«Gilets jaunes » : « Notre action a-t-elle été déterminante ? » Deux ans après, les figures d’un rond-point d’Avignon toujours révoltées

MOBILISATION Début 2019, la photo d’un couple de « gilets jaunes » enlacés à Avignon avait ému les internautes. Deux ans après le début du mouvement, les « gilets jaunes » présents sur ce rond-point se confient à 20 Minutes

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Cette photo a été prise le 30 décembre près d’Avignon par une photographe amateure qui documente le mouvement des «gilets jaunes». — Kim Hoa Chabert
  • Début 2019, un cliché de Kim Hoa Chabert, une photographe amateur d’Avignon, devient virale. On y voit un couple de « gilets jaunes » enlacés.
  • Deux ans après le début du mouvement, la photographe, l’homme dont l’étreinte a été immortalisée et des « gilets jaunes » de ce rond-point avignonnais confient à 20 Minutes leurs souvenirs du mouvement et leur bilan.

Un sentiment doux-amer. Deux ans après le début du mouvement des « gilets jaunes », Pierre* se souvient « d’un grand moment de solidarité », mais s’interroge : « Est-ce que vraiment notre action a été déterminante ? Je ne sais pas vraiment répondre. »

La photo de ce retraité de la fonction publique prenant un instant de repos avec sa compagne sur un rond-point à Avignon avait ému Internet en début d’année 2019. Nous étions alors quelques jours après un discours d’ Emmanuel Macron au cours duquel le président de la République avait évoqué une « foule haineuse » pour qualifier le mouvement après les violences qui avaient marqué les manifestations parisiennes en décembre. Pierre  confiait alors à 20 Minutes se mobiliser pour les « droits élémentaires » qui étaient « remis en cause ».

« J’ai vécu une vie de militantisme mais je n’avais jamais connu, comme pendant ce mouvement des « gilets jaunes », une telle fraternité, confie-t-il, avec le recul, à 20 Minutes. On se retrouvait là-bas, comme participant à une petite famille. » Le retraité a commencé à se mobiliser un peu plus d’un mois après le début du mouvement, fin 2018. « Par ma présence, j’assurais un petit peu la permanence sur le rond-point quand mes collègues salariés ne pouvaient pas venir. »

« Tout le monde s’est un peu dissipé »

Le premier confinement a été « le coup de grâce » de la mobilisation, estime-t-il. « On peut regretter que ce grand mouvement de solidarité se soit un peu éteint. Tout le monde s’est un peu dissipé, je le regrette vivement. » Pourtant, la période de confinement « a encore creusé davantage les souffrances des gens qui étaient les plus mal lotis », souligne-t-il.

Mobilisée dès le 17 novembre 2018, Kim Hoa Chabert, l’autrice de la photo, est une des mémoires de la mobilisation des « gilets jaunes » à Avignon. Elle continue de photographier et filmer ces derniers qui sont, toutefois, bien moins nombreux qu’il y a deux ans. Elle regrette les « critiques » de « gens derrière leur ordinateur » qui « ne viennent pas voir la fraternité, le sourire ». « On veut que la vie soit meilleure », résume-t-elle.

« C’était une surprise qu’il y ait beaucoup de monde »

Un objectif partagé par Georges Tralongo et Yvan Roux, eux aussi « gilets jaunes » de la première heure sur ce rond-point de Realpanier. « Ce qui m’a poussé, à l’époque, c’était une petite révolte. On oublie les plus démunis, le personnel soignant, les retraités, que des gens qui travaillent au Smic n’arrivent pas à se loger alors que l’essence augmente », lance Yvan Roux, 61 ans.

« C’était une surprise qu’il y ait beaucoup de monde [le 17 novembre 2018]. C’était partout en France, ajoute l’agent territorial, qui se déclare apolitique. On est restés pratiquement quinze mois à manifester tous les week-ends. Cela a créé des liens, de l’amitié. Le monde devient égoïste, cela fait du bien de se retrouver dans la solidarité. »

Il ne se rend plus sur le rond-point, mais « son cœur reste jaune ». Il regrette le « bordel » qui a émaillé la moblisation : « Ce mouvement a été spontané. Tout le monde a gravité, il y a eu beaucoup de guerres d’ego… Je ne suis pas dans cet état d’esprit là. Si on était arrivés à se coordonner, on aurait eu plus de poids. »

Il dénonce aussi des violences de la part des forces de l’ordre, qui ont éloigné les manifestants du mouvement, selon lui. « On a toujours manifesté pacifiquement, on s’est pris des coups. Le mouvement a perdu de sa puissance à cause de ça, ça a fait peur aux gens. »

Georges Tralango, lui, revêt toujours son gilet jaune. Dès qu’il le peut, il se rend le samedi après-midi sur le rond-point. « Contrairement à ce que les gens croient, on est toujours là ! » Il a participé à quelques réunions de « gilets jaunes » après l’essoufflement de la mobilisation sur les ronds-points.

Pour ce retraité, petit artisan, l’avenir du mouvement est « mal barré » pour le moment. « Ce n’est pas de notre faute, car on nous empêche de sortir. Et quand on met un « gilet jaune », on se fait taper dessus. » Mais il reste confiant : « Le mouvement a été tellement fort, je ne pense pas que l’Etat arrive à nous museler complètement. »

* Le prénom a été modifié.

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