NOUS NE TOURNERONS PAS LA PAGE NOUS ALLONS CONTINUER A L’ECRIRE

NOUS NE TOURNERONS PAS LA PAGE
NOUS ALLONS CONTINUER A L’ECRIRE
Avec la lutte contre la réforme des retraites, une phase du combat qui oppose les classes populaires au capital et à ses représentants est en train de prendre fin. Mais ce n’est qu’une étape d’un combat plus long et, contrairement aux impressions du moment de beaucoup, Macron et la classe des capitalistes y ont perdu bien plus que nous.
Bien sûr, la loi instaurant deux ans de travail de plus est passée. Et elle est passée par un déni démocratique comme cela n’avait jamais été fait auparavant en empêchant les députés de voter. C’est évidemment important comme recul tout à la fois social comme démocratique. Et on en ressent le contre-coup. De plus, le gouvernement profite tout de suite de ce recul pour attaquer la Sécurité sociale avec son projet de fusion de la carte Vital et de la carte d’identité, après déjà avoir imposé de travailler aux bénéficiaires du RSA ce qui revient à menacer le SMIC à terme, en même temps qu’il limite encore un peu plus le droit de manifester avec la multiplication des drones et qu’il autorise à écouter les téléphones privés dans certains affaires criminelles, ce qui n’en doutons pas s’étendra aux activités militantes.
Nous sommes en guerre, a dit il y a quelques temps un milliardaire, et c’est ma classe qui est en train de la gagner. Et bien non. Si ça a été vrai ces dernières années et mêmes ces trois à quatre décennies passées, c ‘est l’inverse qui est en train de s’amorcer. Le recul social continue certes mais il s’accompagne d’une montée de la détermination et de la conscience de classe des opprimés. Ce qui est déterminant pour les batailles suivantes de cette guerre.
Car il s’agit d’une guerre d’une toute petite minorité de riches contre la grande majorité qui fait tout, depuis les cravates des milliardaires jusqu’à leurs billets de banques et même leurs armes. Sans nous, ils ne sont rien. Mais ce qui fait leur force, c’est notre acceptation, notre soumission à leur ordre, le partage même de certaines de leurs valeurs morales ou intellectuelles, la croyance en leur système de représentation dit démocratique, leurs élections, leur Parlement, la confiance dans leur police, leur justice, leur presse….
Nous avons le nombre, la détermination mais pas encore la conscience de nos intérêts de classe, ce qui nous empêchait jusque là de nous battre efficacement. Or c’est cela qui est en train de changer. Nous avions un sentiment de classe mais pas une conscience de classe en croyant que nous avions quand même une petite place dans leur système. Cette confiance dans leur système était déjà bien ébréchée depuis que notre combat vers la conscience de classe a commencé ouvertement en 2016 et que s’accumulent les expériences en ce sens en couches successives au fil des combats depuis cette date. De plus en plus voient bien que les capitaines d’industrie ne sont que des escrocs, que le « privé » n’est que le mot qui camoufle le vol du travail des autres, que la crise n’est que pour les pauvres, que leurs informations de leurs journaux ne sont que de la propagande, que leur police dite nationale n’est qu’une milice du capital, leur Justice une justice de classe… Mais leur volonté de faire une réforme des retraites, c’est-à-dire mettre fin au droit à la retraite, sans aucune justification économique, contre l’avis général de l’opinion, contre la démocratie sociale des syndicats, des grèves et des manifestations, contre même la démocratie parlementaire a ajouté quelque chose de plus à ces prises de conscience : c’est qu’il s’agit bien d’une guerre globale. D’une guerre où est en jeu la survie même de notre classe, d’une guerre où il n’y a pas de compromis ni de dialogue social, mais seulement un plus fort et un plus faible, un vainqueur et un vaincu, et où le vainqueur dicte sa loi sans aucune pitié pour le vaincu.
Ce qui faisait notre faiblesse, c’était de ne pas avoir mesuré que nous avons changé d’époque, que nous ne sommes plus dans un moment où il y a encore un ascenseur social, une école pour cela, des protections sociales contre l’âge, la maladie, le chômage et des services publics qui permettent une certaine démocratie sociale à défaut d’une réelle démocratie politique. Les capitalistes veulent supprimer tout cela et donc le peu de démocratie politique qui allait avec et ils ont commencé à le faire.
