Serbie: Depuis près d’une semaine, la révolte ne faiblit pas

5ème nuit de la parenthèse des violences urbaines, mais 9ème mois du processus révolutionnaire
Cinquième jour, cinquième nuit. Depuis près d’une semaine, la révolte ne faiblit pas : les manifestations s’étendent à travers la Serbie, toujours portées par la jeunesse et par les Zbor, toujours déterminées malgré la répression. Mais il ne s’agit pas seulement d’une « flambée de violences urbaines » comme voudraient le réduire les médias ou le régime : c’est le neuvième mois d’un processus révolutionnaire, enraciné dans la colère accumulée dernièrement face aux humiliations, aux violences policières et au mépris d’un pouvoir illégitime.
A Novi Sad et Belgrade : « On nettoie nos rues »
À Novi Sad et à Belgrade, les rassemblements qui avaient commencé pacifiquement ont pris pour cible les symboles du pouvoir. Les locaux du SNS, mais aussi ceux de ses alliés politiques – le Parti Socialiste (qui comme en France n’a de socialiste que le nom), le Mouvement des Socialistes de Serbie (ouvertement anti-UE et pro-Poutine) et même le Parti Radical de Šešelj, le mentor de Vučić (un genre de Jean Marie Le Pen local ) – ont été démolis.
La réponse de la police fut brutale : charges, gaz, arrestations en série. La nuit a été marquée par de violents affrontements, de nombreux blessés et des dizaines d’interpellations.
Valjevo, la rage populaire légitime
À Valjevo, la colère a pris une intensité particulière. Jeudi soir, les charges policières ont laissé des dizaines de jeunes blessés, certains mineurs, dont l’un serait encore entre la vie et la mort. Le lendemain, les nervis du régime se sont attaqués aux familles des jeunes rebelles identifiés, ainsi qu’aux lieux de sociabilité et de soutien au mouvement social.
Mais samedi, la population a répondu massivement à l’appel de la jeunesse : « Srbija se umirit ne može » (La Serbie ne peut trouver de répit)
Dans une ville en ébullition, les manifestants ne se sont pas arrêtés aux locaux des partis au pouvoir : ils ont visé la station de police, les bâtiments municipaux et même les bureaux du procureur public, incarnations locales de la répression et de l’injustice.
Les affrontements avec les forces de l’ordre ont duré une bonne partie de la nuit, et de nouvelles images de violences policières disproportionnées circulent déjà sur les réseaux.
Le ministère de l’Intérieur, lui, ne parle que de chiffres : 56 arrestations au niveau national, dont 16 maintenues en garde à vue, et 6 policiers blessés. Rien sur les dizaines de manifestants hospitalisés, rien sur les mineurs tabassés, rien sur les familles harcelées par les sbires du pouvoir.
Cinq nuits de révolte, neuf mois d’insurrection populaire : ces affrontements urbains restent une parenthèse qui s’inscrit dans une dynamique qui prend racine dans tout le pays. La Serbie vit une séquence historique où la jeunesse et le peuple affrontent à mains nues l’un des régimes les plus autoritaires d’Europe.
Mais pas seulement dans la rue et il ne faut surtout pas tout réduire à ces 5 jours. Les images de violence ne sauront mettre en arrière plan tout le processus qui continue en parallèle.
En cas d’élection anticipée, les plenums étudiants peaufinent la liste citoyenne
(extrait d’une interview avec un étudiant mandaté par les plenums)
L’étudiant de la Faculté des sciences politiques, Aleksa Simić, a déclaré vendredi dernier que la liste étudiante est terminée à 99 % et que certaines modifications sont encore possibles en fonction des accords.
« Il n’y aura pas de leaders dessus, nous voulons renoncer au culte de la personnalité qui nous poursuit », a-t-il affirmé.
Invité de l’émission Dan uživo sur N1, il a expliqué que les critères les plus importants pour la liste étudiante étaient déjà établis et qu’il n’y figurerait ni représentants de l’opposition ni membres de la coalition au pouvoir.
Selon lui, il s’agira de nouveaux visages, de personnes qui n’avaient pas auparavant d’ambitions politiques, qui peuvent apparaître comme non entachées par les controverses, les intrigues et les malversations politiques. Il s’agit des personnes qui sont actives, directement ou indirecrement, dans le mouvement social depuis ses débuts.
« Pour nous, l’idéologie n’est pas entièrement déterminante. Nous avons besoin d’unité malgré les différences idéologiques », a-t-il souligné.
Aleksa a précisé que la question de la liste étudiante avait été volontairement tenue à l’écart de l’espace public, car elle suscitait une grande attention, tant de la part des représentants du pouvoir que des citoyens, et qu’ils avaient souhaité la garder anonyme afin de pouvoir se concentrer.
