LA LUTTE DES PLACES FAIT AUSSI DES PERDANTS PARMI LES ASSOCIATIFS

LA LUTTE DES PLACES FAIT AUSSI DES PERDANTS PARMI LES ASSOCIATIFS
Bien sûr, l’origine sociale et associative d’un(e) candidat(e) ne garantit rien. Le système électoral qui consiste à élire un député pour 5 ans sans disposer du moindre contrôle sur lui est par nature antidémocratique. La plupart de ceux qui y participent, même avec de bonnes intentions, sont très vite absorbés par le système. Mais le fait qu’on écarte les candidats associatifs au profit des apparatchiks et des notables est significatif. La seule formule démocratique serait des délégués élus par des assemblées d’entreprise et de quartier, révocables à chaque instant et rémunéré sur la base du salaire moyen d’un travail, sur le modèle de la Commune de Paris.
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UN ARTICLE INTERESSANT DE MEDIAPART
Dans la société mobilisée, l’union à gauche fait aussi des perdants
5 mai 2022 | Par Mathilde Goanec
Alors que les officiels des partis se réjouissent des accords conclus à gauche, d’autres militants serrent les dents, voyant leur campagne législative emportée dans la grande lessiveuse de l’union. C’est le cas notamment de candidats des quartiers populaires ou activistes de la société civile, dont certains pensent à se présenter malgré tout.
Sanaa Saitouli y a cru, aux sirènes de l’union. Depuis Cergy, où elle est candidate sur la 10e circonscription du Val-d’Oise, elle a même jugé « géniale » cette nouvelle ère qui semblait s’ouvrir à gauche. Une semaine de tractations plus tard, cette activiste locale de 40 ans, ancienne élue municipale, enfant du quartier de Croix-Petit, voit l’investiture lui échapper a priori au profit du sortant Aurélien Taché, député élu en 2017 sous les couleurs de la majorité présidentielle, revenu depuis vers la gauche de l’hémicycle.
« On prend acte de ce qui vient de se passer, explique Sanaa Saitouli, qui maintiendra sa candidature face au candidat investi par la Nouvelle Union populaire écologiste et sociale (NUPES). Oui je suis une femme, racisée, je viens d’un quartier, je suis maman, je représente tout ce qui est super compliqué pour tout le monde. Je me présente quand même. Parce que j’estime être la seule liste de gauche légitime. »
Plus profondément et au-delà de sa personne, la militante s’interroge sur les blocages structurels du monde politique pour intégrer des profils similaires au sien. « On a l’impression qu’on pourrait faire tout ce qu’on veut, nous serons toujours mis de côté. J’ai fait tout ce travail de formation, de terrain, sur une ligne politique claire, et ça ne suffit jamais. Aujourd’hui, j’ai une boule dans le ventre. Je n’ai pas la gueule de l’emploi. Je n’ai pas les codes, mais c’est quoi les codes en fait ? » L’aventure législative dans de telles conditions ne fera donc pas dévier Sanaa Saitouli de son mantra : « Ce qui est fait pour nous sans nous sera fait contre nous. »
Même amertume à Argenteuil, où le candidat Mehdi Lallaoui, réalisateur et écrivain, enfant du pays, pourrait maintenir sa candidature face à un candidat NUPES, ou chez Aly Diouara du collectif « Seine-Saint-Denis au cœur ». « La France insoumise a gagné sa troisième place grâce aux quartiers populaires et aujourd’hui elle leur tourne le dos. » Le jeune homme prévient : en préférant une alliance avec le Parti socialiste, « qui a voté la loi “séparatisme” », « il va y avoir des dissidents de partout ».
Pour les militantes et militants des quartiers populaires, membres du collectif « On s’en mêle » – ayant soutenu la candidature de Jean-Luc Mélenchon au premier tour, autant par adhésion que pragmatisme –, même inquiétude face au mécano électoral en train de se monter. Il reste, pour certaines personnalités historiques des luttes dans les quartiers, des « miettes ». Une énième « instrumentalisation » des militant·es et surtout de l’électorat, qui fait craindre un désengagement pour les législatives.
