alain Juppé, Jacques Mézard, Jacqueline Gourault…). « Une rémunération opaque », dénonce Marianne Maximi. Elle souligne, en effet, que les Sages perçoivent « dans la pratique environ 15 000 euros bruts par mois, ce qui ne respecte pas les règles de rémunération fixées par le législateur organique. » En clair, ce revenu n’a aucune base légale, une aberration pour ces gardiens de notre Constitution.

Un tour de passe-passe juridique

La députée pointe « une différence de près de 8 500 euros entre ce que prévoit l’ordonnance organique et la réalité de la rémunération ». L’explication ? Par une lettre de mars 2001 de la secrétaire d’Etat au budget, à cette époque Florence Parly, communiquée à la rapporteure mais qui n’a jamais été publiée, le Conseil a pu augmenter la rémunération des Sages afin de compenser la fin d’un étonnant avantage fiscal dont ils bénéficiaient : une partie de leur indemnité était exonérée d’impôts. Pour mettre fin à cette situation ubuesque, une députée socialiste, Cécile Untermaier, avait présenté, en février 2021, une proposition de loi visant à donner une base légale à cette rémunération soulignant « qu’aucune disposition n’autorise le gouvernement à verser une indemnité secrète ». Une proposition restée lettre morte.
Dans son rapport, Marianne Maximi s’intéresse aussi aux rémunérations particulières des membres de droit du Conseil, les anciens présidents de la République. Valéry Giscard d’Estaing (VGE) est le dernier membre de droit à avoir siégé – il est décédé le 2 décembre 2020 – , Nicolas Sarkozy et François Hollande ayant décidé de ne pas siéger au Conseil. Selon les réponses communiquées par l’institution à un questionnaire de la députée, VGE a perçu 179 991 euros bruts en 2019 pour seulement 5 présences en réunion, soit l’équivalent de près de 36 000 euros par réunion. Et en 2020, l’ancien président a perçu la somme astronomique de 165 992 euros bruts pour une seule présence en réunion !

Le remplacement de Laurent Fabius prévu début mars

Ces rémunérations aberrantes irritent au plus haut point René Dosière, ex-député et président de l’Observatoire de l’Ethique Publique, dont l’un des membres, l’universitaire Élina Lemaire, avait révélé, il y a trois ans, l’illégalité de la rémunération des membres du Conseil Constitutionnel. D’autant que les Sages continuent de percevoir, en plus de leurs indemnités le montant de leurs retraites et sans aucun plafond, contrairement aux présidents des Autorités administratives indépendantes. « Ils échappent aussi aux obligations déontologiques, les déclarations de patrimoine et d’intérêts, auxquelles sont tenus tous les hauts magistrats judiciaires et administratifs. Un comble », déplore Dosière. Reste à savoir si ce sujet tabou sera abordé lors du prochain renouvellement du tiers des membres du Conseil, et de son président Laurent Fabius, début mars 2025. Pas sûr…

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