« Convoi de la liberté » en France : ce qu’il faut savoir sur ce mouvement anti-pass qui s’inspire du Canada

par la rédaction numérique de France InterAFP publié le 

Depuis dix jours, la ville d’Ottawa, au Canada, est bloquée par des routiers qui protestent contre les mesures sanitaires en vigueur dans le pays. Ce mouvement de contestation, baptisé « convoi de la liberté » a visiblement donné des idées en France. Un appel est lancé pour « rouler sur Paris » ce week-end.

Des manifestants brandissent des pancartes, réclamant la « liberté », sur la Colline du Parlement le 5 février 2022 à Ottawa, Canada. © AFP / Minas Panagiotakis / GETTY IMAGES NORTH AMERICA

Depuis quelques jours, plusieurs groupes et pages de discussion se sont créés sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, afin de s’organiser pour converger ce week-end à Paris pour protester contre le pass vaccinal. Ces militants tentent d’organiser une action nationale d’ampleur pour « le respect des libertés et des droits fondamentaux« , inspirée par celle des routiers canadiens. Les manifestants doivent rallier la capitale vendredi dans la soirée, sans qu’aucun lieu précis de regroupement ne soit mentionné. Certains appellent ensuite à rejoindre Bruxelles pour une « convergence européenne » le lundi 14 février. Voici ce qu’il faut savoir sur ce mouvement de protestation, surveillé de près par les autorités.

Quelle est l’origine de ce mouvement ?

Ce mouvement de contestation s’inspire des manifestations en cours depuis dix jours au Canada. Tout a commencé le 29 janvier dernier. Drapeaux canadiens en étendard, pancartes « Liberté » et slogans contre Justin Trudeau : des milliers de personnes et des centaines de camions ont bloqué le centre de la capitale, Ottawa, pour protester contre les mesures sanitaires et plus globalement contre le gouvernement en place. Parti de la grogne des camionneurs contre l’obligation vaccinale imposée pour franchir la frontière entre le Canada et les États-Unis, le mouvement, baptisé « Convoi de la liberté » s’est ensuite étendu à des revendications plus larges. Les poids lourds ont notamment effectué un « blocage complet » de l’autoroute 4 dans le sud de l’Alberta, près de la frontière, une artère routière majeure pour le transport des biens entre le Canada et les États-Unis.

Ces derniers jours, la situation ne s’est pas améliorée. Lundi, entre 400 et 500 camions bloquaient toujours le centre-ville de la capitale. Certaines rues, encombrées de poids lourds, sont toujours bloquées à la circulation, les commerces fermés et des abris de fortune ont été installés par les manifestants qui passent jour et nuit à klaxonner, au grand dam des habitants, pris dans le bruit et les vapeurs de diesel.

Des camionneurs font le plein de leur poids-lourd, lors de la manifestation des camions Freedom Convoy le 5 février 2022 à Ottawa, au Canada.
Des camionneurs font le plein de leur poids-lourd, lors de la manifestation des camions Freedom Convoy le 5 février 2022 à Ottawa, au Canada. © AFP / Minas Panagiotakis / GETTY IMAGES NORTH AMERICA
A Toronto également, des poids lourds se rassemblent près de Queens Park, le 5 février 2022 , au Canada.
A Toronto également, des poids lourds se rassemblent près de Queens Park, le 5 février 2022 , au Canada. © AFP / Cole Burston / GETTY IMAGES NORTH AMERICA

Jugeant la situation « hors de contrôle » dans sa ville paralysée et dénonçant le comportement « inacceptable » des protestataires, le maire a déclaré « l’état d’urgence » dans la capitale canadienne et la police a durci le ton contre les manifestants. Jim Watson a appelé lundi les autorités fédérales à l’aide pour mettre un terme à la démonstration de force des routiers et plaidé pour l’envoi de 1 800 policiers supplémentaires. « Il faut que ça cesse« , a martelé le Premier ministre Justin Trudeau. De leur côté, les manifestants affirment vouloir poursuivre leur occupation tant que les restrictions sanitaires ne seront pas levées.

