Paroles de Gilets Jaunes en bande dessinée

Sous le gilet jaune, il y a des gens. Ils s’appellent Brice, Gilles, Barbara, Dany, Benjamin, Alexandre et Vincent. Et leurs paroles s’expriment aujourd’hui en bande dessinée.
  1. Le projet Bulles Jaunes est l’initiative d’une auteure de bande dessinée solidaire. Son but : faire témoigner en bande dessinée des personnes impliquées dans le mouvement des Gilets Jaunes. Pour apporter une autre vision des événements à tous ceux qui ne comprennent pas, ou qui ne savent plus quoi penser. Au final, une dizaine de personnes verront leurs paroles retranscrites en bande dessinée. Sept d’entre elles ont accepté de partager leur expérience et leurs réflexions dans ce billet commun.

    Parmi elles, il y a des personnes que je connaissais bien avant qu’elles enfilent leur gilet jaune. Et puis d’autres, que j’ai appris à connaître.

    Au-delà de leurs vécus souvent très différents, elles sont réunies et liées par ce gilet jaune, symbole de leur colère et de leurs espoirs en un monde plus juste, qui reste à dessiner.

  2. Présent dans le mouvement depuis le début, Alexandre y est toujours très investi. Avant d’enfiler son gilet jaune, il ne s’était jamais vraiment intéressé à la politique. Mais était sensible aux inégalités et aux injustices, qui l’avaient poussé à faire du bénévolat pendant quelques temps. Ce mouvement, et notamment la répression dont il a été le témoin pendant les manifestations, l’a profondément changé. Le déclic pour lui, a été la manifestation de Rennes, le 19 janvier, durant laquelle il a manqué de peu, la grenade de désencerclement qui a éborgné un manifestant, tombé à quelques mètres de lui.

  3. Barbara n’est pas engagée quotidiennement dans le mouvement des Gilets Jaunes, mais elle manifeste quand elle peut. Avant cela, lorsqu’elle descendait dans la rue, c’était pour tout autre chose. Elle chantait, accompagnée de son orgue de barbarie, sur les marchés et dans les fêtes locales. Pour compléter sa petite retraite, elle fait des ménages et garde des enfants. J’avais recueilli son témoignage en novembre, au début du mouvement. Elle avait un message à faire passer à « Monsieur Macron », de la part du « Petit Peuple ».

    Son témoignage complet est à lire ici

  4. Ancien routier, Gilles a également pendant plusieurs années travaillé dans une exploitation agricole. Lorsque je l’avais rencontré en février, il s’occupait de sa mère âgée, en remplacement des aides soignantes, le week-end, les jours fériés, et le soir. Originaire de la banlieue parisienne, il m’a raconté les aléas de la vie, de l’amour, du travail, qui font qu’aujourd’hui, il se retrouve avec pas grand-chose pour vivre. Il s’est redécouvert, avec le mouvement des Gilets Jaunes, un désir d’apprendre et de comprendre. Et une conscience politique qu’il avait longtemps laissée en sommeil. Lui qui allait coller des affiches du Parti Communiste de Georges Marchais avec son oncle étant adolescent, a retrouvé le goût de la lutte politique et sociale.

  5. Dany est ambulancière, engagée depuis le début du mouvement dans les Côtes d’Armor. Je l’avais rencontrée fin janvier, au moment où elle était encore porte-parole des Gilets Jaunes de Lamballe. Les blocages, les manifestations, la répression… tout cela lui était étranger. Elle n’avait pas manifesté depuis le lycée, et ne s’intéressait pas du tout à la politique. Durant le long entretien que nous avons eu, elle m’a raconté comment elle a basculé, du jour au lendemain, dans une autre réalité. Et comment tout cela l’a profondément changée. Elle a évoqué les différents caps qu’elle a passés, et notamment la manifestation régionale du 19 janvier à Rennes, où elle a dû effectuer un massage cardiaque sur un passant, avec d’autres secouristes, tandis que les forces de l’ordre intervenaient, à grands renforts de gaz lacrymogènes.

    Son témoignage complet est à lire ici

  6. Brice est un manifestant occasionnel, qui a trouvé dans le mouvement des Gilets Jaunes un écho à sa propre colère. Aujourd’hui retraité, il a travaillé dans la restauration, puis comme peintre en bâtiment. Il a aussi une grande passion : le chant. Il a de la voix, Brice, et il aime la partager. Alors, il chante tout le temps. Pavarotti, Ferrat, et puis Brel. Mais ces derniers mois, il n’avait plus vraiment envie de chanter. J’avais recueilli son témoignage en novembre, dans l’ébullition du début du mouvement. Comme beaucoup, il avait une colère à faire sortir. Mais par la suite, sa colère s’est transformée en confusion. En tristesse. Choqué par les dégradations et les débordements lors des manifestations parisiennes de décembre, il a raccroché son gilet jaune. Et puis finalement, en janvier, il est reparti manifester. Son indignation était trop grande face à l’injustice sociale.

  7. Entré dans le mouvement en novembre, Vincent avait déjà amorcé une profonde réflexion sur la façon dont le monde fonctionne, sans pour autant s’engager politiquement. En janvier, il s’est lancé, sac sur le dos, dans une marche pour le RIC, entre Rennes et Paris. Un périple solitaire, mais solidaire, malgré tout. Hébergé la nuit chez différents Gilets Jaunes à travers la France, marchant le jour sous des températures parfois négatives, il a tenu jusqu’au bout, porté par la conviction de faire quelque chose d’utile et de juste.

  8. Benjamin a enfilé son gilet jaune le 17 novembre, le coeur rempli d’espoir. Investi très jeune dans la vie associative et politique, il espérait depuis longtemps ce sursaut populaire contre les injustices sociales. Passionné d’Histoire, il porte sur le mouvement un regard malgré tout distancié et critique. Son témoignage, recueilli en novembre, reste plus que jamais d’actualité, même si son enthousiasme s’est quelque peu élimé depuis.

    Son témoignage complet est à lire ici

  9. Gilles, Barbara, Benjamin, Alexandre, Vincent, Dany, Brice… ainsi que tous les autres. C’est leur histoire qui se raconte depuis novembre. L’histoire d’une France silencieuse et invisible, qui s’est réveillée au moment où on l’attendait le moins. Cette France dont je suis issue, et dont je continuerai à dessiner l’histoire, avec mes Bulles Jaunes.

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