Tout l’art et la poésie d’Idir en dix chansons de légende

Le chanteur kabyle, disparu samedi à 70 ans, laisse une collection de titres incroyables qui n’ont pas fini de faire pleurer de chaque côté de la Méditerrannée.

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Par Jean-Baptiste Garat
«Je suis arrivé au moment où il fallait, avec les chansons qu’il fallait», expliquait Idir, tout en modestie, en minimisant l’immensité de sa carrière. Patrick Swirc/Sony

«Nous avons le regret de vous annoncer le décès de notre père (à tous), Idir, le samedi 2 mai à 21h30. Repose en paix papa.» C’est par un message sur la page Facebook officielle du chanteur que le monde a appris samedi soir la disparition du grand chanteur kabyle Idir. Né en 1949, Idir accompagne depuis 50 ans – et malgré des éclipses – la vie culturelle et musicale de son pays et de la France. «Je suis arrivé au moment où il fallait, avec les chansons qu’il fallait», racontait en 2013 à l’AFP en expliquant comment il avait été imprégné dès son enfance par les chants qui rythmaient tous les moments de la vie quotidienne. De son interprétation d’A Vava Inouva, en langue berbère à l’aube des années 1970, à son album La France en couleurs paru en 2007, en pleine campagne présidentielle française marquée par les débats sur l’immigration et l’identité nationale, ses chansons résonnent avec l’actualité sans jamais se départir de poésie. Retour sur une carrière à travers les plus beaux titres et interprétations d’un chanteur sans pareil.

A Vava Inouva (Mon père à moi)

C’est avec ce titre qu’Idir, destiné à une tout autre carrière, perce pratiquement par hasard dans les années 1970. En 1973, il remplace au pied levé la chanteuse Noura lors d’une émission de Radio Alger et chante Ersed a Yidès. Il enregistre alors ce titre, ainsi qu’A Vava inouva, chanson en langue berbère, qui évoque les veillées dans les villages kabyles. Mon père à moi remporte un succès mondial à son insu pendant qu’il fait son service militaire.

Awah awah

À la fin des années 1970, Idir, homme discret et peu enclin à vivre dans la lumière du showbizz, laisse un album, Ay arrac negh (A nos enfants), avant de se retirer de la scène. Son absence durera dix ans. Mais il a composé en un seul disque un répertoire qui sera à l’antenne des années durant, à commencer par Awah awah, hymne festif et entraînant.

Ssendu (La Baratte)

Autre chanson légendaire du grand Idir, Ssendu, dont tant de monde connaît chaque parole de chaque côté de la Méditerranée. Le titre simple est inspiré par les souvenirs de sa mère battant le beurre quand il était enfant. Mais le message est éminemment politique. Il évoque «cette image de femme qui était là, subissant la loi du milieu, du mâle… et qui se confiait donc à une chose inerte». «Je suis convaincu que vis-à-vis d’une femme en général et d’une maman en particulier, je crois que nous avons tous quelque chose à nous faire pardonner, ou à tout le moins à nous reprocher», confiait-il en concert à Puteaux un soir, trente ans plus tard.

Ay arrac negh (A nos enfants)

Sur cet album légendaire, la chanson titre Ay arrac negh et ses rythmes de berceuse marquent par la simplicité de leur poésie. Mais le texte est également l’expression du déracinement. «Si l’un est parti, si l’un est banni, d’autres se lèveront et ils les remplaceront. N’abandonnez jamais et persévérez, n’oubliez jamais les temps vont changer», chante Idir.

Aghrib (L’Exilé)

Après une dizaine d’années d’absence et un retour à la scène triomphal au début des années 1990, Idir publie Chasseurs de lumières, un nouvel album en 1993 qui emprunte à la world music sans jamais se départir de ses racines. En témoigne Aghrib, chanson qui évoque un thème récurrent de l’œuvre d’Idir : l’exil.

Isaltiyen (Les Celtes)

En 1993 toujours, le curieux Idir signe avec le musicien Alan Stivell Isaltiyen, un titre qui mélange langue berbère et bretonne, derbouka, cornemuse et harpe dans une union des styles qui fait mouche.

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Un homme qui n’a pas de frère

En 1999, Idir publie Identités, album coup de poing pour lequel il réunit une pléiade d’artistes (Manu Chao, Maxime Le Forestier, Zebda, l’Orchestre national de Barbès…) qui célèbrent une France black-blanc-beurre au lendemain de la coupe du monde remportée par Zinedine Zidane et les Bleus.

Pourquoi cette pluie

En 2002, Idir enregistre Pourquoi cette pluie, hommage aux victimes du déluge qui frappa Alger le 10 novembre 2001. Plus d’un millier de personnes sont mortes, emportées par les trombes d’eau boueuse qui ont ravagé la ville des hauteurs de Bab El Oued jusqu’au rivage de la mer. Jean-Jacques Goldman, lui-même retiré de la scène depuis des années, signe cette douce et néanmoins terrible mélodie.

La France des couleurs

«La France des couleurs défend les couleurs de la France.» En 2007, en pleine campagne présidentielle qui oppose Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, Idir publie un nouvel album qui ne laisse pas indifférent. Pour ce manifeste, il invite la fine fleur de la scène de l’époque : Akhenaton, Disiz la Peste, Grand Corps Malade, Zaho, Noa, Tiken Jah Fakoly, Nâdiya, Oxmo Puccino.

La Bohème

En 2017, Idir réalise un dernier album à l’image de sa vie : une collection de souvenirs, de cartes postales et de poèmes glanés tout au long de sa carrière au gré des rencontres. Il chante La Corrida avec Francis Cabrel, Les Larmes de leurs pères avec Patrick Bruel, le si évident On the road again avec Bernard Lavilliers, un sublime Né quelque part avec Maxime Le Forestier, Jardin d’hiver avec Henri Salvador… Un bouquet splendide de saveurs, de mémoires et de racines mêlées. Parmi tous ces titres qui méritent d’être découverts si vous ne les connaissez pas encore, retenons également le duo d’Idir avec Charles Aznavour pour une Bohème complice et tendre.

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