L’attaque du M23 et de ses alliés rwandais sur Goma a provoqué deux réunions en urgence du Conseil de sécurité des Nations unies et des réunions des instances africaines et de pays européens. L’ONU, les États-Unis, la Chine et l’Union européenne ont appelé Kigali à retirer ses forces de la région et cesser les hostilités. L’Union africaine a appelé au « plein respect » de « l’intégrité territoriale de la RDC », sans mentionner le Rwanda. Un sommet extraordinaire de la Communauté des États d’Afrique de l’Est doit s’ouvrir ce mercredi sur la crise au Nord-Kivu, auquel le président Tshisekedi « n’a pas prévu » de participer.
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William Ruto avait rencontré hier mardi Amina J. Mohammed, la secrétaire générale adjointe des Nations unies. La veille, c’est avec le président français Emmanuel Macron et le nouveau secrétaire d’État américain, Marco Rubio, qu’il s’entretenait au téléphone. Sur X, William Ruto assure avoir reçu le soutien de chacun « dans ses efforts pour la stabilité régionale ».
Le processus de Nairobi, lancé par son prédécesseur, le président Uhuru Kenyatta, est une coquille vide depuis près d’un an. Les relations entre William Ruto et Félix Tshisekedi se sont rapidement dégradées, souligne Gaëlle Laleix, notre correspondante à Nairobi, Kinshasa soupçonnant Nairobi d’avoir pris le parti de Kigali. Mais « le contexte a changé », explique Hassan Khannenje, directeur de l’Institut international sur la Corne. « La déroute des forces de la SADC sur le terrain et l’échec des discussions de Luanda, laissent Félix Tshisekedi à court d’options », poursuit-il.
Selon une source diplomatique, en appelant la SADC, l’Union africaine et d’autres acteurs à prendre part à cette initiative, William Ruto ferait preuve cette fois d’humilité. « Il reconnait au moins la complexité de cette crise dont les retombées vont bien au-delà de l’Afrique de l’Est », poursuit-il.
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Nouvelle réunion d’urgence du Conseil de sécurité, la Chine hausse le ton
Depuis le premier Conseil de sécurité sur les affrontements autour de Goma dimanche 26 janvier, les voix se sont faites plus nombreuses pour demander au Rwanda de lâcher les miliciens du M23. L’ambassadeur chinois a, pour la première fois, été explicite. Fu Cong a appelé le Rwanda à entendre les demandes qui se multiplient de ne plus soutenir le groupe armé M23, engagé dans des combats contre l’armée congolaise dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). « La Chine exige que le M23 cesse toute hostilité et batte en retraite de Goma et des autres zones occupées. La Chine espère que le Rwanda entendra l’appel de pays africains et du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, il faut cesser de soutenir le M23 d’un point de vue militaire et il faut procéder à un retrait immédiat de toutes les forces militaires du territoire de la RDC. »
Seuls la Russie et les trois pays africains du Conseil – Algérie, Somalie et Sierra Leone, ainsi que leur allié le Guyana, se sont refusé à désigner Kigali comme responsable. Selon des observateurs, ils attendent la position officielle de l’Union africaine.
Or, cette prise de position ne devrait pas avoir d’influence sur ce qui se passe à New York, selon la cheffe de la diplomatie congolaise, Thérèse Kayikwamba Wagner. « Jusqu’à quand le Rwanda continuera-t-il d’abuser votre respect ? Quel instrument international doit-il encore violer pour que ce Conseil prenne enfin les mesures nécessaires contre Kigali ? Laisser cette crise s’enliser sous prétexte qu’elle serait un problème africain, nécessitant une solution africaine, revient à trahir l’esprit de solidarité internationale qui fonde cette organisation. » Kinshasa exige le retrait immédiat des forces rwandaises, la prise de sanctions contre les cadres de l’armée et du gouvernement rwandais, un embargo sur le coltan et l’or rwandais et la transparence autour des transferts d’armes au Rwanda.
Les forces de défense rwandaises et leurs supplétifs du M23 ont franchi nos frontières, occupé nos villes et nos villages, chassé nos compatriotes de leurs foyers et instauré une administration parallèle en violation du droit international. Et ce, en violation des positions claires de ce Conseil. Jusqu’à quand le Rwanda continuera-t-il d’abuser de votre respect et de votre autorité ? Quel instrument international doit-il encore violer pour que ce Conseil prenne enfin les mesures nécessaires contre Kigali ? De la Charte des Nations Unies au droit international humanitaire aux droits de l’homme, en passant par les processus de paix de Luanda et de Nairobi, le Rwanda a prouvé que vos déclarations ne lui importent guère. Le Rwanda a frappé l’Afrique et l’Amérique latine en tuant des militaires sud-africains. Malawites et Uruguayens venus protéger les civils. Il a frappé ce Conseil en tuant des casques bleus de la Monusco. À quel seuil de catastrophe humanitaire et de violation flagrante de notre territoire devrez-vous enfin agir pour sanctionner les responsables du M23, les officiers rwandais et leurs complices ? Laisser cette crise s’enliser sous prétexte qu’elle serait un problème africain nécessitant une solution africaine revient à trahir l’esprit de solidarité internationale qui font de cette organisation.
Carrie Nooten
Une responsable de la mission onusienne, la Monusco, a décrit une situation sécuritaire qui se dégrade : des cadavres jonchent les rues de Goma, et les installations de la Croix Rouge internationale sont débordées. Elle a mis en garde contre les risques d’attaques sur des bases « ethniques » dans l’est de la RDC.
De son côté, la Commission européenne a annoncé une aide humanitaire d’urgence de 60 millions d’euros en faveur des populations déplacées dans l’est de la RDC.
