Rayana avait 21 ans et la vie devant elle…

Rayana avait 21 ans et la vie devant elle. Elle rentrait d’une nuit de fête, à Paris en juin 2022, lorsqu’un policier nommé Thomas B. l’a abattue d’un tir en pleine tête. Le véhicule dans lequel elle se trouvait avait été criblé de balles pour un présumé «refus d’obtempérer», ce que les témoins ont contesté et que l’enquête nuance. La justice vient de prononcer un «non-lieu» dans cette affaire.
Samedi 4 juin au matin, deux policiers à vélo tirent une dizaine de munitions sur une voiture, en pleine capitale, au milieu des passants. Rayana, qui n’était que passagère, là par hasard, meurt sur le coup. À l’époque, deux témoignages de passagers apportaient des précisions sur ce qui s’apparente à une exécution.
Inès, une amie de la défunte, terminait la soirée avec elle alors qu’elles rentraient en voiture avec deux amis d’amis qu’elles ne connaissent pas. Elle raconte : «Trois policiers à vélo ont toqué à la vitre du conducteur parce qu’il ne portait pas sa ceinture de sécurité. Il n’a pas voulu baisser sa vitre.» C’est pour ce motif dérisoire que la violence va se déchaîner. «Tout est allé très vite. Je n’ai même pas entendu ‘Sortez de la voiture’ ou ‘Mains en l’air’. Ils ont cassé les vitres en tapant avec leurs armes. La scène était très violente […] On a entendu des coups de feu, la voiture qui repart. Tout cela s’est passé en même temps. La voiture n’est pas d’abord partie et ensuite ils ont tiré, c’est en même temps. Ils ont dû tirer une dizaine de coups de feu, ça a duré longtemps.»
Les passagers paniquent, hurlent au conducteur de s’arrêter, d’abandonner la voiture, craignant que les policiers ne tirent encore. Ce qu’il fait. Celui-ci a pris une balle au thorax, mais il survivra et sera arrêté.
«J’ai cru que ma copine Rayana, qui était sur le siège devant moi, était tombée dans les pommes. J’ai essayé de l’appeler plusieurs fois en criant son prénom à voix haute. Son corps était lâche. C’est là que j’ai vu son cou rempli de sang. Je n’ai même pas eu le temps de bien réaliser et de la prendre dans mes bras.» Les policiers tireurs arrivent : «Ils nous ont braqués en disant : ‘Mains en l’air, mains sur la tête’, ce qu’ils auraient dû dire la première fois pour nous laisser une chance, peut-être, de sortir. On était en état de choc, on criait. C’est là que j’ai réalisé que Rayana avait pris une balle.» Les passagers sont alors arrêtés, menottés, sans pouvoir consulter un médecin. «Ils nous ont laissé sur un coin de la scène, plus de trois heures en plein soleil, devant la foule».
La passagère précise, pour illustrer la disproportion des tirs : «Personne dans la rue n’a été blessé ou renversé. J’ai perdu une amie devant moi.» Elle souligne la mise en danger insensé causée par les policiers tireurs : «Il y avait d’autres gens dans la rue, des enfants notamment. Un enfant, une mère de famille, n’importe qui aurait pu prendre une balle perdue. Les policiers n’ont pas pensé à ça.»
Le passager avant de la voiture, Ibrahima, témoignait également : «On était à un feu rouge et un policier à vélo est venu taper à la vitre du conducteur pour lui demander de se mettre sur le côté pour un contrôle, Mon ami a bougé la tête […] et ne s’est pas arrêté». Puis «ils sont revenus à côté de nous et nous ont braqués directement». Les agents «étaient en train de trembler, ils tenaient les pistolets», l’un d’eux «a tiré directement […] Après ça, on est sorti de la voiture et on a vu que la fille devant était pleine de sang, inconsciente».
Quel était le risque pour les tireurs ? Le conducteur «n’a percuté aucun policier […] Ils voulaient se déchaîner. Pourquoi ils ont tiré dans la tête de la fille ? Même dans les films on ne voit pas ça.»
3 ans ont passé. Le 4 avril dernier, le procureur de Paris réclame un «non-lieu», c’est-à-dire une impunité totale suite à la mort de Rayana. Cette décision est violente jusque dans le choix des mots : «non-lieu». Comme si ce décès n’avait pas eu lieu, ou que la justice n’avait pas lieu d’être.
Le 5 mai, les deux juges d’instruction chargés de l’enquête ont confirmé ce non-lieu, et estimé que les tirs étaient «justifiés» par la situation créée par le conducteur. Ce dernier était alcoolisé et avait déjà eu plusieurs condamnations. Les juges parlent de sa volonté de «se soustraire aux contrôles, du danger objectif qu’il représentait pour les autres usagers de la route et surtout, s’agissant de la séquence de tirs en elle-même, de la menace légitimement perçue par les fonctionnaires de police».
Ce conducteur est en détention provisoire, et renvoyé en procès pour «refus d’obtempérer aggravé et violences aggravées contre les policiers». Pourtant, les experts qui ont reconstitué la scène affirment que le policier qui a tué Rayana n’a jamais été menacé par la trajectoire du véhicule. Son collègue Melvin B., qui a également tiré, a eu une «légère abrasion» qui lui a valu un jour d’ITT. Cela méritait-il de cribler de balles une voiture avec plusieurs passagers, au milieu d’une rue passante ? Le danger représenté par ce véhicule était-il supérieur à une fusillade ? Et qui rendra justice à Rayana, officiellement considérée comme une «victime collatérale» dont la vie ne vaut rien ?
Laurent-Franck Liénard, l’avocat d’extrême droite qui défend les policiers dans cette affaire, et qui est le spécialiste de l’impunité des violences d’État, se félicite : «La décision de non-lieu est à la fois logique et conforme au droit».
Et le pire, c’est qu’il n’a pas tout à fait tort. C’est bien la loi qui a conduit à ce drame. En février 2017, le gouvernement socialiste faisait passer une mesure réclamée par les syndicats policiers et l’extrême droite : la loi sur le «refus d’obtempérer». Elle assouplissait les règles du tir à balle réelle pour les forces de l’ordre. Depuis, policiers et gendarmes peuvent ouvrir le feu sur un véhicule qui refuse un contrôle ou qu’ils considèrent comme étant en fuite. Depuis 2017, les tirs policiers ont explosé, en particulier sur les voitures, causant de nombreux morts et blessés, y compris des passagers et passagères.
Cette loi, qui a été votée dans les dernier mois du quinquennat Hollande, est un permis de tuer. Un blanc-seing qui donne libre cours à la violence et à l’impunité policière. La peine de mort n’a jamais été abolie.
Peut être une image de 1 personne et texte qui dit ’PERMIS DE TUER EN 2022, UN POLICIER TUAIT RAYANA, 21 ANS, D'UNE BALLE DANS LA TETE ALORS QU'ELLE ÉTAIT PASSAGERE D'UN VEHICULE A PARIS LA JUSTICE VIENT DE PRONONCER UN NON-LIEU LIEU NON’
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