Budget 2026 : les économies à tout-va de François Bayrou

Jurant que la France était en danger de mort à cause de sa dette publique, le premier ministre a annoncé 44 milliards d’euros d’économies en 2026. Le gros de ce tour de vis budgétaire viendra de la non-indexation des dépenses publiques sur l’inflation et les besoins sociaux de la population.

Mathias Thépot

« Notre pronostic vital comme État est engagé. » Le premier ministre François Bayrou s’est voulu excessivement catastrophiste lors de sa présentation, mardi 15 juillet, des orientations budgétaires pour l’année 2026. Il a annoncé près de 44 milliards d’euros d’économies pour l’année prochaine, afin de faire passer le déficit de 5,4 % du PIB en 2025 à 4,6 % en 2026.

Il a aussi rappelé qu’il faudrait répéter l’effort les années suivantes pour passer sous le seuil des 3 % en 2029, comme promis à Bruxelles. Une véritable saignée attend le pays, donc. Saignée qui aura assurément des conséquences délétères sur la croissance économique, déjà en berne actuellement – la Banque de France prévoit 0,6 % pour 2025.

Les deux mots d’ordre de François Bayrou lors de sa présentation : « stop la dette » et « en avant la production ». Cela pourrait prêter à sourire mais, sur le fond, les mesures qu’il compte prendre s’annoncent violentes socialement parlant.

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Le premier ministre François Bayrou lors de l’annonce du projet de budget, le 15 juillet 2025 à Paris. © Photo Aurélien Morissard / AP via Sipa

L’annonce qui va certainement faire le plus parler dans les prochains jours est la suppression de deux jours fériés. François Bayrou propose d’en finir avec le lundi de Pâques, qui n’a « pas de signification religieuse », et, surtout, avec le 8-Mai, date de commémoration de la capitulation de l’Allemagne nazie il y a quatre-vingts ans.

François Bayrou suggère ce dernier jour car il estime que le mois de mai est « devenu un véritable gruyère » pour la production économique en France. Et il espère retirer un total de 4,2 milliards d’euros de gains pour les finances publiques de la suppression de ces deux seuls jours fériés. Optimiste.

Un budget inégalitaire et sans idée

Pour le reste, le premier ministre présente un budget sans idée. Avec comme principale stratégie de faire un copier-coller total ou partiel des différents budgets composant la dépense publique de 2025 en 2026, sans les indexer sur l’inflation et les besoins croissants de la population en services publics. Difficile de faire plus comptable comme vision de l’économie.

Dans le détail, il vise 7,1 milliards d’euros économie grâce à la désindexation de l’inflation des prestations sociales et des pensions de retraite, de la masse salariale des fonctionnaires, des barèmes de l’impôt sur le revenu (IR) et de la contribution sociale généralisée (CSG).

Cette « année blanche » sur les prestations et le barème de l’IR pénalisera en premier lieu les ménages les plus pauvres, selon une note de Pierre Madec, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) : « Les 5 % de ménages les plus modestes perdraient ainsi près de 1 % de revenu disponible comparativement à une situation de revalorisation usuelle. Pour les ménages du centre de la distribution, l’impact serait de l’ordre de 0,5 % et pour les 5 % de ménages les plus aisés inférieur à 0,3 %. »

Toujours côté casse sociale, une nouvelle réforme de l’assurance-chômage a par ailleurs été mise au menu de la rentrée de septembre par le premier ministre, qui espère en tirer près de 1,8 milliard d’euros d’économies en 2026.

Dans la même logique de non-indexation des budgets, près de 10 milliards d’euros d’économies devraient être visés grâce au gel des budgets de l’État et de ses opérateurs. « Une règle : ne pas dépenser un euro de plus en 2026 qu’en 2025 », a dit le premier ministre.

Outre les budgets figés, François Bayrou compte trouver quelques centaines de millions d’euros d’économies supplémentaires, à travers la réduction de 3 000 emplois publics dès l’année prochaine et la supression de 1 000 à 1 500 emplois dans « certaines agences » de l’État.

