Covid-19 : pourquoi il faut prendre les indicateurs épidémiologiques avec des pincettes en cette fin d’année 2020

Les chiffres des nouvelles contaminations et des hospitalisations sont notamment faussés par la fermeture de nombreux laboratoires les jours fériés.

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C’est à ne rien y comprendre. Le ministre de la Santé Olivier Véran évoque dans Le Journal du dimanche un virus qui « circule encore trop » avec « 15 000 contaminations détectées par jour en moyenne, alors qu’on était descendu à 11 000… » Pourtant, le site du gouvernement affiche le 27 décembre des données bien moins dramatiques, mises à jour le 26 décembre : 3 093 nouvelles contaminations et une évolution dans les dernières 24 heures de l’ordre de -84,7%.

S’agirait-il d’un miracle de Noël ? Malheureusement non, comme on peut s’y attendre, la magie des fêtes n’a pas eu raison du Covid-19. Mais, elle brouille le tableau de suivi épidémiologique. Les chiffres des nouvelles contaminations sont passés de plus de 20 000 à moins de 5 000 en quelques jours et devraient grimper à nouveau. Franceinfo vous explique pourquoi plusieurs indicateurs sont à considérer avec prudence.

Plus de personnes ont été dépistées

Premier indicateur à avoir été bousculé en cette fin d’année : celui du nombre de nouveaux cas positifs. A l’approche des fêtes, le nombre de tests a explosé. Ainsi, du 14 au 20 décembre, « 2 272 074 personnes ont été testées pour le Sars-CoV-2 » contre 1 304 856 la semaine précédente, d’après Santé Publique France. Ce qui représente une augmentation du nombre de dépistages de 74%. Et « la moitié des tests pratiqués concerne des personnes ne présentant pas de symptômes ». 

Les tests réalisés en prévision des retrouvailles familiales ont donc permis d’identifier une plus grande proportion de personnes asymptomatiques, lesquelles passent habituellement sous les radars des autorités sanitaires, mais aussi de tester davantage de personnes saines, ce qui a comme conséquence de baisser le taux de positivité. Par ailleurs, les campagnes de dépistage lancées dans quatre villes françaises à l’approche des fêtes ont également pu contribuer à la baisse trompeuse du taux de positivité.

Le phénomène n’est pourtant pas nouveau : fin mai, la méthode retenue pour les dénombrer nouvelles contaminations a été modifiée, et le nombre de tests réalisés chaque semaine est passé d’environ 200 000 début juin, à plus d’un million début septembre. L’évolution journalière des cas confirmés en France est donc à considérer avec précaution.

Les jours fériés ont tout chamboulé

D’autant plus que ces données peuvent considérablement varier d’un jour à l’autre. La France a enregistré 20 262 nouveaux cas confirmés en vingt-quatre heures vendredi 25 décembre et 3 093 le samedi 26 selon les données publiées sur le site gouvernement.fr. L’écart entre les deux chiffres est conséquent et s’explique assez facilement : le 25 décembre était un jour férié donc de nombreux laboratoires étaient par conséquent fermés.

Moins de tests ont pu être réalisés durant la journée du 25, ce qui induit naturellement une chute du nombre de nouveaux cas positifs recensés le 26 décembre (date de réception des tests). Une diminution semblable est observée depuis le début de l’épidémie les lundis : un nombre important de laboratoires ne travaillent pas le dimanche, donc moins de tests PCR sont réalisés et analysés, ce qui entraîne un recul du nombre de cas positifs déclarés le lundi.

En cette fin d’année, Noël et le Jour de l’an compliquent d’autant plus la tâche des amoureux des chiffres comme le « data scientist » Germain Forestier qu’ils tombent un vendredi. Les chiffres du week-end sont ainsi peu significatifs.

Car les jours fériés jouent également sur les indicateurs hospitaliers. Le nombre de nouvelles hospitalisations pour Covid-19, d’entrées en réanimation et de décès remontent moins rapidement en week-end et lors des jours fériés en raison d’un personnel moins important. Le phénomène n’est pas propre à la France : on peut observer sur le tableau de bord de Our Wold in Data une importante baisse des décès liés au Covid-19 recensés depuis le 24 décembre.

En France, les données non remontées le week-end sont ajoutées au bulletin épidémiologique du lundi. « Les statistiques livrées en début de semaine par les hôpitaux (…) intègrent le rattrapage d’une moindre déclaration le week-end, et notamment le dimanche », explique Libération. Ainsi, 513 personnes atteintes du Covid-19 ont été hospitalisés entre les 25 et 26 décembre, selon les dernières données de Géodes, la plateforme de Santé publique France. On peut donc s’attendre à la suite de ce week-end de Noël à un important rattrapage.https://twitter.com/GuillaumeRozier/status/1342544622346711045?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1342544622346711045%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.francetvinfo.fr%2Fsante%2Fmaladie%2Fcoronavirus%2Fcovid-19-pourquoi-il-faut-prendre-les-indicateurs-epidemiologiques-avec-des-pincettes-en-cette-fin-d-annee-2020_4235239.html

Les données journalières de nouvelles contaminations et celles hospitalières sont donc habituellement consolidées en moyennes hebdomadaires. Mais ces deux chiffres seront également faussés puisque moins de tests seront réalisés du fait des jours fériés et la notification des cas d’hospitalisation sera retardée car ces cas sont pris en compte dans le calcul de la semaine suivante.

Les déplacements ont brouillé les cartes

Autre paramètre à garder en tête : la surveillance territoriale de l’évolution épidémique va être influencée par les mouvements de population liés aux vacances. Ces derniers ont une incidence sur la circulation de l’épidémie et sur sa surveillance. Pour éviter une fausse augmentation du taux d’incidence dans les lieux de vacances, des mesures ont toutefois été prises depuis l’été : « Lorsque le code postal de la personne testée est disponible, les données sont attribuées au département et région de résidence », précise Santé publique France.

Cette mesure permet d’établir le suivi d’une population locale et d’évaluer les possibilités d’un rebond épidémique au retour de vacanciers de grandes métropoles par exemple. Toutefois, les hospitalisations sont elles recensées par situation géographique des hôpitaux et non pas par l’origine géographique des patients, pour permettre d’évaluer la tension locale des services de santé. Là encore, les fêtes pourraient brouiller les cartes.

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