Aux États-Unis le clapet du confinement, le risque pour la santé de millions de gens, et les 25 millions de chômeurs supplémentaires à ce jour, ont inauguré pleinement la nouvelle période, et les choses se sont passées comme si les troupes des combats directs à venir s’étaient passées en revue. D’un côté, ce furent les grèves sauvages, dans une vague jamais vue, imposant l’arrêt de centaines d’entreprises n’ayant d’utilité que pour le profit et dangereuses pour leurs salariés. De l’autre, ce fut, à l’appel de Trump, les couches arriérées du Tea Party, arborant leurs flingues. Les premiers étaient les plus dynamiques et les plus nombreux. Les seconds, beaucoup moins nombreux mais beaucoup plus médiatisés, étaient les plus organisés – et les plus armés.
En France aussi, les salariés de la grande distribution ont engagé des combats pour protéger leur santé et celle de leurs proches, pour que les effets d’annonce sur les primes soient réellement prises en charge par les directions des enseignes et leurs magasins. Dans la fonction publique hospitalière, les directions d’établissement et les ARS ont du commencer à fournir du matériel de protection et reculer sur l’application d’horaires inhumains visant à compenser les effectifs qu’ils ont supprimés.
Partout, les salariés ont cherché à résister à l’application des ordonnances qui réduisent leurs droits à congés. Dans des syndicats CGT, comme ceux de l’agroalimentaire, le débat s’est développé sur la question des activités indispensables et surtout sur la question de qui devait en dresser la liste : le patronat, le gouvernement ou les salariés eux-mêmes ?
En France aussi, la tragi-comédie des « annonces » enfilées les une derrière les autres et se contredisant les unes les autres de Macron, de Philippe, et du bonnet d’âne Blanquer, exhibe l’absence de volonté de combattre l’épidémie au sommet de l’État. A trois semaines du supposé déconfinement du 11 mai, ils ont fait, ou n’ont pas fait, ce qu’il fallait pour que les masques, le matériel de désinfection, et les tests, n’existent ni pour la masse, ni pour les secteurs supposés être « au front ».
A partir du 11 mai, les enfants doivent revenir à l’école, on ne sait dans quelles conditions ou plutôt, on s’en doute. Les personnels de l’enseignement voient venir ce « mur du 11 mai » avec consternation. Dans la chimie, le travail ne s’est jamais vraiment arrêté ; dans la métallurgie, il est en train de reprendre. Les salariés s’entassent dans le métro aux heures de pointe. Pendant ce temps, cyclistes et joggeurs dans des zones désertes sont traqués au mépris des libertés publiques et de la lutte réelle contre l’épidémie.
Enfin, il faudra bien sortir de la lutte de classe numérique (Internet et les réseaux, c’est bien utile mais au bout d’un moment, çà doit déboucher sur l’action collective) et des proclamations de balcon (les banderoles et les concerts de casserole, çà donne de la visibilité, mais en vue de la sortie dans la rue). L’intersyndicale sera-t-elle contrainte de donner une date de déconfinement au mouvement social sous la pression des jeunes, de la misère et de la colère ou laisserons-nous s’installer un état d’urgence policier ?
Les émeutes qui ont éclaté en « banlieue », à partir de l’incident de Villeneuve-la-Garenne, sont, nous dit-on, le fait des gangs de la drogue. Peut-être que oui, peut-être que non. Ce qui ne saurait faire de doute est que la population confinée, soumise parfois à la contagion précisément par les conditions de ce confinement qu’on lui interdit de quitter, sont au bord des émeutes de la faim. Oui, ce sont des émeutes de la faim qui s’amorcent en France, en 2020. Et oui, le premier devoir des militants ouvriers est de soutenir le peuple qui a faim et ne supporte plus.
Où sont les organisations syndicales dans la défense des libertés démocratiques élémentaires contre les Castaner et les préfets Lallement ? Avec les organisations démocratiques, elles devraient envoyer leurs représentants sur le terrain des émeutes de la faim montante, et exiger le blocage des prix des denrées de première nécessité, l’organisation de la distribution aux plus démunis, aux personnes âgées et handicapées, et la mise au pas des forces dites de l’ordre qui doivent ou aider ou partir. Ces exigences démocratiques et vitales mettent bien entendu en cause la légitimité même de ce pouvoir. Le confinement n’a pas mis les compteurs à zéro : tous les comptes seront soldés. Mais le confinement et l’épidémie constituent le cadre de la lutte présente et cela va être la marque d’un mois de mai qui s’annonce comme devant être celui de l’affrontement pour que la santé publique, de chacune et de chacun, passe devant les profits.
D’où l’importance du 1er Mai confiné qui vient. Au plan national, un appel a été lancé par la CGT, la FSU, Solidaires, l’UNEF et des organisations lycéennes, à arborer des pancartes et à s’exprimer sur les réseaux sociaux, pour que le « monde d’après » soit « vivable, de justice sociale, écologiste et féministe ». Certes. Mais pour ce faire, nous devons aiguiser nos revendications immédiates, et ce n’est pas difficile :
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La question des tests en masse, et des masques à distribuer, est une question politique centrale, élémentaire. Il n’y a aucun obstacle technique au règlement de cette question. Les obstacles portent des noms : Macron, Philippe, Le Maire, Darmanin, Belloubet, Castaner, Blanquer, Véran.
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Reprise scolaire et reprise économique exigent que cette question de sécurité sanitaire soit réglée.
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Abrogation des mesures prises contre le code du travail, reconnaissance du Covid comme maladie professionnelle partout où les travailleurs sont contaminés, pas touche à nos congés et aux RTT, respect du temps de travail sur la base des 35H et droit à la déconnection.
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Abrogation des lois anti-sociales de Macron : loi sur les retraites, réforme de l’assurance chômage, loi dite de transformation de la fonction publique, notamment, et, dans l’enseignement, Parcoursup et le bac Blanquer : un gouvernement démocratique mettrait à profit la situation présente pour tout remettre en discussion !
Le haut niveau de généralité de l’appel CGT / FSU / Solidaires / UNEF / organisations lycéennes, tout en rappelant bien sûr qu’il faut défendre la santé publique et « les plus précaires », passe à côté de l’essentiel de ces revendications. Ceci fournit, dans FO, l’argumentaire pour la non signature d’un tel appel commun au niveau national. Mais la déclaration de la Commission Exécutive Confédérale de FO plus précise au plan revendicatif, ne parle pas, elle, du 1er Mai.
Nous appelons, dans les départements et localités, à maintenir ou à reconstituer l’unité CGT/FO/FSU/Solidaires pour le 1er Mai sur la base de nos revendications et pour faire du 1er Mai la première manche de l’affrontement qui se prépare autour de la « date pivot » du 11 mai !
Le 24-04-2020.
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