Cet épisode de la lutte contre la réforme des retraites, du 49.3, de l’article 40… malgré les millions dans les rues pendant presque 5 mois nous a appris que si nous ne voulons pas être ramenés à la situation des travailleurs du XIXe siècle, il faudra renverser la classe bourgeoise et ses représentants politiques.
Nous sommes entrés dans cette lutte des retraites déjà bien conscients de la gravité du recul que représentait travailler deux ans de plus mais pas vraiment encore du fait que c’est notre écrasement total dans tous les domaines que vise la bourgeoisie et que Macron est programmé pour ça.
C’est ce double aspect de la conscience de notre classe qui a donné ce caractère étonnant à cette lutte.
C’est la conscience que ce qui se passait était grave qui a fait que de larges secteurs de la classe ouvrière se sont emparés des journées d’action syndicales pour en faire autre chose que de simples journées saute moutons inefficaces comme d’habitude et imposer la revendication du retrait de la réforme et non de son simple aménagement. C’est sous cette pression inhabituelle que l’intersyndicale a duré et qu’ont pu se déclencher en mars des grèves reconductibles dans certains secteurs professionnels comme des débordements de la jeunesse un certain nombre de soirs autour du 49.3 et de la répression de Sainte Soline. Mais en même temps, ces grèves et ces débordements n’ont jamais été un débordement général de la direction de l’intersyndicale pour avancer une autre direction et une autre politique mais ont été plutôt un accompagnement un peu plus radical de sa politique.
On ne sait pas ce qui se serait passé, si l’intersyndicale avait voulu mener une politique de construction de la grève générale pour renverser Macron, si ça aurait été suivi ou pas. Mais ce qu’il y a de sûr, c’est d’une part que les directions syndicales n’auraient jamais mené une telle politique, parce qu’elles sont intégrées à ce système, prêtes à accompagner tous les reculs, ce qui fait que c’était inutile de leur demander, et, d’autre part et surtout, que la base populaire le savait parfaitement mais n’a jamais tenté non plus de mener cette politique par elle même – la difficulté à l’auto-organisation en était l’illustration témoignant là qu’il était illusoire d’espérer de ce côté. La base voulait vérifier s’il n’y avait pas encore une possibilité de compromis avec l’ordre établi, avant de se lancer dans un combat d’une toute autre ampleur et nécessitant un tout autre engagement.
Voilà la leçon que de larges couches de la classe ouvrière vont tirer en même temps que son avant-garde la plus consciente.
La conscience qui s’est bâtie dans ces événements est le terreau d’une grève générale pour demain. Et Macron ne manquera pas de provocations pour déclencher de nouveaux surgissements.
La grève générale de mai 68 n’était pas un éclair dans un ciel serein. Elle a commencé à se bâtir à partir de 1963 à travers de nombreuses grèves et crises tandis que la prise de conscience de la nécessité de faire tomber le pouvoir par la grève générale s’est accélérée au printemps 1967 à l’occasion d’élections législatives où les gaullistes n’ont gagné que d’extrême justesse – donnant le sentiment d’une élection volée – ce qui a conduit le pouvoir à gouverner par décrets ( très anti-sociaux et anti-démocratiques) par dessus la tête du Parlement parce qu’il n’était pas sûr d’y être majoritaire, entraînant de ce fait dans la population le sentiment de vivre dans une royauté. La colère sourde a monté tout l’automne et l’hiver 1967 avant d’éclater au printemps 1968.
Il faut un peu de temps pour digérer et tirer les leçons de ce qui vient de se passer mais soyons sûrs que la pause sera de courte durée. Pour certains, il n’y en aura même pas : ils continueront les casserolades, les mobilisations et grèves diverses, non pas avec le sentiment de recommencer comme un début dans une lutte isolée, mais avec l’esprit que chaque lutte est une continuation, participe à la construction d’un rapport de force global, d’une conscience globale. Bref, nous ne tournons pas la page mais conscients que chacune des luttes qui commence, quelle que soit sa forme et son objet, ajoute une brique à une situation où se construit la conscience de la nécessité de la grève générale pour dégager Macron et son monde.
Alors oui, nous irons jusqu’au retrait et pas qu’au retrait mais nous reprendrons tout
Jacques Chastaing 11 juin 2023

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