Nous n’avons pas été gourmands, nous avons demandé à sécuriser trois candidatures seulement sur des candidatures issues du terrain ultra-légitimes.
Omar Slaouti, militant antiraciste
« Aujourd’hui, on a a priori une cinquantaine de circonscriptions réservées au Parti communiste, 70 pour le Parti socialiste, une centaine pour les Verts, le reste pour la FI, rappelle Omar Slaouti, militant antiraciste, qui a assisté pour « On s’en mêle » aux négociations de ces derniers jours. Nous n’avons pas été gourmands, nous avons demandé à sécuriser trois candidatures seulement, à Vaulx-en-Velin, Nanterre et Toulouse, sur des candidatures issues du terrain ultra-légitimes. Mais ce que nous voulons par-dessus tout, c’est garder une totale autonomie, à savoir soutenir aussi des candidatures qui ne seraient pas endossées dans le cadre de l’union. »
Omar Slaouti cherche néanmoins à éviter les « caricatures un peu rapides », nées de la colère grandissante face à un scénario que les quartiers populaires connaissent trop bien, celui de figurer sur la photo le temps du vote, pour retomber dans l’oubli au moment de la distribution des postes. « Dans cette perspective d’union à gauche, il y a un contenu politique qui est porté, le blocage des prix, la lutte contre les discriminations, le partage des richesses, l’investissement dans l’école, c’est évidemment un programme qui nous contente et dans lequel on se retrouve, ce n’est pas juste un accord d’appareils qui va se retourner contre les quartiers. »
« Un progrès » selon La France insoumise
« C’est tout le paradoxe de cette union : elle ne peut pas se faire sans accord d’appareils mais, ce faisant, on régresse sur les pratiques démocratiques de base. » Kevin Vacher, candidat en campagne depuis des mois au nom du collectif « Nos vies, nos voix » dans la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône, militant local et respecté sur le mal-logement depuis le drame de la rue d’Aubagne, n’a cependant pas envie de se « vivre en dissident ». « On se sent totalement appartenir à cette nouvelle union à gauche. Si on a poussé autant pour des candidatures citoyennes, si on a fait le rassemblement à la base, ce n’est pas pour se renier ensuite. Et nous ne sommes pas naïfs, cela passe aussi par des discussions entre partis. »
Mais face à lui, La France insoumise sort l’artillerie lourde, dans un territoire très populaire et acquis à la gauche : il fut un temps question du retour de Jean-Luc Mélenchon sur la circonscription qui lui a permis d’accéder à l’Assemblée en 2017, et le nom de Manuel Bompard, directeur de campagne du candidat insoumis, circule désormais. « Sur les circonscriptions dites gelées, là ou il a des sortants, on attend la décision des sortants, c’est la règle insoumise, rappelle Kevin Vacher. Nous avons proposé ma candidature en étant clair que nous nous sentions appartenir pleinement à l’Union populaire [voir ici le courrier adressé à la LFI fin avril –ndlr]. Depuis on attend, avec comme seul process celui de faire des courriers au national et de dire publiquement ce qu’on en pense. »
« Il ne s’agit pas d’une discussion sur les personnes, même si on préfère quelqu’un d’ancré à un parachuté, insiste le militant. Ce qui importe, c’est que les expériences du terrain soient saisies comme de vrais chantiers politiques. »
Et si pour le moment une sorte de concorde s’impose pour battre « Macron et Marine Le Pen », la gauche et La France insoumise en particulier risquent d’avoir les oreilles qui sifflent à l’occasion de l’« assemblée nationale des quartiers populaires », organisée dimanche 8 mai à Stains en Seine-Saint-Denis, afin de faire le bilan de l’initiative « On s’en mêle ». Le collectif songe éventuellement à se constituer en force politique autonome.
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