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Marco Rubio appelle Paul Kagame qui salue une « conversation productive »
Le président rwandais Paul Kagame salué, ce mercredi, une « conversation productive » avec le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio sur la « nécessité d’assurer un cessez-le-feu dans l’est de la RDC et de s’attaquer aux causes profondes du conflit une fois pour toutes ». Le nouveau secrétaire d’État américain a, lors d’un appel avec le président rwandais, « exhorté à un cessez-le-feu immédiat dans la région et à ce que toutes les parties respectent l’intégrité territoriale souveraine » de la RDC, a indiqué le département d’État dans un communiqué. Les États-Unis sont « profondément troublés par l’escalade du conflit en cours dans l’est de la RDC, en particulier par la chute de Goma aux mains du groupe armé M23 soutenu par le Rwanda », ajoute le communiqué.
Paul Kagame souligne « l’importance d’approfondir » les « liens bilatéraux sur la base du respect de nos intérêts nationaux respectifs. Je me réjouis de travailler avec l’administration Trump pour créer la prospérité et la sécurité que les populations de notre région méritent », a-t-il ajouté.
Pour rappel, le chef de la diplomatie américaine s’était entretenu lundi avec le président de la RDC, Félix Tshisekedi, condamnant l’assaut sur Goma du M23. Les États-Unis ont appelé mardi leurs ressortissants à quitter la République démocratique du Congo, quelques heures après que leur ambassade et plusieurs autres représentations étrangères à Kinshasa ont été prises pour cible par des manifestants.
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Bruxelles déconseille tout voyage en RDC et demande aux Belges présents à Goma de « quitter la zone »
La Belgique déconseille tout voyage vers la République démocratique du Congo (RDC) pour des raisons de sécurité, a annoncé mercredi le ministère belge des Affaires étrangères, au lendemain des manifestations ayant pris pour cibles plusieurs ambassades à Kinshasa. « Les conseils aux voyageurs ont été adaptés en réponse aux récents développements dans le pays qui pourraient avoir un impact sur la sécurité des Belges sur place », écrit le ministère dans un communiqué.
Il souligne que des manifestations pouvant « rapidement dégénérer en violences » sont encore annoncées pour les prochains jours. Et « bien qu’elle ne soit généralement pas visée lors de ces incidents, la communauté expatriée est susceptible d’être touchée ». Dès lors « il est conseillé aux Belges qui souhaitent se rendre en République démocratique du Congo de reporter leur voyage ».
Mardi soir, la compagnie aérienne Brussels Airlines avait annoncé annuler ce mercredi son aller et retour quotidien Bruxelles-Kinshasa.
Concernant Goma, grande ville de l’est de la RDC en grande partie occupée par les combattants du M23 et l’armée rwandaise, les Belges actuellement présents doivent partir, dans la mesure du possible. Ces Belges – encore au nombre d’une trentaine – « sont invités à quitter la zone par leurs propres moyens tant que c’est encore possible, s’ils jugent qu’il est sûr de le faire, ou de rester dans un endroit sûr », a précisé mercredi le ministère des Affaires étrangères.
Kigali assure ne pas craindre de sanctions
Selon Alain Mukuralinda, porte-parole adjoint du gouvernement rwandais, les autorités de Kigali ne craignent pas les sanctions internationales.
Tant que le Rwanda pourra, au niveau diplomatique et dans d’autres forums, expliquer, à commencer par le Conseil de sécurité, expliquer ce qui se passe réellement, quel est le problème ? Le Rwanda n’a pas à avoir peur à subir des sanctions… Je ne vois pas pourquoi le Rwanda devrait subir des sanctions. Et sauf si on considère que la RDC et son gouvernement n’ont aucune responsabilité dans ce qui se passe. Et aujourd’hui, c’est comme ça que ce gouvernement se comporte, c’est comme si toutes les responsabilités sont sur le Rwanda et les autres. Eux sont des saints. Est-ce que prendre des sanctions, cela va résoudre réellement les problèmes de ce qui se passe là-bas ? C’est une façon de d’utiliser peut-être la force où la persuasion, mais sans avoir réellement discuté et résolu les problèmes qui se posent.
Alain Mukuralinda, porte-parole gouvernement rwandais répond à la communauté internationale –
Des initiatives bilatérales : l’Allemagne suspend sa coopération avec Kigali
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Hier mardi, l’Allemagne a fait savoir qu’elle a mis sur pause des discussions sur son aide au développement avec le Rwanda, en exigeant la « fin de l’escalade » et « le retrait » du M23 de l’est de la RDC. L’Allemagne a décidé d’annuler des consultations gouvernementales prévues pour février avec le Rwanda, sans préciser quels étaient les participants. Le ministère du Développement allemand a par ailleurs déclaré se concerter avec d’autres donateurs sur les conséquences à tirer, rapporte notre correspondant à Berlin, Pascal Thibaut. Lors de négociations bilatérales à l’automne 2022, Berlin s’était engagée à verser une aide au développement de près de 100 millions d’euros au Rwanda entre 2022 et 2024.
Le ministère des Affaires étrangères a qualifié la poussée du M23 dans Goma de « violation flagrante du droit international qui sape les efforts de paix » et a appelé au retrait des combattants et pour un libre accès de l’aide humanitaire.
Le pape François déplore « les violences », demande « l’arrêt le plus rapide possible de toute forme de violence »
Le pape François a déploré mercredi les violences qui touchent l’est de la République démocratique du Congo (RDC) et a appelé à la fin des combats.
« J’exhorte toutes les parties au conflit à s’engager en faveur de la cessation des hostilités et pour la sauvegarde des population civiles de Goma et des autres régions concernées par les opérations militaires », a-t-il dit à l’issue de l’audience générale. Il a également demandé « l’arrêt le plus rapide possible de toute forme de violence ».
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