Seul le budget de la défense, comme annoncé par Emmanuel Macron le 13 juillet, sera en augmentation pour financer la nouvelle stratégie « va-t-en-guerre » du chef de l’État. Il sera rehaussé de 3,6 milliards d’euros de plus que le niveau déjà prévu dans la loi de programmation militaire, soit une augmentation in fine de 6,7 milliards d’euros en 2026 par rapport à 2025.

L’hôpital au pain sec et à l’eau

Côté santé, François Bayrou compte cette fois-ci appliquer une sous-indexation des dépenses. L’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam), qui prend en compte les besoins en soins croissants de la population, sera ainsi raboté de plus de moitié, pour un montant de 5,5 milliards d’euros d’économies en 2026.

Il est ainsi prévu une augmentation de la part prise en charge par les patient·es dans le paiement de leurs médicaments et de leurs actes médicaux : les plafonds annuels des franchises et participations forfaitaires pourraient ainsi passer de 50 à 100 euros par an.

En outre, François Bayrou compte réduire la prise en charge des affections de longue durée (ALD) dès 2026, en « sortant du remboursement intégral les médicaments sans lien avec l’affection déclarée ou à faible effet médical, et également en sortant de ce statut les patients dont l’état de santé ne le justifie plus ».

Les hôpitaux publics seront également mis au pain sec et à l’eau : il leur sera demandé une plus grande maîtrise de « leurs achats ». Encore plus morbide : François Bayrou compte maximiser la « réutilisation, après vérification, des dispositifs médicaux et médicalisés (fauteuils roulants, cannes anglaises…) », parfois même après le décès des patient·es. Car toutes les économies sont bonnes à trouver.

Enfin, il compte serrer la vis sur les arrêts maladie. Sera ainsi mise en œuvre, « après négociation des partenaires sociaux, une réforme structurelle visant à responsabiliser les entreprises sur la prévention et les salariés contre les arrêts abusifs, en intégrant la réforme des indemnités journalières ».

Dans ce budget 2026, les collectivités locales seront également mises à contribution pour 5,3 milliards d’euros. Comme pour la Sécurité sociale et l’État, il leur sera demandé un gel de leurs budgets. « Leurs dépenses ne devront pas progresser plus vite que les ressources de la nation », a annoncé François Bayrou.

Le premier ministre prévoit de leur tordre le bras en limitant « les financements de l’État aux collectivités locales », même s’il a promis « une attention particulière aux départements les plus en difficulté, avec un soutien exceptionnel de 300 millions d’euros apporté ».

Maigres hausses d’impôts pour les plus riches

Enfin côté « justice sociale et fiscale [sic] », le gouvernement compte récupérer 10 milliards d’euros en 2026, dont 2,3 milliards d’euros grâce à la lutte contre la fraude fiscale, celles aux aides publiques et aux dépenses de santé. Le premier ministre a, dans ce cadre, annoncé le dépôt « d’un projet de loi à l’automne contre la fraude sociale et fiscale pour mieux détecter, mieux sanctionner et recouvrer l’argent perdu ».

En outre, il compte supprimer « l’abattement de 10 % pour le calcul de l’impôt sur le revenu, pour “frais professionnels” sur les pensions de retraites ». Son coût budgétaire : 4,5 milliards d’euros par an. Cet abattement sera transformé « en forfait annuel, ce qui permettra de protéger davantage les petites retraites et de garantir un pouvoir d’achat inchangé aux retraites moyennes », a assuré le premier ministre.

Une taxe sur les petits colis visant « à encourager les circuits courts et le commerces de proximité » sera également créée. Elle pourrait rapporter entre 500 millions et 1 milliard d’euros.

Enfin, une maigre participation des plus aisé·es à l’effort budgétaire est proposée : la prorogation de la contribution différentielle sur les hauts revenus insaturée pour l’année 2025 est à l’étude. Elle était censée rapporter 2 milliards par an. Mais Bercy éprouve des difficultés à chiffrer son vrai rendement.

Le premier ministre a aussi parlé timidement « de mesures complémentaires pour lutter contre l’optimisation abusive des patrimoines non productifs ». Mais vu le peu d’allant dont a jusqu’ici fait preuve cet exécutif pour réprimander l’optimisation fiscale agressive des plus grandes fortunes françaises, on peine à croire que « ces mesures » rapporteront plus de quelques dizaines, sinon centaines de millions d’euros en 2026.

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