Les protestations, qui se sont étendues ce week-end à d’autres villes canadiennes (Toronto, Winnipeg, Québec…), rappellent évidemment sur la forme celles des « gilets jaunes », qui avaient paralysé le centre de nombreuses villes françaises tous les week-ends pendant plusieurs mois à partir de l’hiver 2018. À ce jour, 82% des Canadiens de 5 ans et plus sont vaccinés contre le Covid-19, et plus de 90% des adultes. Estimant que la « vaste majorité » des chauffeurs de poids lourds est vaccinée au Canada, l’Alliance Canadienne du Camionnage, importante association du secteur, a « fortement désapprouvé » cette manifestation.

Photo prise le 5 février, lors du mouvement de protestation contre les mesures sanitaires et Justin Trudeau, à Ottawa, au Canada.
Photo prise le 5 février, lors du mouvement de protestation contre les mesures sanitaires et Justin Trudeau, à Ottawa, au Canada. © AFP / Minas Panagiotakis / GETTY IMAGES NORTH AMERICA
A Ottawa, le 5 février, ce manifestant réclame avec sa pancarte la fin des restrictions dans le pays.
A Ottawa, le 5 février, ce manifestant réclame avec sa pancarte la fin des restrictions dans le pays. © AFP / Minas Panagiotakis / GETTY IMAGES NORTH AMERICA

En France, en quoi ce « convoi de la liberté » consiste-t-il ?

À l’image de ce qu’il se passe au Canada, des milliers d’opposants Français au pass vaccinal annoncent sur les réseaux sociaux vouloir « rouler sur Paris » samedi dans le cadre d’une action citoyenne baptisée « convoi de la liberté« , inspirée donc par celle des routiers canadiens. Différents groupes se sont ainsi créés en ligne : « Convoy France officiel« , regroupe par exemple plus de 23 000 personnes sur Telegram et ou encore « Le convoi de la liberté » sur Facebook, qui compte plus de 270 000 membres.

Six « convois » de covoiturage ou de particuliers à bord de leurs propres véhicules sont annoncés dès mercredi au départ notamment de Bayonne, Nice, Strasbourg ou encore Cherbourg.  Les manifestants doivent normalement rallier Paris, vendredi dans la soirée, et certains appellent déjà à ensuite à rejoindre Bruxelles pour une « convergence européenne » le 14 février.

Description de la page Facebook du groupe "Convoy France"
Description de la page Facebook du groupe « Convoy France » / Capture d’écran page Facebook Convoy France

Sur ces groupes, des centaines de messages affluent de manifestants tentés de rejoindre le mouvement. Il y a d’ailleurs beaucoup de questions sur l’objectif et l’organisation. « Bonjour tout le monde ! Nous souhaitons faire un tout petit bout de trajet avec le convoi entre Bordeaux et Saintes. D’après le tableau, c’est départ jeudi à 10h… mais d’où ? On avait pensé mettre des encouragements sur les ponts de la rocade mais nous ne connaissons pas le trajet exact. Quelqu’un peut-il nous renseigner ? »

La carte des différents convois prévus en France.
La carte des différents convois prévus en France. / Capture d’écran groupe Facebook « Convoy France »
Organisation des différents convois "de la liberté" prévus en France
Organisation des différents convois « de la liberté » prévus en France / Capture d’écran Facebook « Convoy France »

« C’est un convoi en partance de toute la France pour aller rejoindre la capitale, détaille Rémi, contacté par franceinfo, un des premiers internautes à avoir lancé cette idée. Les convois seront composés de particuliers avec leur propre véhicule, camping-car ou voiture de particulier… Il faut bien rappeler, c’est important, que c’est un rassemblement qui s’annonce pacifique et joyeux. » Cible principale de ce « convoi de la liberté » : le pass vaccinal. Sylvain, patron d’une société de transport, partira du Vaucluse avec ses camions. Il n’est pas vacciné. « Ça fait deux ans que, pour ma part en tout cas, je n’ai été ni au restaurant ni au cinéma. Et je pense que ce ras-le-bol, il est commun à énormément de personnes actuellement en France. »

L’objectif est-il de bloquer la capitale ?

