CumEx Files : la France a perdu 33 milliards d’euros de recettes fiscales en vingt ans

PUTEAUX ( 13.04.2016 ) CONSTRUITES EN 1995 POUR LE COMPTE DE LA BANQUE SOCIETE GENERALE, LES TOURS CHASSAGNE ET ALICANTE MESURENT TOUTES LES DEUX 167 METRES DE HAUT. EN 2007, LA SOCIETE GENERALE, FAISANT PARTIE DES TROIS PLUS GRANDES BANQUES FRANCAISES, A DECIDE DE REGROUPER SES ACTIVITES CENTRALES SUR LE QUARTIER DE LA DEFENSE. PHOTO LE PARISIEN OLIVIER BOITET

Avec la complicité des banques, dont la Société générale, BNP Paribas, Natixis et Crédit agricole, la pratique du « CumCum », qui permet aux détenteurs d’actions d’éviter l’impôt sur les dividendes, a coûté 140 milliards d’euros à dix pays.

Quatre banques françaises sont mises en cause, dont la Société générale. LP / Olivier Boitet

Le 21 octobre 2021

En 2018 déjà, on parlait d’un casse, d’un braquage. À l’époque, Le Monde et quinze autres médias révélaient qu’un montage financier, à la limite de la légalité, avait permis aux détenteurs d’actions d’échapper à l’impôt sur les dividendes, à hauteur de 55 milliards d’euros.

Mais les « CumEx Files » – du nom des documents obtenus pour étayer l’affaire – n’avaient pas livré tous leurs secrets. En réalité, le butin serait au moins trois fois plus grand, selon de nouvelles révélations parues ce jeudi. La combine fiscale, appelée « CumCum », a coûté 140 milliards d’euros en vingt ans, dont 33 milliards à la France, premier pays touché, en raison de l’importance de ses marchés financiers.

Plusieurs banques françaises

En effet, la réforme ne se prononce pas sur les montages financiers les plus complexes. Ainsi, propriétaires d’actions, petits épargnants ou grands fonds d’investissement continuent de confier leurs titres financiers à certaines banques – parmi lesquelles plusieurs banques françaises – au moment de la collecte de la taxe sur les dividendes, pour échapper à l’impôt, à la limite de la légalité.

L’enquête sur les CumEx Files montre également que quatre banques françaises, BNP Paribas, Société Générale, Natixis et Crédit Agricole via sa filiale Cacib, ont fait l’objet d’investigations de l’administration fiscale dès 2017 sur le sujet, et que celles-ci se sont « accélérées » ces derniers mois.

« La vérification des conditions dans lesquelles des cessions temporaires de titres sont réalisées fait naturellement partie des sujets examinés » par les autorités fiscales, a réagi Crédit agricole dans un commentaire transmis à l’AFP.

Une faille juridique encore béante

Le groupe affirme qu’il « ne propose pas de montages à ses clients dans un but d’arbitrage de dividendes ni ne réalise pour son propre compte d’opérations d’arbitrage de dividendes », mais qu’il mène des opérations de couverture « dans le respect des règles juridiques, fiscales et réglementaires en vigueur ».

Sollicités, Société générale et Natixis ont refusé de commenter les révélations. BNP Paribas n’a pas répondu à nos sollicitations dans l’immédiat. Le ministère français des Finances n’a pas non plus donné suite pour l’heure aux sollicitations de l’AFP.

La Fédération bancaire française a pour sa part affirmé que les situations citées dans l’article relèvent de l’appréciation souveraine des tribunaux, ajoutant que les banques « sont parmi les plus gros contributeurs aux finances publiques françaises ». Là se trouve la faille. Si en février 2021, une décision du Conseil d’État a renforcé la jurisprudence en la matière, les tribunaux ont du mal à condamner cette pratique, précisément parce qu’elle surfe sur un vide juridique.

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