« Justice pour le vivant » : l’État français au tribunal pour l’effondrement de la biodiversité

Activists of Environmental NGO "la Confederation paysanne" set up placards showing a drawing of an angry bee outside the Conseil d'Etat (Counsil of state) in Paris, on March 9, 2021, to protest against a draft law that would allow a temporarily lift of a two-year-old ban on bee-killing neonicotinoid pesticides, on the day the Counsil starts reviewing the bill. (Photo by Thomas SAMSON / AFP)

La France, représentée par le ministère de l’Agriculture, est accusée par cinq ONG de carence fautive dans cette procédure lancée en 2021, où l’encadrement des pesticides joue un rôle crucial.

THOMAS SAMSON / AFP
La France est pointée du doigt dans cette affaire pour plusieurs défaillances, concernant notamment « la mise en place de procédures d’évaluation des risques et d’autorisations de mise sur le marché des pesticides » (Photo d’illustration).

JUSTICE – Après le climat et la pollution de l’air, c’est pour l’effondrement de la biodiversité que l’État français se retrouve au tribunal. Une audience se tient dès ce jeudi 1er juin à Paris dans ce dossier inédit, avec en son cœur la remise en cause par les ONG de l’utilisation massive des pesticides.

Cinq ONG de défense de l’environnement (Pollinis, Notre Affaire à tous, l’Association nationale de protection des eaux et rivières, Biodiversité sous nos pieds, et ASPAS) ont en effet déposé un recours pour carence fautive de l’État devant le tribunal administratif de Paris.

Une première audience très attendue se tient donc ce jeudi à partir de 14 heures dans cette procédure baptisée « Justice pour le vivant », lancée en 2021. La rapporteure publique livrera lors de l’audience ses conclusions, souvent mais pas toujours suivies par les juges, et il faudra ensuite attendre deux semaines au moins avant une décision. Pour soutenir ce recours, un rassemblement de soutien sera organisé juste avant l’audience.

Ce dossier fait suite à d’autres affaires dans lesquelles l’État a déjà été condamné, sur son action climatique et pour la pollution de l’air. « On l’imaginait vraiment au départ comme le pendant biodiversité de l’Affaire du siècle », où la carence de l’État en matière de lutte contre le changement climatique a été reconnue, raconte Justine Ripoll, de Notre affaire à tous.

Un mauvais encadrement des pesticides

Dans « Justice pour le vivant », les ONG soulignent avant tout la défaillance de l’État « dans la mise en place de procédures d’évaluation des risques et d’autorisations de mise sur le marché des pesticides », dont l’usage par l’agriculture intensive est jugé « immodéré ».

Depuis le Grenelle de l’environnement fin 2007, qui avait fixé un objectif de réduction de 50 % de l’usage des pesticides de synthèse en 10 ans, les deux plans successifs mis en œuvre, Ecophyto 1 et 2, ont en effet abouti à des échecs. Résultat, ces 30 dernières années en Europe, les populations d’insectes volants ont diminué de 75 % et les populations d’oiseaux des champs ont chuté de 30 % en France, selon des études citées par les ONG.

Et les dernières études confirment ce constat et le lien avec l’agrochimie. Des scientifiques viennent ainsi de publier une étude, fondée sur une masse de données inédite, soulignant l’intensification de l’agriculture comme principale cause du spectaculaire déclin des oiseaux en Europe, qui sont quelque 20 millions à disparaître en moyenne chaque année.

Les compétences du tribunal administratif remises en cause

Dans son mémoire en défense, l’État, représenté par le ministère de l’Agriculture, estime ne pas avoir de marge de manœuvre par rapport au droit européen. La procédure d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques « est entièrement harmonisée par le droit de l’UE » qui « prend en compte la défense de l’environnement », selon le document, consulté par l’AFP.

Quant au non-respect des plans Ecophyto, les objectifs fixés par ces derniers ont « une valeur programmatique et ne sauraient avoir une portée contraignante », dit l’Etat, affirmant ainsi ne pas pouvoir être tenu juridiquement responsable.

Le lobby souligne par ailleurs dans un communiqué que la réglementation européenne est « l’une des plus strictes au monde », il avance un « caractère multifactoriel » dans l’effondrement de la biodiversité et pose « les bénéfices et l’efficacité de l’usage raisonné des produits phytopharmaceutiques en termes d’approvisionnement des filières agricoles, de souveraineté et de sécurité alimentaire ».

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