Le mouvement, s’inspirant de la colère et du blocage des routiers au Canada, a-t-il lui aussi comme but de bloquer Paris dès ce week-end ?  « Chacun est libre « , mais Convoy France n’appelle pas directement à une action de regroupement ou de blocage, a insisté dimanche dans un tchat vidéo Marisa, porte-parole de ce nouveau mouvement.

Quand on se plonge dans les nombreux commentaires sous les « posts » Facebook de ces groupes, la majorité des participants proposent plutôt des moments de convivialité à travers une distribution de repas ou de l’hébergement sur la route et insistent sur le fait qu’il s’agit d’un « convoi pacifiste, dans le but de faire comprendre au gouvernement et aux Français non réveillés qu’il y en ras-le-bol« .

Cependant, d’autres semblent être dans un autre état d’esprit. « Il faut bloquer, il y a plus que ça à faire« ; « Bloquez Paris de l’extérieur ça fera mal aux ravitaillements et commerces dans Paris ! Rungis la plate-forme du ravitaillement, pourquoi pas…. bref ! Si Paris est bloqué de l’extérieur, ce sera bénéfique car plus d’entrée ni de sortie de Paris ! Soyons plus stratégique, chaque ville a des points faibles ! »

L'un des messages postés sur le groupe Facebook "Le convoi de la liberté"
L’un des messages postés sur le groupe Facebook « Le convoi de la liberté » / Capture d’écran Facebook

Un autre internaute se félicite de ce nouveau mouvement et l’annonce : « Si vous saviez le nombre de personnes qui ne savent pas pour le convoi de la liberté… c’est impressionnant… la surprise  va être monumentale…cette union est magnifique… faut rien lâcher… tous ensemble ». Autre commentaire vu sur l’un des groupes Facebook : « Les médias semblent également la cible : « On est lancé…enfin!!!!! On se fiche des dires et des trolls… ça fait deux ans, voir plus, qu’on nous crache dessus!!! Ce qui arrive se fait tout seul et les merdias ne pourront pas le cacher longtemps!!! Go!!! »

Logo du "convoi de la liberté" réalisé par un internaute.
Logo du « convoi de la liberté » réalisé par un internaute. / Capture d’écran Facebook du groupe « Le convoi de la liberté »

Lundi matin, un premier convoi d’une trentaine de manifestants qui tentait de rejoindre la capitale à bord de leurs véhicules a été intercepté entre l’Essonne et la Seine-et-Marne « dans le calme« , par les forces de l’ordre. En France, la plupart des participants à cette déclinaison française du mouvement sont proches des mobilisations des « gilets jaunes » et veulent trouver « une nouvelle manière d’exprimer leur ras-le-bol général« , au-delà des manifestations locales, a indiqué à l’AFP un organisateur qui a requis l’anonymat.  Mais il ne s’agit pas d’une mobilisation des chauffeurs routiers, a insisté cette source.  Deux syndicats du secteur du transport routier, FO et la CFTC ont confirmé n’être aucunement associés à ce mouvement.

Comment réagissent les autorités ?

« Cette initiative est prise au sérieux par les autorités« , a indiqué à l’AFP une source policière qui annonce « des dispositifs de vigilance« .  « L’évaluation de la menace potentielle fait cependant encore l’objet d’analyses par les services de renseignement, compte tenu du contexte électoral et de la volonté de jouer le mimétisme avec le mouvement canadien« , a-t-elle ajouté.

Mardi matin sur BFM TV, le ministre de l’Intérieur l’a assuré, « nous mettons les moyens de renseignement et d’action si jamais des gens voulaient bloquer la liberté des uns et des autres, surtout un accès à la capitale. » Gérald Darmanin a d’ailleurs fait passer un message : « les moyens sont importants, la réponse de l’État sera extrêmement ferme si c’est le cas. Aujourd’hui, nous n’avons pas les renseignements qui nous démontrent que cela s’organise dans des proportions qui seraient importantes mais nous sommes très attentifs, les policiers et les gendarmes sont très mobilisés et nous prendrons nos responsabilités pour ne jamais laisser entraver la liberté de circulation. »

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