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Cavaliers de l’Apocalypse:
Tribune
Par Jacqueline Dérens, ancienne militante contre l’apartheid, autrice.
Dans la biographie d’Elon Musk écrite par Walter Isaac, on apprend que son père était un raciste convaincu : « Sans les Blancs, les Noirs seraient encore dans les arbres » ou « je n’ai rien contre les Noirs, mais ils ne sont tout simplement pas comme moi. » Ce père haï a aussi un lourd passif d’agresseur sexuel. Quant au grand-père maternel d’Elon Musk, il a quitté son Canada natal pour s’installer en 1950 en Afrique du Sud, qui avait adopté et légalisé sa politique d’apartheid en 1948, parce qu’il pensait que le Canada à l’époque était devenu « trop mou ».
Le jeune Elon fut envoyé dans une école pour Blancs où les jeunes élèves étaient éduqués « à la dure », où il fut constamment harcelé par ses camarades. Cet environnement toxique lui a permis, selon son biographe, de se poser en « victime », ce qui lui aurait donné une énergie incroyable pour le surmonter.
Un compagnon de route de Musk, Peter Thiel, un des grands patrons de la Silicon Valley, a lui aussi grandi en Afrique australe, d’abord en Namibie, puis en Afrique du Sud. Les parents de Peter Thiel, originaires de Francfort, ont émigré en Namibie (alors Sud-Ouest africain) en 1960 et, selon le biographe de Thiel, son père, un patron de mines, aurait choisi de participer aux travaux d’extraction d’uranium de Rössing, près de Swakopmund, un projet clandestin pour fournir à l’Afrique du Sud l’uranium nécessaire à son projet d’armement nucléaire.
Swakopmund avait aussi été un camp d’extermination des peuples herero et nama en 1904, un des premiers génocides du XXe siècle. Le jeune Peter est envoyé dans une école pour Blancs en Afrique du Sud, puis ses parents partent pour les États-Unis. Peter Thiel fait ses études à l’université de Stanford, où il devient un ardent défenseur du système d’apartheid face à ses camarades qui condamnaient ce régime. Pour lui « le système fonctionnait bien » et, en 1987, il écrivait dans une revue étudiante que « la culture occidentale est en danger ». Et quand une étudiante a été violée, il a pris parti pour le violeur car la victime n’avait pas vraiment résisté.
Le troisième homme est David Sacks, né en 1972 au Cap. Sa famille a émigré quand il avait 5 ans, pour s’installer dans l’État du Tennessee. En juillet 2004, il déclarait à la Convention nationale du Parti républicain : « Je suis Davis Sacks, un immigrant légal qui a travaillé dur pour atteindre le rêve américain. Je suis inquiet parce qu’il n’y aura plus de telles opportunités pour les générations futures », et de plaider pour un homme fort comme Trump pour rétablir l’ordre et la loi. Avec son compère Peter Thiel, ils ont publié en 1995 un livre qui faisait d’eux, hommes blancs conservateurs, les victimes d’une politique d’égalité raciale.
Tous trois ont uni leurs talents pour lancer la plateforme de paiement Paypal, qui au début n’employait ni femmes, ni Noirs, reflet de leur aversion commune pour le multiculturalisme. Pour consolider les finances de PayPal, les trois associés ont fait appel à Roelof Botha, diplômé de l’université de Cape Town, qui n’est personne d’autre que le petit-fils de Pik Botha, l’ancien ministre des Affaires étrangères du dernier gouvernement du régime d’apartheid. Roelof Botha est aussi associé à Sequoia Capital, une société américaine spécialisée dans le financement d’entreprises innovantes, et affirme ne pas avoir de « point de vue politique ». Les trois premiers s’affirment, eux, comme les partisans résolus d’une nouvelle droite réactionnaire, à laquelle ils offrent un soutien financier sans limite.
Ces quatre hommes sont bien décidés à mettre leur argent, leurs convictions anti-woke, au service de Donald Trump. Pour diffuser leur vision d’un « monde nouveau », ils peuvent encore compter sur le renfort d’un journaliste natif d’Afrique du Sud, Joel Pollak, qui a fait la promotion du livre de Steve Bannon, lequel vient tout juste de sortir de prison pour avoir refusé de coopérer à l’enquête parlementaire concernant l’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021.
Ces n’ont rien oublié de leur éducation sous le régime de l’apartheid ; en plus, ils ont beaucoup d’argent et les moyens d’influencer l’opinion publique.
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