« Il y aura 250 personnes que nous considérons capables de représenter de manière crédible les citoyens de Serbie », a déclaré Aleksa Simić.
À la question de savoir pourquoi ils ne voulaient pas rendre publique la liste, il a répondu que la raison était simple et a rappelé la manière dont les autorités avaient traité le transporteur Jaćimović, qui avait assuré le transport des étudiants et des citoyens lord des différentes actions et journées de mobilisation. (Ce transporteur a été à nouveau arrêté avec son fils ce samedi)
« Ce n’est pas encore le moment de publier la liste, mais lorsque nous reconnaîtrons le bon moment, cela se fera », a indiqué l’étudiant. Il n’a pas souhaité commenter les noms qui avaient circulé dans les médias à propos de la liste étudiante, mais a déclaré que certains d’entre eux constitueraient une surprise.
« Deux choses nous importent : que ce soient des personnes qui se sont distinguées et qui n’ont pas peur de dire ce qui est juste, qui aient de l’intégrité et qui respectent le programme, c’est-à-dire l’accord social que nous concrétisons jour après jour », a affirmé l’étudiant.
Revenant sur l’appel de l’opposition à des discussions concernant les conditions électorales, Aleksa Simić a déclaré que la position des étudiants était que ces discussions n’étaient pas nécessaires pour le moment. Sous ce pouvoir, a-t-il ajouté, il n’est pas possible d’obtenir de meilleures conditions électorales. L’étudiant a affirmé qu’après neuf mois de protestations, la violence contre les étudiants et les citoyens n’étonnait plus.
« Le régime entreprend tout pour sa survie. C’est le signe du système dans lequel nous vivons et de tout ce que nous voulons changer », a déclaré Aleksa Simić. « Notre ampleur, notre nombre et notre unité nous protègent de la répression », a-t-il souligné.
À la question de savoir quand aura lieu la prochaine manifestation étudiante, il a répondu : « bientôt ». À partir de septembre, a-t-il indiqué, il y aura de nouvelles initiatives étudiantes, avec la participation des étudiants de première année. « À l’automne, beaucoup de nouveautés et de changements », a ajouté Aleksa Simić.
« Le Front Social » se développe et prend ses marques
« Le Front Social », créé à l’issu de la grande manifestation du 28 juin, s’empare des droits des travailleurs et des sujets de société. Que ce soit au niveau local ou au niveau national, plusieurs initiatives sont lancées.
(L’article synthétique paru sur Mašina et traduit en français)
Le Front social, avec les assemblées (zbor), organise une série d’événements sur la question de l’Electro-distribution de Serbie intitulée « Défendons l’EPS », dont la première tribune se tiendra à Belgrade le 24 août.
« Quand nous défendons l’EPS – nous défendons le droit à une énergie accessible, un avenir sûr et la dignité de nous toutes et tous », déclare le Front social.
« L’EPS n’est pas seulement une entreprise – c’est la colonne vertébrale de notre système énergétique et le pilier de la sécurité énergétique de la Serbie ! Aujourd’hui, il est sous pression, et les décisions néfastes que prend ce pouvoir peuvent changer durablement son destin – et le nôtre », affirme le Front social.
La première tribune, au cours de laquelle les citoyennes et citoyens intéressés pourront s’informer sur les faits concernant l’EPS, aura lieu à Belgrade le 24 août.
Le Front social, avec les assemblées, organisera ensuite deux manifestations : le 30 août à Lazarevac et le 5 septembre à Belgrade.
« Si nous perdons l’EPS, nous perdons le contrôle sur le prix de l’électricité, la sécurité énergétique et une partie de notre souveraineté ! C’est pourquoi nous nous rassemblons », souligne le Front social, ajoutant qu’il ne s’agit pas seulement d’une série d’événements, mais d’un mouvement.
Pour rappel, le Front social est une initiative étudiante visant à mettre en réseau les étudiants en lutte (en blocage), les travailleurs organisés ou non dans des syndicats, ainsi que toutes les autres structures ouvrières et citoyennes, formelles ou informelles.
Des fronts locaux à travers le pays
En parallèle, il y a une liste infinie des luttes locales qui ont lieu en marge du mouvement social national tout en en faisant la partie intégrante.
Qu’il s’agisse de fort développement des Zbor à travers le pays, de la lutte des habitants des Blocs à Belgrade contre les promoteurs privés, des luttes environnementales à l’ouest de Serbie contre les extractions minières ou bien les habitants de la ville de Mur (à proximité de Novi Pazar) qui occupent une décharge publique sur leur commune depuis plus d’un mois… c’est la somme de toutes ces mobilisations qui caractérisent réellement le côté populaire et insurrectionnel du soulèvement en Serbie.
(Arland Mehmetaj)
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