Biélorussie : immense marche de l’opposition à Minsk contre Loukachenko, qui refuse de céder

Des dizaines de milliers de personnes défilent contre le pouvoir, au moment même où le président Alexandre Loukachenko appelle ses soutiens à défendre l’indépendance du pays.

Le Monde avec AFP Publié le 16/08/2020

« Pars ! » Scandée par les protestataires lors de la « Marche de la liberté », réunis à Minsk dimanche 16 août, cette injonction était destinée au président biélorusse Alexandre Loukachenko. Sous la pression de la rue, ce dernier a, au même moment, rejeté une fois de plus les appels à de nouvelles élections devant ses partisans réunis eux aussi dans la capitale.

Marchant le long de l’avenue de l’Indépendance dans le centre de la capitale biélorusse, portant des fleurs et vêtus de blanc, des dizaines de milliers de manifestants réclamant le départ de l’autocrate se sont dirigés au milieu des chants et des klaxons de voiture vers le monument érigé en mémoire des victimes de la seconde guerre mondiale. Tandis qu’ils portaient à bout de bras le rouge et le blanc de l’opposition sur un gigantesque drapeau, non loin de là, M.Loukachenko qui avait demandé à ses partisans de défendre le pays, a fait une apparition surprise.

« Si nous faisons ça, nous partirons en vrille »

C’est sur la place de l’Indépendance, quelques minutes avant le début de cette marche, qu’il s’est exprimé, devant plusieurs milliers de ses soutiens : « Chers amis, je vous ai appelés ici non pas pour que vous me défendiez, mais parce que, pour la première fois en un quart de siècle, vous pouvez défendre votre pays et son indépendance », a-t-il lancé, sous les ovations.

Le président Alexandre Lukachenko enlève sa veste avant de s’adresser à ses soutiens, à Minsk, dimanche 16 août.

Le président biélorusse, 65 ans, a réagi à la volonté de l’opposition d’organiser une nouvelle élection présidentielle : « Si nous faisons ça, nous partirons en vrille et nous n’en reviendrons jamais », a-t-il prédit, face à ses partisans agitant, eux, le drapeau officiel rouge et vert, hérité de la période soviétique.

Des membres de l’élite rallient la protestation

La victoire d’Alexandre Loukachenko à la présidentielle du 9 août, a été perçue comme largement truquée, alors que la mobilisation en faveur d’une rivale inattendue, Svetlana Tikhanovskaïa, 37 ans, a enflammé la Biélorussie avant le vote. L’opposante est désormais en exil en Lituanie, et a annoncé la création d’un comité pour organiser le transfert du pouvoir.

Des membres de l’élite ont depuis rallié la protestation : des journalistes de la télévision publique, d’habitude aux ordres du pouvoir, des chercheurs et des hommes d’affaires, mais aussi un ancien ministre de la culture, Pavel Latouchko. Dans une vidéo, l’ambassadeur biélorusse en poste en Slovaquie, Igor Lechtchenia, s’est dit, lui, « choqué par les témoignages de torture et de passages à tabac ».

Violente répression

Rassemblement contre le président Alexandre Lukachenko, à Minsk, le 16 août.

Après l’élection de dimanche 9 août, les quatre premières soirées de manifestations avaient été réprimées par les forces antiémeutes, faisant au moins deux morts et des dizaines de blessés. Des hommages aux protestataires tués ont été organisés ce week-end à Minsk et à Gomel.

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Depuis jeudi, en réaction aux violences, la mobilisation s’est étendue : des chaînes humaines et rassemblements d’opposition ont éclos partout dans le pays, tandis que des ouvriers d’usines emblématiques ont lancé des actions de solidarité.

Ces grandes manifestations se sont déroulées sans arrestations, les autorités biélorusses ayant donné des signes de recul après des protestations occidentales et annoncé la libération de plus de 2 000 des 6 700 personnes interpellées.

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« L’aide complète » de Poutine

Sous pression, le président biélorusse a agité samedi 15 août, le spectre d’une intervention russe, affirmant que son homologue Vladimir Poutine lui avait assuré, lors d’un entretien téléphonique, son « une aide complète (…) pour assurer la sécurité de la Biélorussie » si celle-ci venait à lui en faire la demande. Dimanche, le Kremlin s’est dit prêt à fournir une assistance militaire, si nécessaire, dans le cadre du traité d’Union liant les deux pays, et de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTCS) composée de six anciennes républiques soviétiques.

Selon le président biélorusse, son pays fait face à une « révolution de couleur » (le nom donné par le Kremlin à plusieurs mouvements populaires, selon lui, soutenus depuis l’étranger qui ont abouti à des changements de pouvoir dans des pays de l’ex-URSS ces vingt dernières années), avec des « éléments d’interférence extérieure. »

L’Union européenne a, de son côté, ordonné des sanctions contre des responsables biélorusses liés aux fraudes électorales et à la répression. « L’UE va maintenant lancer un processus de sanctions contre les responsables des violences, arrestations et fraudes liées à l’élection », a annoncé vendredi la ministre des affaires étrangères suédoise, Ann Linde, à l’issue d’une vidéoconférence avec ses homologues.

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Le Monde avec AFP

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